Ou en est la dignité ? Je ne sais plus. Cet oubli de toute dignité, cet engourdissement progressif des sentiments nobles ne se remarque pas seulement chez les jouisseurs des classes aisées. L’homme du peuple aussi est atteint. Je connais bien des petits ménages où pourrait régner le bonheur, mais où vous verriez une pauvre mère de famille qui n’a que peine et chagrin jour et nuit, des enfants sans souliers et souvent de gros soucis pour le pain. Pourquoi? Parce qu’il faut trop d’argent au père. Pour ne parler que de la dépense en alcool, chacun sait les proportions qu’elle a atteintes depuis vingt ans. Les sommes englouties par ce gouffre sont fabuleuses: deux fois la rançon de la guerre de 1870. Combien de besoins légitimes on aurait pu satisfaire avec ce qui a été jeté en pâture aux besoins factices? Le règne des besoins n’est pas celui de la solidarité, bien au contraire. Plus il faut de choses à un homme pour lui-même, moins il peut faire pour le prochain, même pour ceux qui lui sont attachés par les liens du sang. Diminution du bonheur, de l’indépendance, de la délicatesse morale, voire des sentiments de solidarité, tel est le résultat du règne des besoins. On pourrait y ajouter une multitude d’autres inconvénients dont le moindre n’est pas l’ébranlement de la fortune et de la santé publiques. Les sociétés qui ont de trop grands besoins s’absorbent dans le présent, elles lui sacrifient les conquêtes du passé et lui immolent l’avenir. Après nous le déluge! Raser les forêts pour en tirer de l’argent, manger son blé en herbe, détruire en un jour le fruit d’un long travail, brûler ses meubles pour se chauffer, charger l’avenir de dettes pour rendre agréable le moment actuel, vivre d’expédients, et semer pour le lendemain des difficultés, les maladies, la ruine, l’envie, les rancunes,… on n’en finirait pas si l’on voulait énumérer tous les méfaits de ce régime funeste. Au contraire, si nous nous en tenons aux besoins simples, nous évitons tous ces inconvénients et nous les remplaçons par une multitude d’avantages. C’est une vieille histoire que la sobriété et la tempérance sont les meilleures gardiennes de la santé. À celui qui les observe elles épargnent bien des misères qui attristent l’existence; elles lui assurent la santé, l’amour de l’action, l’équilibre intellectuel. Qu’il s’agisse de la nourriture, du vêtement, de l’habitation, la simplicité du goût est en outre une source d’indépendance et de sécurité. Plus vous vivez simplement, plus vous sauvegardez votre avenir. Vous êtes moins à la merci des surprises, des chances contraires. Une maladie ou un chômage ne suffisent pas pour vous jeter sur le pavé. Un changement, même notable, de situation ne vous désarçonne pas. Ayant des besoins simples, il vous est moins pénible de vous accommoder aux chances de la fortune. Vous resterez un homme même en perdant votre place ou vos rentes, parce que le fondement sur lequel repose votre vie n’est ni votre table, ni votre cave, ni votre écurie, ni votre mobilier, ni votre argent. Vous ne vous comporterez pas dans l’adversité comme un nourrisson auquel on aurait retiré son hochet ou son biberon. Plus fort, mieux armé pour la lutte, présentant, comme ceux qui ont les cheveux ras, moins de prise aux mains de l’adversaire, vous serez en outre plus utile à votre prochain. Vous n’exciterez ni sa jalousie, ni ses bas appétits, ni sa réprobation par l’étalage de votre luxe, par l’iniquité de vos dépenses, par le spectacle d’une existence parasitaire; et moins exigeant pour votre propre bien-être vous garderez des moyens de travailler à celui des autres. Toute cette réflexion me vient de ma participation au séminaire de Deauville sur l’avenir du devoir. Si vous souhaitez en savoir plus, suivez le lien vers le site de l’organisateur.
A Sivens, nouveaux tirs de barrage
Sur le site de Sivens (Tarn), la sculpture à la mémoire de Rémi Fraisse, ce militant écologiste tué par l’explosion d’une grenade tirée par un gendarme le 26 octobre 2014, a disparu. Arrachée en pleine nuit, par des anonymes, quelques jours après la marche commémorative organisée le 25 octobre (lire Libération du 26 octobre). Volonté d’apaisement de la part des autorités ? La veille de Noël, l’Etat a discrètement abrogé le projet de barrage de Sivens dans un arrêté signé par les préfets du Tarn et du Tarn-et-Garonne. Cette décision devrait permettre l’ouverture de discussions «apaisées» entre défenseurs de l’environnement et agriculteurs, sur la base d’un nouveau projet de barrage réduit de moitié.
Quelles sont les conséquences de l’arrêté pris par les préfets ?
Condition sine qua non : la signature de l’arrêté du 24 décembre a été précédée par un accord transactionnel entre l’Etat et le conseil général du Tarn, ratifié par l’assemblée territoriale le 11 décembre. L’Etat s’engage à verser 3,4 millions d’euros à la collectivité dirigée par le socialiste Thierry Carcenac : 2,1 millions pour les dépenses en pure perte engagée sur le site et 1,3 million pour réhabiliter la zone humide. Le projet initial d’un barrage créant une retenue d’une capacité de 1,5 million de mètres cubes, d’une longueur de 1,5 kilomètre et de 230 mètres de large est définitivement abandonné. Selon l’accord conclu entre l’Etat et le département du Tarn, il devrait laisser place à l’étude d’un nouveau projet deux fois plus petit : une retenue d’eau de 750 000 m3, située à 300 mètres en amont du site initial et de l’endroit où est mort Rémi Fraisse.
Comment ce nouveau projet de barrage peut-il se mettre en place ?
Ce n’est pas gagné d’avance. Pour pouvoir réaliser une retenue de substitution et obtenir des financements, notamment européens, le département du Tarn doit élaborer un «projet de territoire» impliquant les agriculteurs concernés (83 selon la chambre d’agriculture du Tarn, une trentaine au total selon les opposants au barrage) et les associations environnementales. Un «médiateur» adoubé par la ministre de l’Ecologie, Ségolène Royal, doit être nommé dans le courant du premier trimestre 2016. Seul point d’accord pour le moment : ces discussions où pro et anti-barrage confronteront leurs arguments et expertises devraient durer au moins une année. «Quelle que soit l’alternative retenue, le nouveau chantier ne débutera pas avant 2018», indique à Libération Ben Lefetey, porte-parole du collectif Testet (anti-barrage).
Quelles sont les positions des pro et anti-barrage ?
Pour les associations environnementales regroupées dans le collectif Testet, le «nouveau projet de barrage light» est aussi «aberrant que le précédent». «Il détruira tout autant la zone humide du Testet et il ne tient pas compte des alternatives possibles», réagit Ben Lefetey. Les militants écologistes ont réalisé leurs propres études. «Nous avons un an devant nous pour convaincre de nos solutions d’un point de vue rationnel, poursuit le porte-parole du collectif d’opposants. Selon ces derniers, 2 millions de m3 d’eau non utilisée «dorment» dans les réserves existantes des agriculteurs locaux. La construction d’un réseau de canalisations adapté permettrait ainsi de «redistribuer cette eau en fonction des besoins réels de chacune des exploitations concernées». Et «si ce n’était pas suffisant», le collectif du Testet se dit «d’accord pour la construction d’un barrage de 300 000 m3 en aval de la forêt de Sivens», sur la commune de Bessières (Haute-Garonne).
Le chef de file EE-LV du prochain conseil régional Midi-Pyrénées-Languedoc-Roussillon, Gérard Onesta, souhaite un «débat serein» et réclame une «vraie réflexion de fond», notamment sur le type d’agriculture pratiquée. L’accord de nouvelle gouvernance signé avec la future présidente de la région, la socialiste Carole Delga, «permettra d’étudier toutes les alternatives basées sur des expertises indépendantes», précise-t-il à Libération. Cela pourrait finalement amener à organiser une consultation par référendum des populations concernées. «Il faut de l’eau pour les agriculteurs de la vallée, et il est clair que cette retenue d’eau doit être construite sur le site de Sivens, rétorque Philippe Jougla, le président de la Fédération départementale des syndicats d’exploitants agricoles, syndicat majoritaire à la chambre d’agriculture du Tarn. Nous sommes prêts à la discussion sur la taille de ce barrage en fonction des usages qui seront définis.» Les discussions entre pro et anti-barrage s’annoncent «compliquées», anticipe un élu du conseil général. L’enquête sur les causes de la mort de Rémi Fraisse ouverte au lendemain de son décès est toujours en cours.
Jean-Manuel Escarnot
L’épouse française de Samy Amimour écrit sa fierté
L’épouse française de Samy Amimour, un des trois kamikazes tués au Bataclan le 13 Novembre, actuellement en Irak, a envoyé une série de mails à une connaissance pour dire sa fierté, selon le Parisien de lundi.
Dans son dernier écrit, trois jours après les attentats, elle exulte : «J’ai encouragé mon mari à partir pour terroriser le peuple français qui a tant de sang sur les mains», se réjouit-elle.
«Je suis tellement fière de mon mari et de vanter son mérite, ah là là, je suis si heureuse…» a-t-elle écrit à une des ses anciennes connaissances dans une série de courriels découverts par les enquêteurs où elle raconte sa vie dans des messages «contenant tous les codes de la propagande de l’EI», révèle le quotidien.
La jeune femme, qui vient d’avoir un enfant selon le quotidien, prévient son interlocuteur : «Tant que vous continuerez à offenser l’islam et les musulmans vous serez des cibles potentielles, et pas seulement les flics et les juifs mais tout le monde.»
Mariée religieusement à Samy Aminour, qu’elle a rencontré en Seine-Saint-Denis, la jeune femme de 18 ans a quitté le lycée en 2014 pour rejoindre en Syrie l’ancien chauffeur de bus radicalisé.
«J’ai un appart tout meublé avec cuisine équipée, deux salles de bains toilettes, et trois chambres, et je paye pas de loyer, ni l’électricité et l’eau. La belle vie quoi !!!» se vante-t-elle également.
Le kamikaze, mort à 28 ans le 13 novembre en commettant un carnage dans la salle de concert parisienne, était né et avait grandi à Drancy (Seine-Saint-Denis), ville dont dépend le cimetière de La Courneuve où il a été inhumé le soir du réveillon de Noël.
AFP
Nouvelle manifestation à Ajaccio : «On est chez nous»
«On est chez nous», «Arabes dehors», «On est toujours là», ont scandé samedi après-midi quelques centaines de manifestants venus protester pour la seconde journée consécutive dans plusieurs quartiers populaires d’Ajaccio contre l’agression de deux pompiers et un policier la nuit de Noël. «Je suis contente qu’ils soient là», a témoigné une habitante des Jardins de l’Empereur, une cité populaire des hauteurs de la ville, interrogée par l’AFP : «ça fait cinquante ans que je vis là et ce n’est plus possible».
Au lendemain du saccage d’une salle de prière musulmane en marge d’une première manifestation, un dispositif conséquent de gendarmes mobiles et CRS veillait à empêcher tout débordement dans ce quartier où les manifestants sont arrivés en milieu d’après-midi, avant de se diriger vers les quartiers voisins de Saint-Jean et Sainte-Lucie.
A lire aussiLe récit du saccage : «Une partie des manifestants s’est ensuite dirigée vers une salle du prière du quartier voisin»
Les portes vitrées de trois halls d’entrée du quartier de l’Empereur ont été brisées à coups de pierre par un manifestant, a constaté une journaliste de l’AFP qui n’a noté aucune violence à Sainte-Lucie, où un fumigène a simplement été lancé.
Le cortège commençait à se disperser vers 18 heures.
«Un véritable guet-apens», selon un pompier blessé
Ces manifestations visent à dénoncer les agressions dont ont été victimes deux pompiers puis un policier dans la nuit de jeudi à vendredi. Selon la préfecture, un incendie avait été «volontairement allumé» dans les Jardins de l’Empereur «pour attirer les forces de l’ordre et les pompiers dans un guet-apens».
Selon le témoignage de l’un des deux pompiers blessés dans cette agression, ils sont d’abord tombés sur cinquante à soixante individus qui se trouvaient autour d’un feu et leur ont lancé des projectiles : pierres, parpaings, barre de fer. Puis, alors qu’ils rebroussaient chemin, les pompiers ont a nouveau été pris à partie par un petit groupe : «Nous avons été pris dans un véritable guet-apens par une vingtaine de personnes armées de barres de fer, de battes de baseball, cagoulées. Ils ont essayé de nous porter des coups, d’ouvrir le camion, ils ont réussi à briser les vitres», a relaté le pompier sur i-Télé.
«C’est un tout petit groupe de jeunes», a nuancé Mehdi, un autre habitant des Jardins de l’Empereur, âgé de 35 ans. «Les parents abandonnent, le problème c’est l’éducation. Mais nous, nous voulons tous vivre ensemble, sans problème.»
«Arabi fora», «On est chez nous !», «Il faut les tuer»
Vendredi, une première manifestation pacifique de soutien aux pompiers et au policier a rassemblé quelque 600 personnes devant la préfecture d’Ajaccio mais, en fin de journée, environ 300 d’entre elles ont rejoint le quartier des Jardins de l’Empereur. Ces manifestants ont d’abord affirmé vouloir retrouver les auteurs de l’agression de la veille, scandant pour certains «Arabi fora (les Arabes dehors, ndlr) !» ou «On est chez nous !».
Une vidéo – non authentifiée – publiée sur Twitter fait aussi état de manifestants criant «Il faut les tuer» :
Les corses scandent » Il faut les tuer » pendant l’attaque de la salle de prière musulmane #Ajacciopic.twitter.com/XbKRWrNACQ
— Nacéra (@NasNacera) 26 Décembre 2015
Un petit groupe s’est ensuite détaché pour saccager une salle de prière musulmane. Les casseurs ont tenté de mettre le feu, puis n’y arrivant pas, ont cherché à brûler une cinquantaine de livres, dont des exemplaires du Coran. Un restaurant kébab a été également dégradé.
A lire aussiLes responsables musulmans dénoncent le saccage d’Ajaccio
LIBERATION avec AFP
Vous ai-je déjà souhaité un joyeux Noël ?
c’est fait.
L’urgence dans tous ses états
Libération répertorie les témoignages et synthèses autour de l’état d’urgence instauré le 13 novembre et de ses dérives. Selon le dernier bilan publié par le ministère de l’Intérieur – daté du {{ numbers[‘date’] }} – ont été effectuées depuis le 13 novembre :
- {{ numbers[‘perquisitions’] }} perquisitions administratives
- {{ numbers[‘assignations’] }} assignations à résidence
- {{ numbers[‘interpellations’] }} interpellations, dont {{ numbers[‘gardes à vue’] }} gardes à vue
- {{ numbers[‘armes’] }} saisies d’armes, dont {{ numbers[‘armes de guerre’] }} «armes de guerre»
Le tout pour un total de deux enquêtes préliminaires ouvertes.
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Fausse bombe dans l’avion : la garde à vue du passager du vol AF463 a été levée
A peine débarqué, déjà embarqué. Un policier à la retraite de 58 ans, passager du vol Air France à bord duquel a été découvert un objet suspect, a été placé en garde à vue lundi à son retour à Paris, selon une source policière contactée par l’Agence France Presse. Il est soupçonné d’avoir placé cet objet dans le Boeing 777 qui devait relier, dans la nuit de samedi à dimanche, l’Ile Maurice à Paris. Lundi soir, la garde à vue a été levée, et l’homme relâché. Ce qui ne signifie pas que l’homme est hors de cause. Mais seulement que «l’état actuel des investigations ne justifie plus le maintien de la garde à vue», a précisé à l’AFP le parquet de Bobigny, qui «poursuit son enquête».
Environ deux heures après le décollage du vol AF463, une hôtesse de l’air a alerté le commandant de bord à propos d’un objet ressemblant à une bombe, placé dans le placard d’une des toilettes de l’avion. Après discussion avec le Centre de contrôles des opérations (CCO) d’Air France, basé à Roissy, et le service de déminage basé à Versailles, l’équipage a décidé de se dérouter vers l’aéroport le plus proche, Mombasa au Kenya. Les services de déminage kényans ont extrait l’objet et, après analyse, ont affirmé qu’il s’agissait d’une bombe factice. «Un ensemble composé de cartons, de papier et d’une espèce de minuteur», a indiqué Frédéric Gagey, PDG d’Air France, dimanche après-midi. «Il n’y avait rien qui présentait un caractère dangereux.»
Une partie des 459 passagers ont été rapatriés dans la soirée de dimanche et ont atterri lundi matin à Roissy Charles-de-Gaulle à 6h50, à bord du vol AF4195. La police des frontières a alors interpellé un homme, «dans le cadre de l’enquête ouverte à la suite de cette plainte pour des faits d’entrave à la circulation des aéronefs et mise en danger de la vie d’autrui», a précisé le parquet de Bobigny. Selon l’équipage, l’homme interpellé avait fait de nombreux allers-retours dans les toilettes pendant le vol, a affirmé à l’AFP une source policière. Sa femme a aussi été interpellée et entendue comme témoin.
Dès dimanche, les soupons se sont portés vers des personnes présentes à bord de l’avion. Frédéric Gagey avait précisé dimanche que le personnel de bord avait vérifié l’ensemble des placards avant le décollage, y compris celui des toilettes. «Comme il y a eu une visite avant le vol et qu’on ne l’a pas trouvé, je pense que l’objet a sans doute été placé là pendant le vol», avait ajouté le PDG.
Richard Poirot
«Dropped» : une erreur de pilotage à l’origine de l’accident
«Légèreté dans l’organisation» et «graves manquements à la sécurité». Le rapport d’enquête du JIAAC, l’équivalent argentin du BEA (Bureau d’enquête et d’analyse pour la sécurité de l’aviation), jette un peu de lumière sur les circonstances du crash des deux hélicoptères loués par la production de l’émission de téléréalité Dropped le 9 mars dernier. A leur bord, trois figures du sport français : la navigatrice Florence Arthaud, la nageuse Camille Muffat et le boxeur Alexis Vastine, ainsi que cinq journalistes, assistants, réalisateurs, et preneurs de son en plus des deux pilotes argentins avaient trouvé la mort.
Les deux hélicoptères, des Eurocopter AS350 également appelés Ecureuils, se rendaient sur un lieu de tournage de la province de La Rioja, située au pied de la cordillère des Andes en Argentine, mais ils sont entrés en collision juste après le décollage.
L’absence de boites noires, qui ne sont pas obligatoires pour des aéronefs transportant moins de vingt personnes, a obligé le JIAAC à baser son enquête sur des témoignages et des vidéos amateurs filmés lors du crash. Les trajectoires reconstituées montrent que les champs visuels des pilotes étaient limités par la position respective des hélicoptères.
«Dans les deux aéronefs se trouvaient des caméramans dont l’objectif était d’obtenir les meilleures prises vidéos. Même si cela n’a pas pu être démontré, l’interrogation reste en suspens quant à savoir jusqu’à quel point l’impératif de tournage a généré de la pression sur les pilotes pour positionner les aéronefs dans les situations les plus favorables au tournage», précise le rapport.
Un «défaut d’appréciation des pilotes»
Un briefing de coordination détaillé aurait également dû avoir lieu avant ce vol «en patrouille», notamment pour le décollage, une phase particulièrement délicate où la vitesse est lente et la puissance demandée au moteur maximale.
Une erreur de pilotage pourrait aussi à l’origine de l’accident selon le rapport : «Le facteur déclencheur de cet accident a été le défaut d’appréciation des pilotes de la proximité ou du manque de séparation de leurs aéronefs respectifs. Ce manque d’appréciation a entraîné la collision aérienne des aéronefs sans aucune tentative de manœuvre évasive ou d’évitement».
Mais le JIAAC n’établit toutefois pas de responsabilité. Ce sera aux enquêtes pénales actuellement en cours pour homicides involontaires, dont l’une à été ouverte à Paris, de le faire.
Cet accident avait suscité un vif émoi en France il y a six mois ainsi qu’un débat sur la sécurité durant les tournages d’émissions de téléréalité. Ce qui a été moins le cas en Argentine. Hier, les médias locaux n’ont pas relayé la sortie du rapport d’enquête.
Il y a une semaine, un autre hélicoptère se rendant sur les lieux de tournage d’une émission de téléréalité de la chaîne MTV, The challenge est tombé au fond d’un lac de montagne de la province de Mendoza, voisine de celle de la Rioja. Le pilote et son passager cameraman sont morts tous les deux.
Mathilde Guillaume Correspondante à Buenos Aires
Des noms derrière les migrants morts à Calais
Des migrants meurent à Calais. On retrouve leur corps sur le bord de l’autoroute, fauché par une voiture, percuté par un train, électrocuté à l’entrée du tunnel sous la Manche ou encore noyé dans les bassins de rétention d’Eurotunnel. D’autres ont les jambes brisées sous les roues des camions. Des amputés, des grands brûlés survivent. Ils tentent de rallier l’Angleterre, mais l’Europe de Schengen a fait de la frontière de Calais une zone de plus en plus étanche.
Ceux qui n’ont pas d’argent pour payer les passeurs – entre 1 500 et 6 000 euros la traversée, selon qu’elle est ou non «garantie», en camion par le port ou le tunnel –, ceux-là tentent leur chance par petits groupes. A l’assaut des trains, ils risquent leur vie. Les barrières et les barbelés qui barricadent toujours plus les accès au port les incitent à prendre de plus en plus de risques. La nuit, ils trouvent des raccourcis pour traverser l’autoroute, sautent sur les trains qui démarrent au tunnel. Eurotunnel a distribué des tracts et placardé des affiches en neuf langues pour expliquer que le site est «dangereux». Même la mort ne les arrête pas.
Ils et elles s’appellent Zebiba, Ganet, Getnet, Mohammad, Nawal. Ils sont Syriens, Soudanais, Erythréens, Afghans. Certains sont sans identité connue. Libération, avec l’aide de Médecins du Monde, tente de donner un nom et un visage à ces morts de 2015.
Cliquez sur les silhouettes pour en savoir plus.
Haydée Sabéran Correspondante à LilleCinq choses que nous avons apprises en utilisant WhatsApp pour les élections
A l’occasion du premier et du second tour des régionales, Libération a entrepris d’expérimenter un nouveau moyen d’informer ses lecteurs en utilisant l’application mobile WhatsApp. En s’inspirant de ce qui avait déjà été fait au Canada, aux Etats-Unis ou en France, l’idée était de livrer l’information directement sur les téléphones de nos lecteurs, sans passer par notre application mobile ou par les réseaux sociaux traditionnels (Twitter, Facebook).
L’utilisation de ces nouvelles messageries est croissante, surtout chez les plus jeunes. Selon une étude du Reuters Institute, le réseau social est déjà utilisé par 9% des internautes dans le monde pour partager de l’information, et cela ne cesse d’augmenter. En Espagne ou au Brésil, 30% des internautes l’utilisent ainsi. WhatsApp a joué un rôle important dans les élections au Brésil. Libération propose d’ailleurs depuis peu à ses lecteurs sur mobile le partage sur WhatsApp. Voici cinq choses que l’on retire de cette expérimentation (et qui peuvent resservir).
1. Anticipez
WhatsApp n’est pas du tout pensé pour la diffusion d’un média à un public. Plusieurs contraintes techniques existent logiquement si vous souhaitez lancer une telle expérimentation. Il faut d’abord ajouter chacun des utilisateurs un par un dans votre répertoire, afin de pouvoir ensuite les assembler dans une liste de diffusion. Ces listes de diffusion ne peuvent contenir que 256 contacts, il faut donc en créer plusieurs.
Suivre les résultats des élections sur WhatsApp avec @libe ? C’est possible. Mode d’emploi ici : https://t.co/4MFjb41RpR#expérimentation
— Libération (@libe) 6 Décembre 2015
C’est une certitude, donc : si vous souhaitez lancer une expérimentation comme celle-ci, prenez de l’avance. A Libération, nous avons reçu entre le jeudi 3 décembre – date de l’annonce – et le dimanche 6 décembre – date du premier tour – plus de 2 000 demandes. Des contacts qu’il a fallu ajouter un par un, vous l’aurez compris. Résultat, le soir du premier tour à 20 heures, nous n’avions pu intégrer que 700 de nos lecteurs dans nos listes de diffusion et nous avons donné rendez-vous au deuxième tour aux autres.
2. Soyez patients
Selon nos calculs (oui, nous nous sommes chronométrés), il faut 15 secondes pour ajouter un contact. Donc 4 par minute, 240 par heure. L’ajout de la totalité des lecteurs à votre répertoire peut donc vous prendre beaucoup de temps – trois jours dans notre cas. C’est une opération très répétitive qui peut parfois faire friser l’aliénation à celui qui passe une journée complète à la réaliser.
Si vous comptez plusieurs listes de diffusion, il faut aussi envoyer les mêmes messages systématiquement à toutes vos listes. Ce qui est assez simple quand il s’agit de texte (simple copier-coller), se révèle plus contraignant lorsqu’il s’agit de vidéos. Il n’est pas rare non plus que l’application se ferme de manière impromptue au bout de quelques heures d’utilisation intensive.
Ultime contrainte technique, pour éviter que les messages ne soient considérés comme des spams par l’application et qu’ils ne soient pas diffusés, on a calculé qu’il fallait espacer les messages d’au moins dix minutes. Interrogé par Digiday, le directeur de la communication de WhatsApp a d’ailleurs confirmé que si ils «aimaient toujours voir des utilisations créatives de leur service», ils «n’avaient aucune feuille de route particulière concernant l’utilisation du service par des médias». Aucun effort n’est donc à attendre de leur côté. Vraiment : soyez patients.
3. Anglez
Lorsque l’on tient un live sur WhatsApp, le public à qui l’on s’adresse peut être extrêmement varié. D’un côté, les expatriés, qui souhaitent avoir un résumé clair et concis de la soirée électorale ; de l’autre, les mordus de l’actu, qui espèrent avoir d’autres infos que celles qu’ils trouvent sur Twitter ou à la télévision – ou encore les accros du téléphone, bloqués en repas de famille. Si aucun choix n’est fait, il faudra contenter tous ces publics et livrer à la fois les résultats complets de la soirée électorale région par région, des analyses, des coulisses et des actus chaudes. Le tout, avec les contraintes techniques que vous connaissez.
Dans le meilleur des cas donc, il faut faire des choix. Le message que l’on envoie à nos lecteurs doit être clair dès le départ pour ne pas décevoir : «Suivez les coulisses de la soirée électorale sur WhatsApp» ou «Vous ne suivez pas l’actu : tout ce que vous devez savoir de la soirée électorale sera sur WhatsApp». Les messages qui découleront seront très différents.
4. Innovez sur les formats
S’il existe de nombreuses contraintes techniques liées au fonctionnement de l’application, elle offre aussi une grande liberté dans les formats. Sans tomber dans le prétexte, il s’avère intéressant d’exploiter tous les modes de traitement (vidéo, son, images, émoticones), avec une préférence portée sur les formats visuels.
Au cours de la soirée électorale, nous avons essayé de relayer des analyses de Nicolas Lebourg, chercheur spécialisé sur le Front national, de Laurent Joffrin, directeur de Libération, et d’autres journalistes en vidéo. Le format a beaucoup plu à nos lecteurs qui nous ont livré leurs retours : ils ont trouvé là une proximité nouvelle avec le média. Un des autres apports possible de WhatsApp, c’est l’interactivité. Les lecteurs réagissaient aux messages postés, et nous aurions pu également intégrer dans notre couverture ces réactions. Par manque de moyens, nous ne l’avons pas expérimenté cette fois-ci.
5. N’espérez pas un retour financier direct
Bien, vous arrivez en fin d’article, et vous n’êtes toujours pas découragés. Vous vous préparez à présenter votre prochaine expérimentation WhatsApp à votre chef. Face à sa moue qui mine de comprendre ce qu’est « whassap », il vous assène la question qui tue : «D’accord, mais comment gagne-t-on de l’argent dans tout ça ?» Que ce soit clair : ne vous attendez pas à établir un business model basé uniquement sur l’application mobile. Son utilisation offre davantage de proximité avec les lecteurs, permet d’innover dans les formats.
Si vous souhaitez connaître un retour extérieur à la rédaction sur cette expérience, vous pouvez aussi lire les posts de blog sur le premier et le second tour de James Barisic, conseiller en réseaux sociaux.
LIBERATION