Ticket pour le second tour

Édito

Cet appel peut changer la donne de la présidentielle. Il peut surtout rendre au débat électoral sa pertinence et sa force démocratique. C’est pourquoi Libération a décidé de le publier en lui donnant tout la place qu’il mérite pour vivifier le débat civique en France. Déjà, en 2011, le journal avait initié la mécanique de la primaire au côté de l’association Terra Nova. Organisé à la fin de l’été, le scrutin avait remporté un grand succès démocratique. Il s’impose encore plus cette fois-ci. La force du Front national a bouleversé les règles du jeu. Un tiers des Français environ le soutiennent : énorme succès pour Marine Le Pen, qui lui assure en principe la présence au second tour d’une présidentielle. Mais comme l’a montré le scrutin des régionales, les deux autres tiers des Français ne veulent surtout pas d’un exécutif lepéniste. Le premier tour de 2017 sera surdéterminé par ce refus inquiet. Tout candidat minoritaire, toute voix discordante ou originale se retrouvera suspecte aux yeux d’une partie de l’électorat. Celui-là, ou celle-là, divise son camp ! Danger ! Craignant de voir le champion de la droite ou celui de la gauche éliminé dès le premier tour, l’électeur dissident abandonnera celui qui représente ses idées et rejoindra celui qui paraît le mieux à même de figurer au scrutin final. Le «vote utile» se concentrera sur un candidat par défaut, qui rendra la contestation oiseuse mais représentera mal ceux qui voteront pour lui. Et si le vote utile ne se manifeste pas, la gauche sera éliminée comme en 2002. Le débat se retrouvera encadré, étouffé, anémié par les calculs froids des acteurs et des électeurs, enfermés dans cette mécanique bizarre qui veut faire entrer le tripartisme dans un système conçu pour le bipartisme. Le camp qui se divisera au premier tour disparaîtra et, avec lui, les idées qu’il représente.

Comme la gauche en 2012, la droite a trouvé la parade : le débat aura lieu au cours d’une primaire libre, qui désignera le candidat commun, Sarkozy, Juppé ou un autre, dont le camp conservateur espère qu’il pourra ensuite franchir sans encombre l’obstacle du premier tour. L’appel pour une primaire à gauche que nous publions peut rétablir l’équilibre. Divisée, la gauche court grand risque d’être effacée d’emblée. Unie, elle gagne son billet pour le second tour. Dotés chacun d’un seul candidat désigné dans un vote démocratique, les deux camps, droite et gauche, auront alors les mêmes chances. Ils peuvent même, rêvons un peu, surclasser tous deux Marine Le Pen et assurer la présence et de la droite et de la gauche républicaines au second tour. Pour garantir le débat et sauver la gauche, donc, il faut une primaire de toute la gauche. Il ne s’agit pas seulement de logique électorale. Les décisions sociales-libérales et régaliennes prises par le gouvernement Valls, autant que l’agressivité stérile de Jean-Luc Mélenchon, ont gelé le débat de fond à gauche. Les uns sont accusés de trahir, les autres de jouer le pire. Il y a là une querelle doctrinale et programmatique à vider. Pourquoi ne pas le faire au grand jour ? D’autant qu’au second tour de 2012, Mélenchon, aussi critique fut-il envers Hollande, avait appelé à voter pour lui sans une hésitation. Il y a donc bien quelque chose de commun à toute la gauche, qu’il faut définir, au-delà des divergences légitimes. Programme de réforme ou programme de rupture ? Transformation sociale et écologique ou bien aménagement réaliste et social du système de marché ? Europe orthodoxe ou Europe sociale ? Macron ou Duflot ? Mélenchon ou Valls ? Dans un premier tour dominé par la peur du FN et le péril de l’élimination, ce débat sérieux ne pourra avoir lieu. Il faut le lancer avant. Et Hollande, faisant le geste démocratique, quoique président sortant, de se soumettre à un scrutin préalable, en tirera, quel que soit son destin, un bénéfice moral. Il laissera le débat se développer et l’électeur choisir lui-même son champion sans passer par le tamis incertain des partis. Décidément, il faut une primaire de toute la gauche.

Laurent Joffrin

Taubira : l’unité pour justifier l’incohérence ?

Peut-on encore défendre Christiane Taubira ? Certes, on conviendra que sa position est aujourd’hui sinon intenable du moins baroque. D’abord, voilà une ministre de la Justice qui va se présenter devant l’Assemblée pour défendre le projet d’inscrire dans la Constitution l’extension de la déchéance de nationalité aux binationaux nés Français jugés coupables de crime terroriste, tout en déclarant ouvertement que cette mesure «n’est pas souhaitable», car son «efficacité» dans la lutte contre le terrorisme est «absolument dérisoire». Il y a dans cette absolue contradiction quelque chose qui vient heurter le bon sens démocratique. Sauf à finir de discréditer la politique pour de bon, le minimum que l’on est en droit d’exiger d’un ministre est qu’il soit en accord avec le texte de loi qu’il défend dans l’hémicycle.

Ensuite, pour reprendre la bonne vieille jurisprudence Chevènement, appliquée avec le départ d’Arnaud Montebourg, «un ministre ça ferme sa gueule ou ça démissionne». On peut comprendre (voire souhaiter) que les argumentaires d’un débat qui divise un gouvernement puissent être rendus public. Mais une fois l’arbitrage tombé, le minimum est d’attendre des ministres de la discipline. A l’aune de cette double exigence, on ne comprend pas pourquoi Christiane Taubira ne démissionne pas. Jeudi soir, elle a eu ces mots : «J’entends que j’avale des couleuvres, mais moi je pense qu’il est bon qu’on ait du respect pour les institutions. […] Vous entendez des paroles de parlementaires qui sont aussi loyaux au président de la République et même au gouvernement et qui disent leur sentiment, leur conviction. Donc, nous sommes à un moment où nous pouvons exprimer cela.»

Christiane Taubira ne pouvait trouver à cette mesure des vertus qu’elle lui a toujours refusées. Cela aurait été pire que tout. Pour justifier sa non-démission, la garde des Sceaux avait pourtant un argument qui lui tendait les bras et qui lui permettait de retrouver une (petite) cohérence politique : invoquer l’impératif d’unité nationale. Car si ce gouvernement hérite d’une mesure que la gauche a toujours combattue, c’est que la droite a exigé que cette déchéance de nationalité soit intégrée à la révision constitutionnelle. Et comme Hollande a besoin des voix de l’opposition pour trouver une majorité des trois cinquièmes pour graver l’état d’urgence dans le marbre, Taubira serait devenue la ministre du sacrifice et non celle de la contradiction.

Grégoire Biseau

Valls: «Nous ne pouvons pas créer des apatrides»

Il l’enterre. Depuis son bureau de Premier ministre à Matignon, Manuel Valls a refusé ce mercredi soir d’étendre la déchéance de nationalité à «tous les Français» jugés coupables pour crimes terroristes, solution proposée ces derniers jours par certains socialistes pour éviter de stigmatiser les seuls binationaux. Dans une interview à BFM TV, le chef du gouvernement a ainsi estimé que si le Parlement pouvait faire évoluer le projet de loi constitutionnelle adoptée en conseil des ministres le 23 décembre, il y avait «une condition […] très claire»: «La France ne peut pas créer des apatrides, c’est-à-dire des personnes sans nationalité, a-t-il lancé. Cela ne serait pas conforme à l’image, ni aux valeurs, ni surtout aux engagements internationaux de la France. C’est pour ça que nous n’avions pas retenu l’idée de pouvoir déchoir tous les Français de leur nationalité. Je veux être là-dessus extrêmement clair».

Convaincu d’une «large majorité» au Congrès

Cette sortie de Valls vient après la décision du bureau politique de Les Républicains (LR) qui avait, plus tôt ce mercredi après-midi, refusé cette hypothèse d’une «déchéance pour tous» avancée par certains dirigeants socialistes. Le parti de Nicolas Sarkozy s’est dit prêt à voter la révision constitutionnelle telle que présentée par François Hollande lors du Congrès à Versailles le 16 novembre. Mais pas si l’article 2, celui sur la déchéance de nationalité, est étendu à tous les Français.

Retour donc à la case départ pour des socialistes qui tentent depuis plusieurs jours de se sortir du piège d’une déchéance qu’une très grande majorité d’entre-eux ne peut accepter. Certains d’entre-eux devraient donc avancer l’idée d’une «déchéance de citoyenneté» qui, pour le coup, les rassembleraient. Mais malgré les voix socialistes qui, tous les jours, se prononcent contre une déchéance de nationalité qu’ils ont combattue par le passé, le Premier ministre en est «convaincu»: «La révision constitutionnelle sera adoptée à une très large majorité».

«Conjurer» le «péril» de la «désunion»

En pleine semaine marquée par les commémorations des attentats de janvier et les 20 ans de la mort de François Mitterrand, Manuel Valls supplée ainsi le président de la République dans la défense de sa politique. François Hollande a fixé les lignes lors de ses vœux télévisés du 31 décembre, le Premier ministre s’exécute sur le terrain de la sécurité et du «patriotisme nouveau». Ce mercredi, il reçoit donc BFM-TV à domicile, depuis Matignon et prend la plume dans une tribune à paraître dans l’Obs cette semaine et reçoit . Et le chef du gouvernement, face à «la menace du terrorisme islamiste […] omniprésente» de formuler une «exigence d’unité et de sécurité».

Ainsi, après avoir souligné combien «l’école républicaine», la «laïcité» et le projet de loi égalité et citoyenneté à venir doivent «conjurer» le «péril» de la «désunion», Valls défend dans son texte signé dans l’Obs les mesures de sécurité prises par son gouvernement depuis un an («moyens supplémentaires» pour les forces de l’ordre, «deux lois antiterroristes», «loi sur le renseignement», «suivi des jeunes radicalisés»…). Il défend aussi – et surtout – la révision constitutionnelle proposée par le chef de l’Etat et dénonce les «faux débats, fondés sur des allégations trompeuses». Qui viennent pourtant de son propre camp. Et pas forcément des traditionnels opposants au Premier ministre.

«Etre français, binational ou pas»

«Il peut y avoir des débats. Ils sont légitimes, en convient Valls. Mais […] il faut remettre les choses à leur place. La déchéance de nationalité ne porte pas atteinte au droit du sol ni à la binationalité. Elle vise exclusivement des terroristes, condamnés pour crime, des Français qui ont fait le choix de frapper des Français». Comme il l’avait fait après Noël dans un post sur Facebook, le chef du gouvernement invoque les anti-esclavagistes de 1848 pour justifier qu’on puisse enlever la nationalité française à quelqu’un : «Cette mesure […] rappelle qu’être français, binational ou pas, naturalisé ou de naissance, par le sang ou par le sol, c’est partager les mêmes valeurs, une même espérance, se retrouver dans l’épreuve et dans les souffrances.»

Lilian Alemagna

Attentats de janvier, un an après

Suivez une semaine de commémorations, un an après les attentats qui ont bouleversé la France en janvier 2015.

L’essentiel

• Le 7 janvier 2015, 12 personnes étaient abattues par les frères Kouachi, à la rédaction de Charlie Hebdo rue Nicolas Appert, dans le XIe arrondissement de Paris. Le 8, une policière était tuée à Montrouge par Amedy Coulibaly, et le 9, quatre autres personnes ont trouvé la mort dans la prise d’otages du magasin Hyper Casher, de la Porte de Vincennes (Paris). 

• Un an après, la France se souvient. Mercredi, un numéro hommage de Charlie Hebdo sort ; jeudi, le président de la République s’exprime devant les forces de sécurité, et dimanche, un rassemblement est prévu place de la République, à Paris. 

13:07 Hélène Fresnel, après Bernard

Après Charlie.

Journaliste, la dernière compagne de Bernard Maris cosigne un documentaire, en hommage à l’économiste iconoclaste tué le 7 janvier dernier. Nous l’avons rencontrée. (photo Sabrina Mariez)

Hélène Fresnel, après Bernard

11:48 Pascal Ory : «Le terrorisme 2015 est très individualiste, la réaction de la société l’a été tout autant»

Pour réfléchir.

L’irruption fracassante de la violence dans nos sociétés, qui avaient jusqu’alors pris soin de garder la guerre à leurs confins, a été sidérante en 2015 (photo F. Stucin). Pour l’historien Pascal Ory, il ne faudrait pourtant pas perdre de vue que le terrorisme est aussi le produit de son époque. Lire la suite

Pascal Ory : «Le terrorisme 2015 est très individualiste, la réaction de la société l’a été tout autant»

11:21

Paradoxe.

«Aux chiottes l’armée», «merde à l’armée», «plein le cul de l’armée»… Un ex-collaborateur de Charlie Hebdo republie sur Twitter ces quelques unes antimilitaristes du journal satirique, alors que le chœur de l’armée française doit se produire dimanche lors du rassemblement place de la République en hommage aux victimes des attentats de janvier dernier.

« Le chœur de l’armée française en concert place de la République le 10 janvier pour rendre hommage à Charlie Hebdo. »

04.01.16Olivier Cyran. @OlivierCyran Suivre

10:59

Mémoire.

Un an après la mort de plusieurs membres de la rédaction de Charlie Hebdo dans l’attentat des frères Kouachi, un documentaire fait le portrait des victimes en se plaçant à hauteur de ceux qui restent. Du côté des vivants, réalisé par Bruno Joucla, sera diffusé demain sur France 5, mais il est visible en avant-première ici.

10:37 Un Dieu assassin en une de «Charlie Hebdo»

Hommage.

Dans le numéro de Charlie Hebdo qui sortira mercredi, un an après que la rédaction a été victime d’un attentat, le directeur du journal Riss écrit :«Les convictions des athées et des laïcs peuvent déplacer encore plus de montagnes que la foi des croyants. En 2006, quand Charlie publia les caricatures de Mahomet, personne ne pensait sérieusement qu’un jour tout ça finirait dans la violence. […] On voyait la France comme un îlot laïc, où il était possible de déconner, de dessiner, de se marrer, sans se préoccuper des dogmes, des illuminés», écrit Riss. «Dès cette époque, beaucoup espéraient qu’un jour quelqu’un viendrait nous remettre à nos places. Oui, beaucoup ont espéré qu’on se fasse tuer. TU-ER».Lire la suite

Un Dieu assassin en une de «Charlie Hebdo»

Attentats de Paris : une dixième personne inculpée à Bruxelles, pour «assassinats terroristes»

Une dixième personne, un jeune homme de 22 ans, a été placée en détention préventive à Bruxelles pour «assassinats terroristes et participation aux activités d’un groupe terroriste» dans le cadre de l’enquête sur les attentats de Paris, a annoncé ce jeudi le parquet fédéral belge.

Ayoub B., un Belge né en 1993, a été interpellé mercredi au moment d’une perquisition dans la commune bruxelloise de Molenbeek-Saint-Jean. «Le juge d’instruction a délivré ce matin (jeudi) un mandat d’arrêt à son encontre du chef d’assassinats terroristes et participation aux activités d’un groupe terroriste», selon un communiqué.

Une dizaine de téléphones portables, «en cours d’examen», ont été saisis au cours de la perquisition, qui a eu lieu selon les médias belges dans la même maison déjà fouillée trois jours après les attentats du 13 novembre. A l’époque, l’opération avait donné lieu à un spectaculaire déploiement des forces de l’ordre au coeur de Molenbeek, d’où est originaire Salah Abdeslam et qui a servi de port d’attache à plusieurs membres de cellules jihadistes.

A lire aussi Chronologie de l’enquête depuis les attentats à Paris

La maison d’une famille proche de Salah Abdeslam

Selon des informations de la chaîne publique RTBF, des «traces» du passage de Salah Abdeslam, un des principaux suspects en fuite, avait été détectées lors de cette première perquisition. La RTBF en tirait comme conclusion qu’il avait été extrait par des complices avant l’intervention des forces de l’ordre.

Le quotidien Het Laatste Nieuwsa rapporté jeudi que la maison était celle d’une famille proche de Salah Abdeslam, dont cinq membres sont partis en Syrie. Ni armes ni explosifs n’ont été découverts lors de la perquisition de mercredi, a précisé le parquet.

Selon la procédure judiciaire belge, ce nouveau suspect devra comparaître dans les cinq jours devant un juge qui décidera de son maintien ou non en détention préventive.

AFP

Une question de dignité

Ou en est la dignité ? Je ne sais plus. Cet oubli de toute dignité, cet engourdissement progressif des sentiments nobles ne se remarque pas seulement chez les jouisseurs des classes aisées. L’homme du peuple aussi est atteint. Je connais bien des petits ménages où pourrait régner le bonheur, mais où vous verriez une pauvre mère de famille qui n’a que peine et chagrin jour et nuit, des enfants sans souliers et souvent de gros soucis pour le pain. Pourquoi? Parce qu’il faut trop d’argent au père. Pour ne parler que de la dépense en alcool, chacun sait les proportions qu’elle a atteintes depuis vingt ans. Les sommes englouties par ce gouffre sont fabuleuses: deux fois la rançon de la guerre de 1870. Combien de besoins légitimes on aurait pu satisfaire avec ce qui a été jeté en pâture aux besoins factices? Le règne des besoins n’est pas celui de la solidarité, bien au contraire. Plus il faut de choses à un homme pour lui-même, moins il peut faire pour le prochain, même pour ceux qui lui sont attachés par les liens du sang. Diminution du bonheur, de l’indépendance, de la délicatesse morale, voire des sentiments de solidarité, tel est le résultat du règne des besoins. On pourrait y ajouter une multitude d’autres inconvénients dont le moindre n’est pas l’ébranlement de la fortune et de la santé publiques. Les sociétés qui ont de trop grands besoins s’absorbent dans le présent, elles lui sacrifient les conquêtes du passé et lui immolent l’avenir. Après nous le déluge! Raser les forêts pour en tirer de l’argent, manger son blé en herbe, détruire en un jour le fruit d’un long travail, brûler ses meubles pour se chauffer, charger l’avenir de dettes pour rendre agréable le moment actuel, vivre d’expédients, et semer pour le lendemain des difficultés, les maladies, la ruine, l’envie, les rancunes,… on n’en finirait pas si l’on voulait énumérer tous les méfaits de ce régime funeste. Au contraire, si nous nous en tenons aux besoins simples, nous évitons tous ces inconvénients et nous les remplaçons par une multitude d’avantages. C’est une vieille histoire que la sobriété et la tempérance sont les meilleures gardiennes de la santé. À celui qui les observe elles épargnent bien des misères qui attristent l’existence; elles lui assurent la santé, l’amour de l’action, l’équilibre intellectuel. Qu’il s’agisse de la nourriture, du vêtement, de l’habitation, la simplicité du goût est en outre une source d’indépendance et de sécurité. Plus vous vivez simplement, plus vous sauvegardez votre avenir. Vous êtes moins à la merci des surprises, des chances contraires. Une maladie ou un chômage ne suffisent pas pour vous jeter sur le pavé. Un changement, même notable, de situation ne vous désarçonne pas. Ayant des besoins simples, il vous est moins pénible de vous accommoder aux chances de la fortune. Vous resterez un homme même en perdant votre place ou vos rentes, parce que le fondement sur lequel repose votre vie n’est ni votre table, ni votre cave, ni votre écurie, ni votre mobilier, ni votre argent. Vous ne vous comporterez pas dans l’adversité comme un nourrisson auquel on aurait retiré son hochet ou son biberon. Plus fort, mieux armé pour la lutte, présentant, comme ceux qui ont les cheveux ras, moins de prise aux mains de l’adversaire, vous serez en outre plus utile à votre prochain. Vous n’exciterez ni sa jalousie, ni ses bas appétits, ni sa réprobation par l’étalage de votre luxe, par l’iniquité de vos dépenses, par le spectacle d’une existence parasitaire; et moins exigeant pour votre propre bien-être vous garderez des moyens de travailler à celui des autres. Toute cette réflexion me vient de ma participation au séminaire de Deauville sur l’avenir du devoir. Si vous souhaitez en savoir plus, suivez le lien vers le site de l’organisateur.

A Sivens, nouveaux tirs de barrage

Sur le site de Sivens (Tarn), la sculpture à la mémoire de Rémi Fraisse, ce militant écologiste tué par l’explosion d’une grenade tirée par un gendarme le 26 octobre 2014, a disparu. Arrachée en pleine nuit, par des anonymes, quelques jours après la marche commémorative organisée le 25 octobre (lire Libération du 26 octobre). Volonté d’apaisement de la part des autorités ? La veille de Noël, l’Etat a discrètement abrogé le projet de barrage de Sivens dans un arrêté signé par les préfets du Tarn et du Tarn-et-Garonne. Cette décision devrait permettre l’ouverture de discussions «apaisées» entre défenseurs de l’environnement et agriculteurs, sur la base d’un nouveau projet de barrage réduit de moitié.

Quelles sont les conséquences de l’arrêté pris par les préfets ?

Condition sine qua non : la signature de l’arrêté du 24 décembre a été précédée par un accord transactionnel entre l’Etat et le conseil général du Tarn, ratifié par l’assemblée territoriale le 11 décembre. L’Etat s’engage à verser 3,4 millions d’euros à la collectivité dirigée par le socialiste Thierry Carcenac : 2,1 millions pour les dépenses en pure perte engagée sur le site et 1,3 million pour réhabiliter la zone humide. Le projet initial d’un barrage créant une retenue d’une capacité de 1,5 million de mètres cubes, d’une longueur de 1,5 kilomètre et de 230 mètres de large est définitivement abandonné. Selon l’accord conclu entre l’Etat et le département du Tarn, il devrait laisser place à l’étude d’un nouveau projet deux fois plus petit : une retenue d’eau de 750 000 m3, située à 300 mètres en amont du site initial et de l’endroit où est mort Rémi Fraisse.

Comment ce nouveau projet de barrage peut-il se mettre en place ?

Ce n’est pas gagné d’avance. Pour pouvoir réaliser une retenue de substitution et obtenir des financements, notamment européens, le département du Tarn doit élaborer un «projet de territoire» impliquant les agriculteurs concernés (83 selon la chambre d’agriculture du Tarn, une trentaine au total selon les opposants au barrage) et les associations environnementales. Un «médiateur» adoubé par la ministre de l’Ecologie, Ségolène Royal, doit être nommé dans le courant du premier trimestre 2016. Seul point d’accord pour le moment : ces discussions où pro et anti-barrage confronteront leurs arguments et expertises devraient durer au moins une année. «Quelle que soit l’alternative retenue, le nouveau chantier ne débutera pas avant 2018», indique à Libération Ben Lefetey, porte-parole du collectif Testet (anti-barrage).

Quelles sont les positions des pro et anti-barrage ?

Pour les associations environnementales regroupées dans le collectif Testet, le «nouveau projet de barrage light» est aussi «aberrant que le précédent». «Il détruira tout autant la zone humide du Testet et il ne tient pas compte des alternatives possibles», réagit Ben Lefetey. Les militants écologistes ont réalisé leurs propres études. «Nous avons un an devant nous pour convaincre de nos solutions d’un point de vue rationnel, poursuit le porte-parole du collectif d’opposants. Selon ces derniers, 2 millions de m3 d’eau non utilisée «dorment» dans les réserves existantes des agriculteurs locaux. La construction d’un réseau de canalisations adapté permettrait ainsi de «redistribuer cette eau en fonction des besoins réels de chacune des exploitations concernées». Et «si ce n’était pas suffisant», le collectif du Testet se dit «d’accord pour la construction d’un barrage de 300 000 m3 en aval de la forêt de Sivens», sur la commune de Bessières (Haute-Garonne).

Le chef de file EE-LV du prochain conseil régional Midi-Pyrénées-Languedoc-Roussillon, Gérard Onesta, souhaite un «débat serein» et réclame une «vraie réflexion de fond», notamment sur le type d’agriculture pratiquée. L’accord de nouvelle gouvernance signé avec la future présidente de la région, la socialiste Carole Delga, «permettra d’étudier toutes les alternatives basées sur des expertises indépendantes», précise-t-il à Libération. Cela pourrait finalement amener à organiser une consultation par référendum des populations concernées. «Il faut de l’eau pour les agriculteurs de la vallée, et il est clair que cette retenue d’eau doit être construite sur le site de Sivens, rétorque Philippe Jougla, le président de la Fédération départementale des syndicats d’exploitants agricoles, syndicat majoritaire à la chambre d’agriculture du Tarn. Nous sommes prêts à la discussion sur la taille de ce barrage en fonction des usages qui seront définis.» Les discussions entre pro et anti-barrage s’annoncent «compliquées», anticipe un élu du conseil général. L’enquête sur les causes de la mort de Rémi Fraisse ouverte au lendemain de son décès est toujours en cours.

Jean-Manuel Escarnot

L’épouse française de Samy Amimour écrit sa fierté

L’épouse française de Samy Amimour, un des trois kamikazes tués au Bataclan le 13 Novembre, actuellement en Irak, a envoyé une série de mails à une connaissance pour dire sa fierté, selon le Parisien de lundi.

Dans son dernier écrit, trois jours après les attentats, elle exulte : «J’ai encouragé mon mari à partir pour terroriser le peuple français qui a tant de sang sur les mains», se réjouit-elle.

«Je suis tellement fière de mon mari et de vanter son mérite, ah là là, je suis si heureuse…» a-t-elle écrit à une des ses anciennes connaissances dans une série de courriels découverts par les enquêteurs où elle raconte sa vie dans des messages «contenant tous les codes de la propagande de l’EI», révèle le quotidien.

La jeune femme, qui vient d’avoir un enfant selon le quotidien, prévient son interlocuteur : «Tant que vous continuerez à offenser l’islam et les musulmans vous serez des cibles potentielles, et pas seulement les flics et les juifs mais tout le monde.»

Mariée religieusement à Samy Aminour, qu’elle a rencontré en Seine-Saint-Denis, la jeune femme de 18 ans a quitté le lycée en 2014 pour rejoindre en Syrie l’ancien chauffeur de bus radicalisé.

«J’ai un appart tout meublé avec cuisine équipée, deux salles de bains toilettes, et trois chambres, et je paye pas de loyer, ni l’électricité et l’eau. La belle vie quoi !!!» se vante-t-elle également.

Le kamikaze, mort à 28 ans le 13 novembre en commettant un carnage dans la salle de concert parisienne, était né et avait grandi à Drancy (Seine-Saint-Denis), ville dont dépend le cimetière de La Courneuve où il a été inhumé le soir du réveillon de Noël.

AFP

Nouvelle manifestation à Ajaccio : «On est chez nous»

«On est chez nous», «Arabes dehors», «On est toujours là», ont scandé samedi après-midi quelques centaines de manifestants venus protester pour la seconde journée consécutive dans plusieurs quartiers populaires d’Ajaccio contre l’agression de deux pompiers et un policier la nuit de Noël. «Je suis contente qu’ils soient là», a témoigné une habitante des Jardins de l’Empereur, une cité populaire des hauteurs de la ville, interrogée par l’AFP : «ça fait cinquante ans que je vis là et ce n’est plus possible».

Au lendemain du saccage d’une salle de prière musulmane en marge d’une première manifestation, un dispositif conséquent de gendarmes mobiles et CRS veillait à empêcher tout débordement dans ce quartier où les manifestants sont arrivés en milieu d’après-midi, avant de se diriger vers les quartiers voisins de Saint-Jean et Sainte-Lucie.

A lire aussiLe récit du saccage : «Une partie des manifestants s’est ensuite dirigée vers une salle du prière du quartier voisin»

Les portes vitrées de trois halls d’entrée du quartier de l’Empereur ont été brisées à coups de pierre par un manifestant, a constaté une journaliste de l’AFP qui n’a noté aucune violence à Sainte-Lucie, où un fumigène a simplement été lancé.

Le cortège commençait à se disperser vers 18 heures.

«Un véritable guet-apens», selon un pompier blessé

Ces manifestations visent à dénoncer les agressions dont ont été victimes deux pompiers puis un policier dans la nuit de jeudi à vendredi. Selon la préfecture, un incendie avait été «volontairement allumé» dans les Jardins de l’Empereur «pour attirer les forces de l’ordre et les pompiers dans un guet-apens».

Selon le témoignage de l’un des deux pompiers blessés dans cette agression, ils sont d’abord tombés sur cinquante à soixante individus qui se trouvaient autour d’un feu et leur ont lancé des projectiles : pierres, parpaings, barre de fer. Puis, alors qu’ils rebroussaient chemin, les pompiers ont a nouveau été pris à partie par un petit groupe : «Nous avons été pris dans un véritable guet-apens par une vingtaine de personnes armées de barres de fer, de battes de baseball, cagoulées. Ils ont essayé de nous porter des coups, d’ouvrir le camion, ils ont réussi à briser les vitres», a relaté le pompier sur i-Télé.

«C’est un tout petit groupe de jeunes», a nuancé Mehdi, un autre habitant des Jardins de l’Empereur, âgé de 35 ans. «Les parents abandonnent, le problème c’est l’éducation. Mais nous, nous voulons tous vivre ensemble, sans problème.»

«Arabi fora», «On est chez nous !», «Il faut les tuer»

Vendredi, une première manifestation pacifique de soutien aux pompiers et au policier a rassemblé quelque 600 personnes devant la préfecture d’Ajaccio mais, en fin de journée, environ 300 d’entre elles ont rejoint le quartier des Jardins de l’Empereur. Ces manifestants ont d’abord affirmé vouloir retrouver les auteurs de l’agression de la veille, scandant pour certains «Arabi fora (les Arabes dehors, ndlr) !» ou «On est chez nous !».

Une vidéo – non authentifiée – publiée sur Twitter fait aussi état de manifestants criant «Il faut les tuer» :

Les corses scandent  » Il faut les tuer  » pendant l’attaque de la salle de prière musulmane #Ajacciopic.twitter.com/XbKRWrNACQ

— Nacéra (@NasNacera) 26 Décembre 2015

Un petit groupe s’est ensuite détaché pour saccager une salle de prière musulmane. Les casseurs ont tenté de mettre le feu, puis n’y arrivant pas, ont cherché à brûler une cinquantaine de livres, dont des exemplaires du Coran. Un restaurant kébab a été également dégradé. 

A lire aussiLes responsables musulmans dénoncent le saccage d’Ajaccio

LIBERATION avec AFP