Mois : mars 2016

Direction la Floride

Il était à craindre que je m’encroûtasse un jour ou l’autre. Et ce jour est venu. Dernièrement, mon épouse et moi avons en effet réalisé un voyage de groupe en Floride, à Miami. Ca peut sembler a priori quelconque, mais c’est en fait un véritable séisme, en ce qui nous concerne ! Parce que pour nous, les voyages de groupe ont toujours été une hérésie. Jusque-là, nous étions toujours partis de notre côté, à l’aventure, élaborant nous-mêmes nos circuits, réservant nos billets d’avion, planifiant nos logements… C’était certes contraignant (surtout avant l’existence d’internet !), maias toute cette logistique nous faisait rêver, dans le même temps. Nous avons par moments eu pas mal de mauvaises surprises, mais même dans nos plans les plus galères (comme cette fois où nous nous sommes retrouvés en panne en pleine brousse, sans guide et sans téléphone), il ne nous est jamais venu à l’idée de voyager sans procéder de la sorte. Jusqu’à ce voyage à Miami. Parce que cette fois, mon épouse a eu la flemme. Pour une fois, elle voulait que quelqu’un se charge de toute la partie organisation. Soucieux d’éviter des frictions dans mon couple, j’ai donc diligemment fait appel à une agence spécialisée dans le voyage de groupe. Du coup, j’ai eu envie de vous présenter les principaux mérites et inconvénients de cette façon de voyager. Côté plus, j’ai fortement apprécié de laisser un professionnel qualifié se démerder avec le programme, et de rattraper les éventuels aléas une fois sur place parce qu’il connaissait les locaux. Si je devais mettre un bémol à ce voyage, c’est qu’on est par voie de conséquence moins libre de ses mouvements. Mais on ne peut pas avoir le beurre et l’argent du beurre, n’est-ce pas ? Et puis, pour tout dire, je n’ai pas vraiment eu un sentiment de contrainte, durant notre séjour. Notre guide a compris que tout le monde n’a pas forcément envie de rester H24 en groupe. A plusieurs moments, ma chérie et moi avons ainsi pu partir en excursion à deux pour souffler. Ces haltes nous ont permis de ne pas être ennuyés le reste du temps par la promiscuité avec les autres participants. En un mot comme en cent, ce voyage de groupe à Miami m’a agréablement surpris. J’ignore si les voyages de groupe se déroulent toujours de cette manière, mais l’agence à qui nous avons fait appel a vraiment fait un excellent travail de bout en bout. D’ailleurs, je vous mets un lien vers son site, pour ceux qui, comme nous, sont un peu frileux à l’idée de se lancer une telle entreprise (mais sont un peu tentés quand même). Retrouvez tous les détails pratiques sur le site du voyage groupe en Floride.

Miami

Au PCF, «l’objectif n’est pas un tour de piste à la Mélenchon et puis s’en va»

«François Hollande et son gouvernement peuvent et doivent être battus». Tous les communistes sont au moins d’accord sur cette phrase de leur secrétaire national, Pierre Laurent, qu’ils ont pu lire dans une «adresse», envoyée par le patron du PCF mercredi. En revanche, ça se corse quand il s’agit de la stratégie à adopter pour atteindre cet objectif : participer à la «primaire des gauches et de l’écologie» lancée dans Libération ? En organiser une autre sans le PS ? Rejoindre directement Mélenchon ?

L’itinéraire vers 2017 doit être balisé lors d’un conseil national organisé au siège du parti le 15 avril. «Notre démarche politique n’est pas simple, mais rien n’est simple à gauche en ce moment», en convient Marie-Pierre Vieu, membre de la direction du PCF et conseillère régionale Midi-Pyrénées. D’après elle, il faudra faire preuve d’un «devoir collectif de lucidité». Car tout le monde veut rassembler à gauche, mais chacun de son côté. D’après Pierre Laurent, «le périmètre des forces à rassembler, c’est toutes celles qui s’opposent à la loi El Khomri» – autrement dit, cette foule de gauche grandissante qui bat le pavé et sur laquelle lorgnent les partis et les personnalités en dehors des formations politiques.

«Clarification» demandée aux socialistes

Le patron du PCF note qu’il faudra les unir ces «forces», dans une seule et même «alternative». Sinon, 2017, c’est foutu : un deuxième tour droite-FN. Et, visiblement, c’est parti pour : «A l’heure qu’il est, la dispersion maximum reste le scénario le plus probable», écrit Laurent dans son «adresse aux communistes», plaidant pour une primaire à gauche. «Tout dépendra du périmètre de la primaire», nuance Vieu. «Je comprends que les socialistes en rupture avec le gouvernement aient envie d’en être, je comprends qu’ils soient attachés au PS mais ils doivent aussi savoir que ce sera compliqué pour les communistes de s’inscrire dans une primaire qui pourrait accoucher d’une ligne social-libérale. Il y a une clarification à faire en interne au PS avant», poursuit l’élue communiste. La primaire devra, selon elle, faire «émerger une voix originale, une candidature commune et parlante». Et si c’était celle de Nicolas Hulot ? «Pierre Laurent a déjeuné avec lui, comme il le fait avec des intellectuels et d’autres personnalités. Beaucoup de choses se disent au sujet du PCF en ce moment», confie-t-elle.

Pour l’instant, au PCF, on veut monter des «initiatives majeures et innovantes» pour constituer «un nouveau front populaire et citoyen» avec l’écologie politique, les syndicats, les travailleurs, le monde de la culture… Il s’agit, sinon de ressusciter, au moins de revitaliser le Front de gauche. Cette structure fondée aux européennes de 2009 et présente à la présidentielle de 2012 mais que Jean-Luc Mélenchon ne cesse désormais de qualifier de «cartel de partis», «moribond» depuis qu’il a «proposé» sa candidature sur TF1, prenant de cours ses anciens amis et comptant sur le soutien sans faille de ses «insoumis». L’idée du PCF, c’est donc une sorte de «super Front de gauche», qui ratisse large, «sans sectarisme», insiste Olivier Dartigolles, porte-parole du PCF. Bienvenue à «tous ceux qui estiment que la gauche, ce n’est pas mort», dit-il. «L’objectif n’est pas un 2012 en mieux, un joli score, un tour de piste à la Mélenchon et puis s’en va. Pour nous, il s’agit de ne pas renoncer à l’idée d’une candidature de gauche au deuxième tour. L’atomisation de la gauche, c’est sa disparition assurée des écrans radars, la fin de l’idée même de gauche !», poursuit le communiste.

«Responsabilité» demandée à Mélenchon

Et même si Mélenchon «met ses pas dans ce que la Ve République produit de pire en termes de présidentialisme à outrance, entretenant l’idée que le peuple a besoin d’un homme providentiel tous les cinq ans», le PCF «continuera de lui tendre la main». C’est la réponse du berger à la bergère. Si Mélenchon veut rassembler, qu’il se rallie à eux. «C’est maintenant que se jouent les convergences», insiste Dartigolles qui prévient : «chacun va devoir prendre ses responsabilités». Un message envoyé à Mélenchon qui souhaite que les communistes le rejoignent sans passer par la case primaire. Son Parti de gauche avait ainsi lancé une première «adresse», aux autres forces de gauche, il y a dix jours, pour qu’elles soutiennent l’ex-candidat Front de gauche à la présidentielle (11,1% en 2012) déjà parti en campagne.

En attendant le dénouement, le PCF va se lancer dans une grande consultation citoyenne. L’objectif est ambitieux : discuter sur la base d’un questionnaire de plusieurs pages établi par le parti avec 500 000 personnes d’ici la fin de l’été. «Il s’agit de définir avec les citoyens les conditions essentielles d’une politique de gauche, de faire remonter ce que veut ce peuple de gauche pour élaborer un socle politique commun sur lequel le candidat qui émergera de la primaire devra s’engager», explique Dartigolles. Lui-même, conseiller municipal à Pau, emmènera une cinquantaine d’exemplaires pour son prochain séjour dans les Pyrénées-Atlantiques. Il a d’ores et déjà calé des rendez-vous avec des personnalités locales du monde associatif et syndical. Puis il installera «une table sur le marché», fera les «gares et les cages d’escalier». «Un travail passionnant», anticipe Dartigolles : «On va se prendre toute la colère et la désespérance. L’austérité brime l’imaginaire, là on repart sur le terrain avec des questions ouvertes du type : qu’est ce qui est important pour vous dans la vie ?»

Les législatives plus importantes que la présidentielle ?

Une démarche qui fait grincer des dents dans les rangs communistes, pourtant habitués, depuis que Laurent a pris la tête du parti en 2011, à être plutôt calmes. «Il consulte les citoyens mais ne consulte pas les communistes quant à la participation à la primaire !», déplore Francis Parny, qui a quitté la direction du parti après avoir été un proche de Laurent. L’homme a lancé une pétition sur Internet pour que les communistes soutiennent la candidature Mélenchon. Elle atteint presque 1 000 signatures, «des militants de base qui ont envie de retrouver l’effort collectif autour d’un candidat !», s’enthousiasme-t-il. Jeudi, des militants de Ensemble!, autre composante du Front de gauche emmenée par Clémentine Autain, appelaient aussi à se ranger derrière Mélenchon. Ces soutiens viennent après celui d’ex-socialistes appelant récemment dans Libération à rejoindre le député européen.

Parny est remonté, il a décortiqué l’adresse de Laurent : «La bonne nouvelle c’est qu’il nous annonce que François Hollande n’est pas le candidat des communistes mais il ne dit pas qui le sera !» D’après lui, la présidentielle «n’intéresse plus» le secrétaire national qui «mise tout» sur les législatives. «Chaque section doit mener des états généraux pour désigner des candidats. Mais quand ils feront du porte-à-porte, ils ne sauront pas dire qui ils soutiennent pour l’Elysée ? Ce n’est pas crédible ! Pierre Laurent dissocie les deux élections, à croire qu’il ne sait plus dans quelle République on est ! Il veut sauver le groupe parlementaire, sauver le Front de gauche, mais c’est le meilleur moyen de tout perdre.» Quant à la primaire à gauche, le communiste fâché avec la ligne du parti estime que «c’est un leurre» : «Les socialistes savent que Hollande sera candidat, comme tous les sortants, et qu’il perdra. Car s’il n’y allait pas, ce serait un aveu d’échec pour lui et son parti. Les socialistes jouent actuellement l’après 2017, le contrôle du PS.» Et les communistes, eux, une partie de leur avenir. Leur 37e congrès, organisé du 2 au 5 juin à Aubervilliers devrait décider de la route qu’ils empruntent. 

Noémie Rousseau

Cambadélis : «Nous présentons nos excuses aux Français»

François Hollande revient sur ses pas. Confirmant des informations de Libération, le président de la République a annoncé mercredi qu’il ne convoquera pas de Congrès pour réviser la Constitution et donc n’y inscrira ni l’état d’urgence ni la déchéance de nationalité pour les terroristes. Dans la foulée, Jean-Christophe Cambadélis s’est présenté devant la presse. Le premier secrétaire du PS a déclaré : «Nous présentons nos excuses aux Français.» Pour cause, le débat sur la déchéance de nationalité embrouille les esprits et fracture le PS depuis des mois.

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Selon Cambadélis, «les Français ne peuvent qu’être consternés par ce triste spectacle d’une représentation parlementaire incapable de faire la paix, même pour combattre efficacement le terrorisme.» Le patron socialiste accuse la droite qui a choisi «un autre cheminement rendant impossible l’accord des deux assemblées, alors qu’elle avait fait de la déchéance de nationalité pour les binationaux une condition de son engagement». Un échec qui irrite le député PS Christophe Caresche : «Quand tout le monde appelait à l’unité nationale, les manœuvres politiciennes de tous côtés l’ont emporté en pleine menace terroriste. Nullissime», explique-t-il sur Twitter.

L’abandon de la déchéance et du Congrès laisse des regrets à Jean-Christophe Cambadélis. Ce n’est pas le cas de tous les socialistes. Notamment les frondeurs. Benoît Hamon est «très heureux de la décision du Président d’abandonner la déchéance de nationalité». Christian Paul, lui, guette les cicatrices : «Quatre mois d’une infernale controverse : un fiasco politique qui a abîmé nos principes. Il était plus que temps de tourner la page.» De son côté, la sénatrice Marie-Noëlle Lienemann, qui publie un livre au titre moqueur, Merci pour ce changement, se pose une question : «La déchéance de nationalité dans la Constitution est une erreur évidente depuis le début. Pourquoi François Hollande est-il resté sourd si longtemps ?»

Rachid Laïreche

FBI vs Apple, pirates, Pakistan, Cuba : l’actualité de ce mardi matin

FBI vs Apple. Les enquêteurs travaillant sur l’attentat de San Bernardino (Californie) ont réussi à débloquer, sans l’aide d’Apple, l’iPhone d’un des auteurs de l’attaque, selon un document transmis à la justice par les autorités américaines. Elles y demandent l’annulation de l’injonction judiciaire du 16 février, avec laquelle elles avaient tenté d’obliger Apple à aider les enquêteurs à pirater le téléphone (photo AFP).

Pirates somaliens. Sept pirates somaliens accusés du meurtre de Christian Colombo sur son catamaran dans le golfe d’Aden en 2011 comparaissent à partir de ce mardi. Un procès inédit, un récit à lire ici.

Pakistan. Après l’attentat perpétré dimanche à Lahore, dans lequel sont mortes 72 personnes, un retour sur le calvaire de la communauté chrétienne dans ce pays.

Brésil. Le ministre brésilien du Tourisme a annoncé hier soir sa démission, après l’appel du vice-président Michel Temer, chef du parti centriste PMDB, à rompre avec la chef de l’Etat de gauche Dilma Rousseff, menacée de destitution.

Cuba. L’ex-président cubain Fidel Castro a pris la plume lundi pour répondre aux «paroles sirupeuses» du président américain Barack Obama, qui avait appelé à des changements dans le pays communiste lors de sa visite historique la semaine dernière à La Havane. Dans cette longue lettre, Castro ironise sur le discours prononcé par Barack Obama le 22 mars et vante l’autonomie cubaine : «Nous n’avons pas besoin que l’empire nous fasse cadeau de quoi que ce soit.»

Cyclisme. Le coureur cycliste belge Daan Myngheer, 22 ans, victime d’un infarctus samedi lors de la première étape du Critérium international autour d’Ajaccio, est décédé hier à l’hôpital d’Ajaccio, a annoncé son équipe, Roubaix Métropole Lille.

Décès de l’écrivain et académicien français Alain Decaux à 90 ans

L’écrivain, biographe et académicien Alain Decaux est décédé dimanche à l’Hôpital Georges-Pompidou à Paris, à l’âge de 90 ans, a annoncé à l’AFP son épouse, Micheline Pelletier-Decaux.

À partir des années 1950, ce formidable conteur, auteur d’une soixantaine d’ouvrages, a incarné l’histoire à la radio et à la télévision, où il a créé plusieurs émissions célèbres.

AFP

Fin des bouches cousues pour les Iraniens de Calais

Après vingt-quatre jours bouche cousue, neuf Iraniens de la «jungle» de Calais viennent de mettre fin à leur grève de la faim. Mokhtar, enseignant, Esmaïl, cadre dans la pétrochimie, Mohammad, mécanicien dans l’aéronautique, Hamed, vendeur de voitures, Davoud, agent immobilier et tatoueur, Sassan et Hossein, étudiants, Réza, prof de body-building, et Mohammad Réza, joaillier, installés dans l’ancienne cabane des No Border réclamaient, entre autres, «l’arrêt de la démolition de la jungle», mais aussi «la sécurité», «un représentant des Nations unies pour parler avec nous». Ce qu’ils ont obtenu? Selon leur communiqué, ils disent considérer comme une «victoire», le fait que le gouvernement «ait été obligé d’abandonner le projet de démantèlement de la zone nord de la jungle» et de «commencer à améliorer […] la sécurité, l’accès aux soins, l’accès au droit, l’assistance pour les personnes vulnérables, notamment les mineurs, l’accès à l’eau potable et la construction d’une route pavée afin de permettre aux services d’urgence d’entrer dans le camp». Ils poursuivent: «Nous exhortons l’Etat à respecter ces engagements et à rompre avec la pratique d’annonces politiciennes auxquelles il nous a tristement habitués.» Ils ajoutent: «Nous avons décidé de mettre fin à notre grève de la faim, non pas en réaction aux négociations avec l’Etat français, mais par respect pour ceux qui nous soutiennent, qui sont inquiets pour notre bien-être, ainsi que comme preuve de confiance dans les intentions de l’Etat de nous protéger et d’améliorer les conditions de vie des habitants de la zone nord du bidonville.»

 «On est content qu’ils arrêtent»

Les neuf grévistes de la faim ont rencontré à cinq reprises des représentants de la Direction départementale de la cohésion sociale qui leur a proposé des solutions d’hébergement, identiques à celles mises à disposition de tous les migrants de la jungle, mais aussi «la possibilité d’être représentés dans des réunions hebdomadaires», des rencontres avec l’Ofpra (Office français de protection des réfugiés et apatrides) et des responsables du Home Office -le ministère de l’Intérieur britannique-, ainsi que des explications sur le système d’empreintes palmaires à l’entrée du centre d’accueil provisoire -les conteneurs blancs-, système qui fait craindre aux migrants d’être identifiés à leur arrivée au Royaume-Uni.

Les exilés Iraniens disent avoir aussi rencontré des représentants de l’UNHCR (l’Agence des Nations unies pour les réfugiés) et du Défenseur des droits. «Ils nous ont assurés qu’ils publieraient des rapports sur les conditions de vie dans le bidonville.»

Pendant vingt-quatre jours, les neuf Iraniens n’ont consommé que de l’eau, des jus de fruit et des bouillons salés. «Ils sont très affaiblis, ont beaucoup maigri. Leur état n’est pas catastrophique, mais on est content qu’ils arrêtent», indique Olivier Marteau, responsable de Médecins sans frontières à Calais, l’ONG qui les a suivis. Les neuf hommes, dont un n’a que 17 ans, s’étaient cousu la bouche par leurs propres moyens. Leur communiqué débute par un hommage aux victimes des attentats de Bruxelles, et des condoléances aux habitants de la capitale Belge. Ils ont ajouté: «C’est cette même violence que les habitants de la jungle ont fui.»

Haydée Sabéran Lille, de notre correspondante

13 novembre – 22 mars : deux opérations, un seul groupe

Du 13 novembre au 22 mars, le lien était pressenti, il est désormais établi. L’identification des trois kamikazes qui ont tué au moins 31 personnes et en ont blessé 270 autres, mardi à Bruxelles, permet de connecter le double attentat de la capitale belge aux tueries de Paris et Saint-Denis.

Les frères El Bakraoui, qui se sont fait exploser à l’aéroport et dans le métro bruxellois, étaient recherchés par les polices européennes. L’un d’eux, Khalid, est soupçonné d’avoir loué, sous une fausse identité, l’appartement de Forest où s’était réfugié Salah Abdeslam pendant sa cavale. Bien plus en amont, il aurait aussi loué, en payant en liquide, une planque à Charleroi, sous le faux nom d’Ibrahim Maaroufi. C’est là qu’avait fait halte une partie des tueurs dans leur route vers Paris, le 12 novembre. Les traces du passage de Bilal Hadfi, l’un des kamikazes du Stade de France, et d’Abdelhamid Abaaoud, figure centrale des attentats, y avaient été retrouvées.

L’autre frère El Bakraoui, Ibrahim, a laissé derrière lui mardi un message en forme de «testament», selon le mot du procureur fédéral belge, Frédéric Van Leeuw, qui le relie à Salah Abdeslam : les enquêteurs ont retrouvé son ordinateur dans une poubelle située à proximité du logement qui a servi d’atelier de préparation des attentats. Le kamikaze apparaît paniqué, il dit être «dans la précipitation» et «ne plus savoir quoi faire», étant «recherché de partout».

Enfin, le troisième terroriste identifié du 22 mars, Najim Laachraoui, serait à la fois l’artificier et le coordinateur des attentats du 13 Novembre (lire page 4). Il a effectué un séjour en Syrie et Salah Abdeslam était sans doute chargé de le convoyer vers la Belgique quand ils ont été contrôlés à la frontière austro-hongroise, en septembre.

Cellules en gestation

Tous ces jeunes hommes, dont les photographies pixelisées composent les organigrammes que l’on retrouve dans les pages des journaux, formaient donc une seule et même cellule. Protéiforme, en recomposition permanente au gré des attaques ou des coups de filet, elle a sans doute été composée en Syrie. C’était même la mission d’Abdelhamid Abaaoud à Raqqa, d’après plusieurs jihadistes rentrés en France et débriefés par la DGSI. Là-bas, le Belge recrutait, entraînait et préparait le retour de combattants radicalisés en Europe. Il avait fini par venir lui-même en France pour participer aux massacres des terrasses des Xe et XIe arrondissement et projetait «de se faire exploser le 18 ou le 19 novembre à la Défense», selon le procureur de Paris, François Molins.

Autour de lui, Abaaoud avait agrégé un réseau d’une trentaine de jihadistes liés par les amitiés de quartier, la délinquance ou l’expérience initiatique du passage en Syrie.

Avec la mort des frères El Bakraoui et de Najim Laachraoui, cette cellule s’éteint-elle ? S’est-elle, en remplissant sa mission sanglante, vidée de ses membres ? Bien sûr, personne ne peut se risquer à l’avancer, même si seul un suspect identifié, Mohamed Abrini, est toujours dans la nature (il s’est volatilisé le 14 novembre). Pour autant, les contours du réseau restent flous et ils pourraient cacher d’autres complices, pour l’instant inconnus.

Mais surtout, d’autres cellules sont certainement en gestation. Depuis février 2016, 46 jihadistes sont revenus de Syrie en France (contre 11 départs dans l’autre sens) selon les chiffres du gouvernement. Tous ne rentrent pas pour commettre des attentats. Certains font défection, d’autres sont immédiatement repérés par les services de renseignement. Toutefois, les agents en sont persuadés, d’autres combattants sont présents en Europe, attendant une ouverture, une consigne, une date ou un lieu symbolique pour frapper.

Auditionné le 17 février devant la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, Patrick Calvar, le patron de la DGSI, l’affirmait sans fard : «Nous disposons d’informations faisant état de la présence de commandos sur le sol européen, dont nous ignorons la localisation et l’objectif.»

Eléments manquants

Le 10 décembre 2015, Adel H., un Algérien de 28 ans, et Muhammad U., un Pakistanais de 22 ans, étaient interpellés à Salzbourg, en Autriche. Comme les deux kamikazes irakiens du Stade de France, ils étaient entrés en Grèce le 3 octobre via l’île de Leros, et disposaient de faux documents de voyage. Dès le lendemain de leur placement en garde à vue, des enquêteurs de la DGSI avaient filé à Salzbourg, persuadés qu’ils tenaient peut-être là des éléments manquants du commando du 13 Novembre. Dans leur téléphone, les agents avaient isolé un numéro turc. Le même avait été retrouvé griffonné sur un bout de papier qu’un kamikaze du Stade de France avait dans la poche. Signe que les investigations en cours pourraient réserver de nouvelles surprises.

Célian Macé , Willy Le Devin

Les frondeurs PS dégainent leur réforme du droit du travail

Leur contre-projet de réforme s’intitule l’Avenir du travail. C’est dire si les frondeurs socialistes voient plus large et plus loin que la future loi El Khomri. Libération s’est procuré le texte de 14 pages rédigé par dix parlementaires pour peser sur le projet de loi Travail, dont la nouvelle mouture doit être présentée en conseil des ministres jeudi. A leurs yeux, même si des modifications ont été apportées par l’exécutif il y a dix jours, dans l’espoir de calmer une colère sociale grandissante, ce texte ne peut ni rassembler la gauche ni dessiner un compromis social d’ampleur. «L’esprit de réforme, ce n’est pas de céder aux discours des puissants mais plutôt de construire ensemble les protections adaptées aux formes nouvelles de l’économie», écrivent les députés Christian Paul, Pascal Cherki, Laurent Baumel ou encore la sénatrice Marie-Noëlle Lienemann, les têtes d’affiche de la «motion B» – l’aile gauche – du congrès socialiste de 2015.

Notre dossierCode du travail, la réforme qui fâche

Face à un exécutif embarqué dans une réforme impopulaire à un an de la présidentielle, une partie des dirigeants socialistes cherche par tous les moyens à envoyer le message qu’une autre gauche est encore possible. Sur le papier en tout cas. Comme ils l’avaient fait pour la réforme fiscale en 2013 ou dans le «rapport Germain» adopté l’été dernier par la direction du PS dans l’epoir de «réorienter» le quinquennat. Ces deux précédents n’ayant débouché sur aucune modification sensible de la ligne gouvernementale, Christian Paul reconnaît ne pas attendre «d’immenses ouvertures» lors du débat parlementaire sur la loi Travail, programmé pour le début du mois de mai à l’Assemblée. Mais «il y a dans la gauche de gouvernement deux projets, deux visions du monde et du code du travail, l’une d’inspiration libérale et l’autre réformiste, qui sont aujourd’hui en débat», estime le député de la Nièvre. De plus, «l’analyse sur les nouveaux enjeux de l’emploi au XXIe siècle n’est pas complète dans le texte El Khomri», complète une ancienne ministre, qui dénonce un «angle mort» de la réforme gouvernementale sur tout son versant numérique.

32 heures et malus social

Dès lors, les frondeurs, dont certains ont battu le pavé aux côtés des syndicats étudiants lors des manifestations des deux dernières semaines, réclament toujours le retrait du projet de loi actuel. Ils demandent aussi que le compte personnel d’activité (CPA) soit mis en place par le biais d’un «autre texte législatif qui lui serait pleinement dédié» ce qui permettrait d’étoffer et de renforcer le dispositif afin qu’il ne se «résume pas à la simple juxtaposition de droits existants, vendu comme une contrepartie à un recul des droits et des protections». Entreraient dans ce CPA relooké un «compte retour à l’emploi» afin de permettre la portabilité des droits aux allocations chômage ou l’épargne salariale. 

Les contributeurs proposent, entre autres, d’instaurer une surcotisation des employeurs sur le principe du «pollueur-payeur»: plus une entreprise licencierait, plus elle cotiserait à l’assurance-chômage, instaurant une forme de malus social. Ils veulent également renforcer les sanctions administratives en cas de recours abusif au travail précaire et un passage aux 32 heures de travail hebdomadaires payées 35 dès 2017 pour le travail de nuit et tous les travaux pénibles. Dans l’intervalle, les frondeurs réclament un renforcement des 35 heures «en fixant un plancher de majoration des heures supplémentaires de 25 et 50% à partir de la septième heure supplémentaire». Autant de droits qui seraient sanctuarisés «sans possibilité de remise en cause par convention ou accord collectif». Une pierre dans le jardin d’Emmanuel Macron qui rêve de supprimer le plancher de majoration des heures supplémentaires. 

«Emploi associatif»

«Moderniser le travail ce n’est pas travailler plus pour gagner autant», peut-on lire dans le document. Opposés au plafonnement et au barème des indemnités prud’hommales en cas de licenciements abusif, la contre-réforme propose de réformer le fonctionnement des prud’hommes pour «raccourcir et améliorer» les procédures. A l’instar de l’ancien ministre Benoît Hamon, les frondeurs souhaitent faciliter la reconnaissance du burn-out comme maladie professionnelle. L’aile gauche réclame aussi un «plan de soutien aux missions locales» et une «politique publique de l’emploi associatif» afin que les associations puisse bénéficier du CICE – une bataille qu’ils mènent en vain depuis décembre 2012.

Avant la journée de mobilisation syndicale contre la loi El Khomri du 31 mars, les frondeurs vont poursuivre leurs auditions des principales organisations de salariés, une diplomatie sociale parallèle qui a le don de mettre en rogne Matignon. «Il y a le formel et l’informel, défend une députée frondeuse. Comme dirait Valls, nous ne sommes ni dans une économie ni dans une démocratie administrée».

 

Contre-projet loi travail
 

Laure Bretton

Place Beauvau, on mobilise contre la radicalisation

Début 2015, cela avait été un niet au gouvernement. Pas question de consacrer la première réunion de l’instance de dialogue avec l’islam, à la question de la radicalisation. Le Conseil français du culte musulman (CFCM) s’y était fermement opposé. Il n’était pas le seul. «C’était d’emblée enlever sa crédibilité à l’instance de dialogue», estime M’Hamed Henniche, secrétaire général de l’Union des associations musulmanes de Seine-Saint-Denis (UAM-93). Mais ce refus était surtout significatif d’un climat.

Au sein des milieux musulmans, le débat est très vif sur les racines et les causes de la radicalisation (un terme qui pose question), sur ses liens ou non avec l’islam. Sagement, la place Beauvau a donc patienté. La deuxième réunion de l’instance de dialogue avec l’islam, réunie lundi au ministère de l’Intérieur, a bel et bien été consacrée à la prévention de la radicalisation. Elle a été ouverte par le Premier ministre Manuel Valls par un discours d’apaisement vis-à-vis des musulmans français. «Il faut, bien sûr, chercher à comprendre, ce qui ne veut pas dire chercher je ne sais quelle explication», a-t-il déclaré, cherchant à corriger sa déclaration polémique prononcée après les attentats du 13 Novembre. Valls avait alors dit qu’«expliquer, c’était déjà vouloir un peu excuser. »

Initiatives. Les débats au sein de la communauté musulmane sont toujours là. «Je sais que le choix de ce thème de la radicalisation a suscité des interrogations», a reconnu d’ailleurs lundi Bernard Cazeneuve face aux invités de l’instance de dialogue.

Mais le vent a tourné depuis les attentats du 13 Novembre. «Les musulmans ont pris conscience qu’ils étaient eux-mêmes des cibles et que l’image de leur religion était gravement atteinte», pointe le sociologue des religions Franck Fregosi, spécialiste de l’islam. Mais beaucoup de fidèles musulmans demeurent sur la défensive et les mouvances salafistes, elles, crient toujours à la stigmatisation. Bernard Cazeneuve insiste, lui, sur l’urgence de la situation livrant des chiffres alarmants. En France, environ 2 000 jeunes (revenus du jihad ou souhaitant se rendre en Syrie et en Irak) sont partie prenante des filières terroristes, soit quatre fois plus qu’il y a deux ans. Quitte à froisser, le ministre a aussi souligné la «dimension religieuse» du «cadre de mobilisation proposée aux djihadistes ». Pour le gouvernement, il s’agit de mobiliser les responsables musulmans afin de contrer les discours de l’Etat islamique.

Formation. Sur le terrain, quelques initiatives existent déjà. Comme à la mosquée de Cenon (Gironde). «Je reçois des jeunes convertis dont la radicalisation des pratiques religieuses inquiète leurs familles», raconte l’imam Mahmoud Doua. Mais pour lui, l’exercice a ses limites. «Je ne peux pas intervenir auprès de jeunes qui sont déjà tombés dans la violence», dit-il. Le président du CFCM suggère de réfléchir à la création d’un conseil religieux qui serait le lieu d’élaboration d’un discours théologique musulman, adapté aux réalités françaises. Une idée qui fait peu à peu son chemin. Le gouvernement a profité de cette journée de débats, pour mettre sur la table quelques propositions : une meilleure intégration des acteurs religieux dans les 101 cellules locales de suivi et d’accompagnement des personnes radicalisées et une meilleure structuration de l’aumônerie musulmane en prison (un sujet hautement sensible). Mais il n’est toujours pas question de créer un véritable statut (avec rémunération) des aumôniers musulmans pénitentiaires.

Reste aussi à professionaliser réellement l’islam de France et donc porter un effort conséquent sur la formation des imams. Un vieux serpent de mer. Le gouvernement, ligoté par les contraintes de la loi de 1905, souhaite s’investir uniquement sur la formation civique. Pourtant, pour l’islamologue Rachid Benzine, la plupart des imams qui exercent actuellement dans les mosquées françaises sont incapables de contrer religieusement le discours de l’État islamique. La quadrature du cercle !

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Bernadette Sauvaget