Mois : février 2017

Agacés, les magistrats et la police répondent à Marine Le Pen

« Les magistrats sont là pour appliquer la loi, pas pour l’inventer », lançait Marine Le Pen dimanche devant son public nantais. Empêtrée dans une affaire d’emplois fictifs présumés, la candidate du Front national a tenu des propos cinglants envers le corps judiciaire et les fonctionnaires, faisant bondir François Hollande lundi. Mais pour la présidente du Syndicat de la magistrature Clarisse Taron, interrogée par France Info, « ce sont des pratiques et un discours qui ne sont pas surprenants de la part du Front national ».

« Pressions » et « menaces à peine voilées »

La représentante des magistrats a notamment dénoncé des « menaces à peine voilées » formulées par la candidate frontiste. « Il s’agit d’exercer par ces menaces ni plus ni moins que des pressions sur l’institution judiciaire, qui va à l’encontre de ce qu’elle dénonce », a-t-elle poursuivi. « Je crois que si l’on veut une justice sereine, on doit se garder de ce genre de propos », assène-t-elle ensuite.

Clarisse Taron répond aux « menaces à peine voilées » de M. Le Pen « si on veut une justice sereine, on doit se garder de ce genre de propos » pic.twitter.com/uo2XiJOTsx

— franceinfo (@franceinfo) 27 février 2017

Invoquant des « manoeuvres de déstabilisation de la justice » dans un communiqué publié plus tard dans la journée, le Syndicat de la magistrature a insisté : « Rétifs à l’égalité devant la loi, certains membres de la classe politique prétendent se construire une immunité pénale et c’est par l’intimidation qu’ils veulent l’imposer. Convoquée mercredi pour être entendue par les enquêteurs dans l’affaire des assistants d’eurodéputés de son mouvement, Marine Le Pen a refusé de s’y rendre. Et dans un discours virulent prononcé dimanche à Nantes, la présidente du FN a appelé les magistrats à ‘ne pas contrecarrer la volonté du peuple’ ».

Amer, le syndicat poursuit : « Au mépris affiché pour la justice viennent de s’ajouter des menaces édifiantes : après avoir refusé de se rendre à sa convocation, Marine Le Pen promet, si elle accédait au pouvoir, de demander des comptes aux policiers et aux juges en guise de représailles. » Le groupement déplore enfin : « Que l’autorité judiciaire ose faire son travail, enquêter sur les infractions à la loi pénale qui lui ont été dénoncées, constitue pour eux un crime de lèse-candidat ».

La police nationale s’insurge

Sur ce point, le Syndicat de la police nationale Alliance a lui aussi vivement réagi dans un communiqué ce lundi et « dénonce la gravité de ces propos menaçants ». Le syndicat « rappelle que les policiers quels que soient leurs services et leurs missions travaillent en toute impartialité et selon les lois et règlements en vigueur fixés par le législateur », peut-on lire. Au micro de France Info, la présidente du Syndicat de la magistrature a conclu : « Si on veut une classe politique irréprochable, on doit en premier lieu se conformer à cet idéal. »

Affaire Fillon : ouverture d'une information judiciaire

Un nouveau rebondissement dans l’affaire Fillon. Alors que le candidat de la droite et du centre tient un meeting à Maisons-Alfot (Val-de-Marne), le parquet national financier (PNF) a annoncé vendredi soir que trois juges d’instruction, selon une source judiciaire, lancent une enquête sur les soupçons d’emplois fictifs visant la famille de François Fillon. Selon un communiqué du parquet, une information judiciaire a été ouverte vendredi pour « détournement de fonds publics, abus de biens sociaux, complicité      et recel de ces délits, trafic d’influence et manquements aux obligations de déclaration à la Haute Autorité sur la transparence      de la vie publique ».

Mise en examen à tout moment

Les magistrats ont désormais la possibilité de convoquer le candidat à la présidentielle à tout moment en vue d’une éventuelle mise en examen ou d’un placement sous le statut intermédiaire de témoin assisté. Fragilisé par cette affaire qui a éclaté il y a un mois et l’a fait reculer dans les sondages pour le premier tour du scrutin présidentiel, parfois à la troisième place derrière Marine Le Pen et Emmanuel Macron, François Fillon a exclu, contrairement à ce qu’il avait déclaré dans un premier temps, de se retirer de la course en cas de mise en examen.

L’ouverture de cette information judiciaire intervient alors que la loi sur la réforme de la prescription en matière pénale, adoptée définitivement le 16 février par le Parlement, doit entrer en vigueur la semaine prochaine. Cette loi faisait courir un risque de prescription de certains des faits visés par l’enquête. C’est pourquoi le PNF justifie, dans son communiqué, l’ouverture de cette instruction, ce vendredi, par « l’ancienneté d’une partie des faits concernés » et « l’exigence de la mise en oeuvre de l’action publique », c’est-à-dire notamment l’ouverture d’une information judiciaire.

Des « juges indépendants » salués par les avocats du couple

Les avocats des époux Fillon ne doutent pas que leur innocence « sera enfin reconnue » par « des juges indépendants », ont-ils déclaré dans un communiqué. « Le PNF confirme, ce faisant, qu’il n’a pas pu démontrer la réalité des infractions poursuivies », estiment les avocats du couple Maîtres Antonin Lévy et Pierre Cornut-Gentille. « C’est uniquement afin d’interrompre la prescription en raison d’une loi qui vient d’être votée qu’une information judiciaire a été ouverte », assurent-ils aussi. « Très logiquement, le parquet national financier est parvenu au constat que son enquête ne pouvait se poursuivre dans sa forme actuelle », déclarent-ils encore. »La procédure d’enquête préliminaire, non contradictoire et émaillée de fuites à charge préjudiciables à l’exercice serein de la justice, était inacceptable, surtout à quelques semaines de l’élection présidentielle », insistent-ils. « Alors que depuis le début, la présomption d’innocence a volé en éclats, nous ne doutons pas qu’à l’issue d’une procédure sereine, avec des juges indépendants, l’innocence de François et Pénélope Fillon sera enfin reconnue », ajoutent les avocats.

Dans la foulée des premières révélations du Canard enchaîné sur les soupçons d’emplois fictifs de Penelope Fillon, le PNF avait ouvert le 25 janvier sous son autorité une enquête préliminaire confiée à l’Office anticorruption de la police judiciaire (Oclciff). Après avoir reçu un premier rapport de police, le procureur financier, Eliane Houlette, avait écarté le 16 février « en l’état » tout classement sans suite. Les investigations portent sur les emplois occupés par Penelope Fillon, l’épouse du candidat, comme attachée parlementaire de son mari et du suppléant de ce dernier pendant plus de quinze ans, pour un montant total de 680 380 euros nets, et comme salariée de la Revue des deux mondes, dont le propriétaire, l’homme d’affaires Marc Ladreit de Lacharrière, est un proche de l’ancien Premier ministre. Autre sujet d’enquête, les emplois d’assistants parlementaires de deux enfants du couple, Charles et Marie Fillon, auprès de leur père quand ce dernier était sénateur de 2005 à 2007. Lisez ci-dessous le communiqué du parquet national financier.

Un « revenu universel d’existence » de Mr Hamon

Mr Hamon suggère d’affecter un « revenu universel d’existence » de 750 € par mois de manière générale, particulièrement de revenu, progressivement à toute la population. Son montant annuel à terme pourrait atteindre 800Mrds d’euros, ce qui représente la 1/2 des charges publiques. Le revenu universel fût suggéré par des fonctionnaires que beaucoup qualifieraient de libéraux, souvent en l’accouplant à une taxation corrélatif au revenu pour le rétribuer. Une charge au taux de 37 % saurait ainsi régler une dépense de 850 milliards d’euros. Ce système, salaire d’existence et une charge proportionnel, certifierait, suivant ses fondateurs, un niveau de vie à minima à tout Français tout en l’engageant à bosser plus que dans le fonctionnement actuel. En effet, chaque argent additionnel mérité par son emploi lui attribuerait 0.60 € après prélèvement alors que, maintenant, il acquiert en net simplement 0.44 euros en moyenne, parce qu’il voit amoindrir ses allocations sociales et accroître ses taxes et cotisations. Pour les libéraux, ce revenu changerait un grand nombre des contributions sociales et des services publics dont l’utilisation est individualisable. Chaque Français percevrait le minimum indispensable pour exister, l’enrichirait par une fonction professionnelle, le consommerait pour des prestations de son choix et préserverait individuellement contre tous les risques, notamment les actuels risques de maladie. L’entièreté des fournitures sociales approchant approximativement 600 milliards d’euros, le revenu d’existence n’augmenterait de ce fait pas les dépenses d’Etat et pourrait être payé sans alourdir les charges obligatoires. Il faudrait cependant convertir certains de ceux-là, surtout les cotisations, par une CSG à 38.5 %. L’État cesserait d’ intercéder pour procurer des tâches aux communautés. Les conséquences de l’organisation d’un revenu sur la rentabilité des sociétés, la séduction du territoire, l’engagement et l’responsabilité, ou encore la fraude à l’impôt et sociale, deviendraient effroyables. Ce n’est incontestablement pas la duperie de Mr Hamon, qui n’a pas formulé la suppression de services de l’Etat. Il est possible de cependant croire que le revenu intervertirait les seuils sociaux (autour de 23 Milliards euros) et les attributions familiales (15 Milliards Euros), chaque descendant y assignant droit, toutefois ces réductions de dépenses ne supplanteraient pas l’origine de la difficulté : il faudrait accroître les impôts obligatoires d’à peu près 550 Mds euros, donc de 54.5 %. Les répercussions de la mise en place d’un revenu universel sur la compétitivité des acteurs économiques, l’attractivité du pays, l’engagement et l’responsabilité, ou aussi la fraude fiscale et administrative, deviendraient désastreuses.

Migrants, état d'urgence : la France épinglée par Amnesty International

Amnesty International est inquiète et le fait savoir. Des dirigeants du monde entier, comme le nouveau président américain, propagent des discours de haine « diabolisant » certains groupes, une rhétorique « toxique » qui rend le monde plus dangereux, s’alarme l’ONG dans son rapport annuel ce mercredi. « Les discours clivants de Donald Trump, Viktor Orban (Hongrie), Recep Tayyip Erdogan (Turquie), Rodrigo Duterte (Philippines)… s’acharnent sur des groupes entiers de population, les désignent comme boucs émissaires et propagent l’idée selon laquelle certaines personnes sont moins humaines que d’autres », les premiers visés étant les réfugiés, dénonce Amnesty International. Elle cite notamment le décret anti-immigration fermant temporairement les frontières des États-Unis aux réfugiés et aux ressortissants de sept pays à majorité musulmane, suspendu depuis, ou encore l’accord « illégal et irresponsable » conclu entre l’UE et la Turquie permettant de renvoyer des demandeurs d’asile dans ce pays.

Au total, l’ONG a dénombré 36 pays ayant « violé le droit international en renvoyant illégalement des réfugiés dans des pays où leurs droits étaient menacés ». Ces discours de rejet et de haine ont des effets directs sur les droits et libertés, pointe Amnesty : « Des gouvernements ont fait voter des lois qui restreignent le droit d’asile, la liberté d’expression, qui légitiment la surveillance de masse ou donnent aux forces de l’ordre des pouvoirs illimités. » Loin d’être l’apanage de leaders extrémistes, ces paroles stigmatisantes ont été adoptées « parfois de façon voilée, parfois de façon plus ouverte » par « des partis dits centristes », précise John Dalhuisen, directeur d’Amnesty International pour l’Europe.

La France épinglée

« Les discours déshumanisants, c’est quand le Premier ministre hongrois qualifie les migrants de poison, c’est quand Geert Wilders (député néerlandais d’extrême droite, NDLR) parle de la racaille marocaine, c’est aussi quand le Premier ministre néerlandais écrit une lettre ouverte invitant les migrants à se comporter de façon normale ou de rentrer chez eux », cite John Dalhuisen en guise d’exemple. Les étrangers et les musulmans, « cibles principales de la démagogie européenne », sont « présentés comme une menace à la sécurité, à l’identité nationale, des voleurs d’emplois et des abuseurs du système de sécurité sociale », insiste-t-il. En France, où l’ONG basée à Londres a exceptionnellement présenté son rapport annuel, Amnesty dénonce la restriction des droits fondamentaux dans le cadre des mesures prises pour lutter contre le terrorisme, en particulier l’état d’urgence, décidé après les attentats djihadistes du 13 novembre 2015 et prolongé depuis. Selon son recensement, de fin 2015 à fin 2016, « seules 0,3% des mesures liées à l’état d’urgence ont débouché sur une enquête judiciaire pour faits de terrorisme ». En revanche, « ces assignations à résidence ont entraîné des pertes d’emploi ou la marginalisation de ces personnes », déplore Camille Blanc, présidente d’Amnesty International France.

L’ONG considère par ailleurs qu’en matière d’accueil des réfugiés, « la France n’a pas pris ses responsabilités au niveau international » et ne protège pas suffisamment les réfugiés et migrants présents sur son sol. « Dans le cadre des élections présidentielle et législatives qui vont avoir lieu en 2017, la France est à la croisée des chemins concernant les droits humains, qui font écho à une tendance mondiale, et les citoyens ne doivent pas tomber dans le piège de ces discours qui entraînent la haine, la peur, ou le repli de soi », selon Camille Blanc. Face aux renoncements des grandes puissances à se battre pour le respect des droits et libertés, et la passivité des États face aux atrocités et crises vécues en Syrie, au Yémen, ou encore au Soudan du Sud, Amnesty International appelle chacun à se mobiliser et à agir. « 2017 sera une année de résistance », a expliqué le président d’Amnesty Salil Shetty. « Nos espoirs reposent sur le peuple. »

Tesson – Ne jouons pas à nous faire peur !

Les conditions dans lesquelles se déroule cette campagne électorale sont folles à ce point que tout peut arriver lors du scrutin de mai prochain. Et notamment une victoire de la gauche, alors que la droite est majoritaire dans le pays et que cette hypothèse était encore donnée comme exclue il y a quelques semaines. Il suffirait que Marine Le Pen arrive en tête au premier tour, ce qui est probable, devant Benoît Hamon en faveur duquel Jean-Luc Mélenchon se serait retiré. Certes, au train où vont les choses, et vu l’évolution des relations entre les deux hommes au cours de ce dernier week-end…

Affaire Fillon : Valérie Pécresse monte au créneau

Ce lundi, Valérie Pécresse, présidente Les Républicains de la région Île-de-France, a défendu la candidature de François Fillon, seul à avoir « la carrure » pour l’Élysée, et qui « ne peut pas porter le chapeau » pour toutes les affaires de la Ve République. « C’est critiquable, mais il ne peut pas porter tout seul le chapeau pour toutes les pratiques critiquables de la Ve République, ce n’est pas possible », a indiqué la conseillère politique du candidat de la droite à la présidentielle, déstabilisé par l’affaire des emplois présumés fictifs de sa famille. « À ce moment-là, on met tout à plat, et Claude Bartolone, président de l’Assemblée, dit : Maintenant, nous ouvrons une grande enquête sur les 120 députés qui emploient des membres de leur famille », a-t-elle jugé. « Tout ça, ça nécessite qu’on le fasse de manière sereine, pas à trois semaines d’une élection en ciblant un seul homme », a-t-elle ajouté.

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Vers une interdiction des emplois familiaux ?

Estimant que les journalistes « faisaient leur travail », mais les appelant à le faire « pour tout le monde avec autant de vigueur », Valérie Pécresse a également appelé à une réflexion sur le « fonctionnement du Parlement ». « Ils devraient édicter de vrais règlements pour se protéger des conflits d’intérêts. Est-ce qu’on doit à terme interdire les emplois familiaux dans le Parlement français, comme on le fait à Bruxelles ? » a-t-elle demandé. « C’est pas illégal, mais c’est toujours soupçonnable […] parce que les Français, eux, ne peuvent pas toujours recruter un membre de leur famille pour travailler avec eux », a-t-elle estimé. La présidente de région a par ailleurs fermement soutenu la décision de François Fillon de se maintenir dans la course à l’Élysée. « Qui a la carrure, le projet et l’équipe pour diriger la France ? Si on regarde tous les candidats, on s’aperçoit que François Fillon a trois atouts maîtres, il a la carrure […], l’équipe et le projet », a-t-elle déclaré.

Mélenchon : « Je n'ai pas l'intention de m'accrocher à un corbillard »

« Je ne vais pas m’accrocher à un corbillard ». La formule est signée Jean-Luc Mélenchon. Invité ce vendredi sur le plateau de BFM TV, le candidat à la présidentielle a évoqué plusieurs questions revenant notamment sur l’épineux sujet de la candidature unique à gauche. Après l’avoir interrogé sur son éventuel rapprochement avec Benoît Hamon, Ruth Elkrief enchaîne en lui demandant si l’absence d’union de la gauche ne va pas favoriser la candidature du Front national. Et la réponse ne se fait pas attendre : « Quel danger ? (…) 30% [d’intention de vote dans les derniers sondages] (…) ça veut dire 70% qui ne votent pas pour elle. Il y a un deuxième tour (…) C’est un argument qui sert à faire peur et à empêcher de penser ». Avant d’enchaîner : « Je n’ai pas l’intention d’aller m’accrocher à un corbillard (…) Si Benoît Hamon est prêt à une politique de rupture avec le passé et avec les gens qui sont encore là, il est le bienvenu. Il n’y a pas besoin de preuve, j’ai dit que je serai candidat ».

L’affaire Fillon et « le coup de balai »

Il y a dans le pays une immense colère contre tout ça (…) à juste titre, a-t-il déclaré. Il ne faudrait pas trop regarder à propos de monsieur Fillon que la question de ses emplois familiaux plus ou moins fictifs (…) Le plus grave c’est quand même qu’il dirigeait une société de conseil (…) qui lui payait des sommes dont on se demande à quels conseils elles correspondent, en vérité c’est eux qui lui donnaient des conseils sur ce qu’il devait faire. L’élection 2017 c’est une élection coup de balais, les gens vont aller avec leur bulletin de vote dégager tous ceux dont ils sentent qu’ils sont responsables de cette manière d’être », a lancé en plateau le candidat.

Macron et la colonisation

Jean-Luc Mélenchon a jugé vendredi « qu’un Français doit peser ses mots quand il parle de l’Algérie », réagissant aux déclarations d’Emmanuel Macron, qui avait qualifié la colonisation de « crime contre l’humanité ». « Nous condamnons tous la colonisation. C’est un sujet très douloureux, on ne doit pas dire de bêtises, il faut peser ses mots », a déclaré le candidat de La France Insoumise. Pour Jean-Luc Mélenchon, « la colonisation est un fait qui doit concerner les historiens ». « Sur les sujets centraux de l’histoire de France, Emmanuel Macron devrait beaucoup réfléchir » et s’exprimer « avec beaucoup de délicatesse », a-t-il estimé. Dans une interview à la chaîne privée algérienne Echourouk News lors de son voyage en Algérie en début de semaine, l’ancien ministre de l’Économie avait qualifié la colonisation de « crime contre l’humanité » et de « vraie barbarie ».

L'Algérie française expliquée à Emmanuel Macron…

Dans sa proclamation qui suit la prise d’Alger et la reddition d’Hussein Dey, le général de Bourmont déclare, le 5 juillet 1830 : « Vingt jours ont suffi pour la destruction de cet Etat dont l’existence fatiguait l’Europe depuis trois siècles. » Depuis le XVe siècle, toutes les flottes occidentales ont en effet bombardé la ville afin que cessent les activités des pirates, fonds de commerce de la régence d’Alger, possession turque dont l’autorité sur les tribus arabes de l’arrière-pays n’est que très relative. C’est donc avec la bénédiction des puissances européennes-hormis l’Angleterre-que Charles X décide de conquérir Alger. Quinze ans après le congrès de Vienne, qui a ramené la France napoléonienne aux frontières de la Révolution, cette expédition doit lui permettre de reprendre sa place dans le monde, mais aussi de distraire une opposition intérieure de plus en plus vigoureuse. Elle doit aussi mettre fin à un contentieux qui remonte au Directoire, celui-ci n’ayant pas honoré une dette due à trois négociants algériens. La rupture intervient le 30 avril 1827, quand le dey d’Alger soufflette d’un coup de chasse-mouches le consul Deval. Le 16 mai 1830, la flotte commandée par les amiraux Duperré et de Rosamel appareille de Toulon. Le débarquement des 30 000 hommes a lieu le 14 juin à Sidi-Ferruch et l’attaque aboutit à la prise de la ville. La conquête peut commencer. Elle sera terrible.

C’est une histoire comme une autre. Celle d’une famille de cultivateurs alsaciens d’Oberheim, dans le Bas-Rhin, les Farny, qui, placée sur la route de l’émigration allemande, décide, en 1832, d’échapper à la misère en gagnant le Nouveau Monde. Parvenus au Havre et escroqués par les « passeurs » de l’époque comme 73 autres familles candidates au grand départ, le couple et ses cinq enfants sont alors déroutés vers l’Algérie. Si les troupes françaises menées par le général de Bourmont ont conquis Alger deux ans plus tôt, elles ne contrôlent guère que quelques enclaves placées sur la côte. Les Farny, comme leurs 500 compatriotes, sont alors installés dans la plaine de la Mitidja, au sud de la capitale. Dix ans plus tard, le père et trois de ses fils sont morts des fièvres, la mère et son dernier garçon ont disparu lors de la razzia d’une tribu d’Abd el-Kader, deux des enfants seulement ont survécu. Cinq générations plus tard, leurs descendants boucleront leurs valises pour regagner cette métropole qu’ils connaissent à peine. Ce qu’ont découvert les Farny à leur arrivée, c’est le Far West. La conquête de ce Sud sauvage est l’affaire des militaires auxquels il faudra dix-sept longues années pour obtenir la reddition d’Abd el-Kader, proclamé à 24 ans commandeur des croyants et chef de la guerre sainte lancée contre l’envahisseur. Ces tout premiers colons sont des pionniers, des hommes et des femmes d’un autre temps, durs à la tâche, sans cesse confrontés à la violence des hommes et des éléments mais qui sont résolus à écrire une page encore vierge. On est alors bien loin du décor de carte postale de cette Algérie française insouciante, de ces villes, véritables reproductions de petites cités françaises, avec poste, monument aux morts, église et bar-tabac où l’on sirote paisiblement l’anisette en tentant d’échapper à la chaleur.

Ces premiers arrivants succèdent aux affairistes, aventuriers, aux prostituées qui ont suivi l’armée comme une pente naturelle. Pour eux, pas question de profiter d’Alger la Blanche. Il faut survivre au milieu des marécages, habiter dans une cabane de planches aux murs percés de meurtrières, planter, « le fusil à l’épaule et la quinine dans la poche », à peine de quoi manger, se protéger des lions et des hyènes et, surtout, des tribus qui multiplient les raids. Car, de part et d’autre, on ne s’épargne pas. Par coutume, les guerriers arabes égorgent leurs adversaires dont ils décapitent les corps pour en planter les têtes sur les murailles de leurs villes insoumises. Quant aux tribus ralliées aux troupes françaises, ce ne sont pas des scalps qu’elles rapportent aux officiers de l’armée d’Afrique mais des colliers d’oreilles.

Une résistance admirable

Aucun militaire ne nie le formidable courage de cet ennemi, encore moins de leur chef. Le jeune Arthur Rimbaud, dont le père, le capitaine Frédéric Rimbaud, a combattu en Algérie, compare Abd el-Kader, dans un poème en latin écrit à l’âge de 14 ans, au « nouveau Jugurtha ». « Une résistance admirable. Des hommes qu’il fallait tuer deux fois », s’exclame, en 1836, le futur maréchal Achille de Saint-Arnaud dont Victor Hugo dira plus tard, en raison de ses exactions, qu’il avait « les états de service d’un chacal ». On ne s’en prive donc pas. Les Français multiplient les razzias, massacrent les populations, détruisent les récoltes, enfument des tribus entières réfugiées dans des grottes. C’est la tactique du général Bugeaud, adepte de la conquête totale, de la soumission la plus absolue. Un seul homme, qui a vécu en Amérique, pressent ce qui peut résulter d’une telle violence. Entre ses deux voyages en Algérie en 1860 et 1865, Napoléon III déclare qu’il « refuse d’infliger [à la population arabe] le sort des Indiens de l’Amérique du Nord, chose impossible et inhumaine ». Il sera le seul souverain à vouloir créer un royaume arabe où Français et musulmans connaîtraient l’égalité. La défaite de Sedan fait disparaître tous ces rêves. En 1871, après la dernière grande rébellion, celle d’El-Mokrani en Kabylie, l’armée remet le sabre au fourreau. Après de longues hésitations des différents gouvernements, c’est décidé, l’Algérie, au contraire des autres territoires possédés par la métropole, sera une colonie de peuplement. C’est donc aux colons – ils sont maintenant 100 000 – que revient de bâtir cette Algérie française, mirage du système colonial, joyau de l’Empire.

Un formidable melting-pot

Ceux-ci, au fil des années, ont solidement pris pied en Algérie. Ils viennent d’abord de France. Mais le territoire n’est guère attirant en raison de ses rébellions endémiques et de la dureté de son climat. Il faudra même attendre 1856 pour que les naissances l’emportent sur les décès. Tremblements de terre, épidémies de choléra, famines, soleil hurlant et pluies qui transforment les oueds paisibles en torrents meurtriers, sans oublier cet ennemi qui peut frapper à tout instant. Il faut donc organiser de véritables campagnes publicitaires pour attirer les volontaires, comme, en 1848, les ouvriers parisiens sans travail, partis du port de Bercy sur des péniches et dont le gouvernement a financé le retour à la terre. S’ajoutent ceux auxquels on ne demande par leur avis, comme les déportés de la révolution de juin 1848 ou de la Commune. Suivent ensuite les Alsaciens et les Lorrains, qui préfèrent fuir leur pays annexé par les Prussiens, ainsi que les Corses et les paysans du sud de la France, exclus de la révolution industrielle. Ce curieux mélange de réfractaires et d’hommes de la terre donnera à ces colons « une mentalité de petits propriétaires terriens […] amalgame d’individualisme paysan et d’attachement à la liberté », comme l’écrit Benjamin Stora. C’est l’époque où l’Algérie se constelle de fermes fortifiées puis de villages et de bourgades dont les noms évoquent la grandeur française, celle des victoires militaires ou des grands penseurs : Jemmapes, Valmy, Marengo, Wagram, Solferino côtoient ainsi Voltaire, Tocqueville ou Victor Hugo.

Seules les références à la France émergent alors que ses citoyens sont loin d’être les seuls à coloniser ce nouveau monde. Un formidable melting-pot s’est créé en Algérie, agrégeant des populations venues d’Espagne, d’Italie, de Malte et qui vont devenir ceux qu’on nommera les « Européens », puis les « pieds-noirs ». Les Espagnols, originaires du sud de la péninsule, des régions d’Alicante et de Valence, s’installent, au plus près, dans l’Oranais. En 1911, il y a dans cette région deux Espagnols – naturalisés ou étrangers – pour un Français. Travailleurs endurants, sobres, ils sont cultivateurs quand les Siciliens, présents à l’Est, sont pêcheurs et les Piémontais, carriers ou maçons. Les Maltais tiennent de petits commerces ou sont cultivateurs ou éleveurs. En 1886, la population européenne est également partagée entre 219 000 Français d’origine et 211 000 étrangers et la loi du 26 juin 1889 naturalise tous ceux qui naîtront dorénavant en Algérie. Enfin les juifs, minorité de 20 000 personnes présente depuis des siècles en Algérie, deviennent des Français à part entière avec le décret du 24 octobre 1870 d’Adolphe Crémieux, ministre de la Justice.

C’est ce brassage de populations, totalement original dans l’Histoire, qui va donner à l’Algérie française ses plus doux accents. Personne mieux qu’Albert Camus n’a décrit ce que fut ce pays de cocagne. Il y a d’abord la mer, « en flammes sous le soleil », ces flots éblouissants dans lesquels les pêches de rougets et de mérous sont miraculeuses, mais aussi les parties de chasse dans la montagne où l’on déjeune, à l’ombre des oliviers, de soubressade et de rosé. Le soir, on profite de la douceur de l’air pour déambuler sur les boulevards ou sortir les chaises au seuil des maisons et regarder passer les jolies filles à la peau cuivrée. Le bistrot, où elles ne vont jamais, reste le royaume des hommes, qui discutent avec enthousiasme de politique mais aussi de football, sport roi pour toutes les communautés. Il y a aussi ces petites rues avec les chicanes « d’éventaires présentés par des marchands arabes et où se trouvaient pêle-mêle des cacahouètes, des pois chiches séchés et salés, des lupins, des sucres d’orge peints en couleurs violentes et des acidulés poisseux ».

Jura : une salle refusée à Marine Le Pen pour raisons de sécurité

Le maire de Clairvaux-les-Lacs, petite commune du Jura qui devait accueillir ce vendredi un meeting de la candidate frontiste a annulé la mise à disposition de la salle pour des « raisons de sécurité », a-t-il indiqué ce mardi. « D’un point de vue de la sécurité, notre petite commune de 1 500 habitants ne peut pas accueillir le meeting d’une personne présidentiable comme Marine Le Pen, qui attirera peut-être 1 500 à 2 000 personnes », a précisé Alain Panseri (sans étiquette), confirmant des informations du journal Le Progrès. « Ma réaction serait la même pour toutes les personnes présidentiables comme elle ».

Un débat en cours avec la mairie

Le 1er février dernier, la mairie de cette petite ville à une vingtaine de kilomètres au sud-est de Lons-le-Saunier avait loué la salle à une « personne individuelle pour une réunion politique publique », a ajouté le maire, qui explique n’avoir appris qu’une semaine plus tard qu’il s’agissait d’un meeting de la candidate du Front national à l’élection présidentielle. « La jauge maximale de notre salle est de 600 personnes, donc il risque d’y avoir beaucoup de gens dehors », a-t-il encore dit, ajoutant que des appels à contre-manifester étaient apparus sur les réseaux sociaux. « S’il y a 600 personnes venues pour Marine Le Pen à l’extérieur d’une salle trop petite, et ne serait-ce que 300 personnes venues contre-manifester, je crains le pire », a ajouté Alain Panseri, « en tant que maire je dois assurer la sécurité des biens et des personnes ». En soirée, David Rachline, le directeur de campagne de Marine Le Pen, a expliqué qu’un « débat » avec la mairie avait lieu, sans plus de détails.

Affaire Théo – Contrôles d'identité : le récépissé, une bonne solution ?

L’affaire Théo, ce jeune habitant d’Aulnay-sous-Bois arrêté dans des conditions d’une extrême violence, cristallise de nouveau les tensions entre forces de l’ordre et jeunes des banlieues. Et réveille le débat sur la traçabilité des contrôles policiers. Ce lundi, sur France Inter, le Défenseur des droits, Jacques Toubon, a remis sur la table une proposition de longue date : le récépissé. Il s’agit d’un coupon remis par le policier après chaque contrôle d’identité, qui comprendrait la date, le lieu et le motif du contrôle. Un moyen, selon Jacques Toubon, de tracer les contrôles d’identité plus facilement, et d’éviter les « délits de faciès ». Le Défenseur des droits rappelle une étude publiée récemment qui révèle que, sur 5 000 Français interrogés, seuls 16 % ont été contrôlés ces cinq dernières années, 40 % pour les jeunes de 18 à 25 ans. « Et, parmi eux, 80 % de jeunes hommes perçus comme Noirs, Arabes et Maghrébins rapportent avoir été contrôlés », a-t-il souligné.

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En fait, l’idée de délivrer un récépissé après un contrôle d’identité n’est pas nouvelle, c’est même un serpent de mer qui faisait partie des promesses de campagne de François Hollande en 2012. Elle avait été enterrée cette même année par Manuel Valls, alors ministre de l’Intérieur. Ce dernier avait qualifié la mesure de « trop bureaucratique et trop lourde à gérer ». En juin 2016, l’expérimentation de remise de récépissés de contrôles d’identité contenue dans le projet de loi égalité et citoyenneté – dans un amendement déposé notamment par Benoît Hamon – avait été de nouveau rejetée, par l’Assemblée nationale cette fois.

« Aucun effet sur le profilage racial »

Pourtant, certains pays européens ont déjà adopté la mesure, dont l’efficacité semble éprouvée. C’est le cas de la Grande-Bretagne et d’une région d’Espagne. Le 9 février, au micro de la matinale d’Europe 1, Stéphane Troussel, président du conseil départemental de la Seine-Saint-Denis, a rappelé : « Depuis plus de trente ans, la police délivre une fiche à chaque personne qui est arrêtée et fouillée. La date, le motif de l’interaction et surtout l’origine ethnique de la personne contrôlée sont indiqués. D’autres expérimentations ont eu lieu dans quelques villes d’Europe, financées par la Fondation George Soros, mais une seule ville en Espagne l’a vraiment adoptée », explique-t-il. Là-bas, « la police a engagé le dialogue avec la population et a divisé par deux le nombre de ses contrôles, qui sont aussi devenus beaucoup plus efficaces. En Grande-Bretagne, le pourcentage de contrôles menant à une arrestation a augmenté. Il est de 16,5 % contre environ 4 % en France, selon une étude conduite dans deux départements. En clair, les policiers sont plus efficaces, ils affinent leur ciblage. »

En revanche, la remise de récépissés « n’a eu aucun effet sur le profilage racial », déplore Stéphane Troussel. D’après lui, les discriminations lors des contrôles d’identité stagnent et, à Londres, « un Noir a toujours 4,5 fois plus de chances de subir un contrôle d’identité qu’un Blanc. Et c’est la même chose aux États-Unis, où ces récépissés existent depuis des années », assure l’élu PS.

Barrière juridique

Par ailleurs, une barrière juridique se dresse devant la mise en place d’un tel système en France. « Partout où cette proposition existe, elle est associée à une classification de la population incompatible avec notre conception républicaine », rappelle Manuel Valls en septembre 2012 dans un discours devant des responsables policiers et gendarmes.

Le récépissé est également loin d’avoir les faveurs du nouveau locataire de la place Beauvau, qui l’assimile à une « chimère ». Selon Bruno Le Roux, le dispositif des caméras mobiles, ou caméras-piétons – accrochées sur le torse du policier ou du gendarme en patrouille –, lancé à titre expérimental en avril 2013 dans plusieurs départements et dans 47 zones de sécurité prioritaire (ZIP), est « bien plus opérationnel qu’un récépissé, qui entraînerait une forme de lourdeur ». « C’est une garantie pour les uns comme pour les autres. Lorsqu’il y a des contrôles qui ne se passent pas bien, c’est souvent parole contre parole. Là, avec les caméras-piétons, il y a des éléments de faits », avance-t-on au ministère de l’Intérieur. « À partir du moment où les images sont enregistrées, tout le monde se maîtrise mieux », fait valoir une source policière.

Actuellement, la caméra dont sont équipés les quelque 2 600 policiers et gendarmes ne va pas filmer en permanence ou se déclencher automatiquement, mais fonctionnaires et militaires participant à l’expérimentation seront tenus de la faire fonctionner lorsqu’ils procéderont à un contrôle. Selon son entourage, Bruno Le Roux devrait prochainement acter un déploiement supplémentaire de ces caméras-piétons.