Les frondeurs PS dégainent leur réforme du droit du travail

Leur contre-projet de réforme s’intitule l’Avenir du travail. C’est dire si les frondeurs socialistes voient plus large et plus loin que la future loi El Khomri. Libération s’est procuré le texte de 14 pages rédigé par dix parlementaires pour peser sur le projet de loi Travail, dont la nouvelle mouture doit être présentée en conseil des ministres jeudi. A leurs yeux, même si des modifications ont été apportées par l’exécutif il y a dix jours, dans l’espoir de calmer une colère sociale grandissante, ce texte ne peut ni rassembler la gauche ni dessiner un compromis social d’ampleur. «L’esprit de réforme, ce n’est pas de céder aux discours des puissants mais plutôt de construire ensemble les protections adaptées aux formes nouvelles de l’économie», écrivent les députés Christian Paul, Pascal Cherki, Laurent Baumel ou encore la sénatrice Marie-Noëlle Lienemann, les têtes d’affiche de la «motion B» – l’aile gauche – du congrès socialiste de 2015.

Notre dossierCode du travail, la réforme qui fâche

Face à un exécutif embarqué dans une réforme impopulaire à un an de la présidentielle, une partie des dirigeants socialistes cherche par tous les moyens à envoyer le message qu’une autre gauche est encore possible. Sur le papier en tout cas. Comme ils l’avaient fait pour la réforme fiscale en 2013 ou dans le «rapport Germain» adopté l’été dernier par la direction du PS dans l’epoir de «réorienter» le quinquennat. Ces deux précédents n’ayant débouché sur aucune modification sensible de la ligne gouvernementale, Christian Paul reconnaît ne pas attendre «d’immenses ouvertures» lors du débat parlementaire sur la loi Travail, programmé pour le début du mois de mai à l’Assemblée. Mais «il y a dans la gauche de gouvernement deux projets, deux visions du monde et du code du travail, l’une d’inspiration libérale et l’autre réformiste, qui sont aujourd’hui en débat», estime le député de la Nièvre. De plus, «l’analyse sur les nouveaux enjeux de l’emploi au XXIe siècle n’est pas complète dans le texte El Khomri», complète une ancienne ministre, qui dénonce un «angle mort» de la réforme gouvernementale sur tout son versant numérique.

32 heures et malus social

Dès lors, les frondeurs, dont certains ont battu le pavé aux côtés des syndicats étudiants lors des manifestations des deux dernières semaines, réclament toujours le retrait du projet de loi actuel. Ils demandent aussi que le compte personnel d’activité (CPA) soit mis en place par le biais d’un «autre texte législatif qui lui serait pleinement dédié» ce qui permettrait d’étoffer et de renforcer le dispositif afin qu’il ne se «résume pas à la simple juxtaposition de droits existants, vendu comme une contrepartie à un recul des droits et des protections». Entreraient dans ce CPA relooké un «compte retour à l’emploi» afin de permettre la portabilité des droits aux allocations chômage ou l’épargne salariale. 

Les contributeurs proposent, entre autres, d’instaurer une surcotisation des employeurs sur le principe du «pollueur-payeur»: plus une entreprise licencierait, plus elle cotiserait à l’assurance-chômage, instaurant une forme de malus social. Ils veulent également renforcer les sanctions administratives en cas de recours abusif au travail précaire et un passage aux 32 heures de travail hebdomadaires payées 35 dès 2017 pour le travail de nuit et tous les travaux pénibles. Dans l’intervalle, les frondeurs réclament un renforcement des 35 heures «en fixant un plancher de majoration des heures supplémentaires de 25 et 50% à partir de la septième heure supplémentaire». Autant de droits qui seraient sanctuarisés «sans possibilité de remise en cause par convention ou accord collectif». Une pierre dans le jardin d’Emmanuel Macron qui rêve de supprimer le plancher de majoration des heures supplémentaires. 

«Emploi associatif»

«Moderniser le travail ce n’est pas travailler plus pour gagner autant», peut-on lire dans le document. Opposés au plafonnement et au barème des indemnités prud’hommales en cas de licenciements abusif, la contre-réforme propose de réformer le fonctionnement des prud’hommes pour «raccourcir et améliorer» les procédures. A l’instar de l’ancien ministre Benoît Hamon, les frondeurs souhaitent faciliter la reconnaissance du burn-out comme maladie professionnelle. L’aile gauche réclame aussi un «plan de soutien aux missions locales» et une «politique publique de l’emploi associatif» afin que les associations puisse bénéficier du CICE – une bataille qu’ils mènent en vain depuis décembre 2012.

Avant la journée de mobilisation syndicale contre la loi El Khomri du 31 mars, les frondeurs vont poursuivre leurs auditions des principales organisations de salariés, une diplomatie sociale parallèle qui a le don de mettre en rogne Matignon. «Il y a le formel et l’informel, défend une députée frondeuse. Comme dirait Valls, nous ne sommes ni dans une économie ni dans une démocratie administrée».

 

Contre-projet loi travail
 

Laure Bretton