Auteur : admin4628

La réforme du travail, futur sujet de polémique au Parti socialiste

Les 35 heures, «c’était un projet de société ; on le défendait avec beaucoup d’ardeur, avec beaucoup de conviction». Pour Benoît Hamon, invité de Public Sénat ce jeudi, la réforme du travail annoncée par Myriam El Khomri, et qui induit notamment davantage de flexibilité du temps de travail, n’est pas conforme aux valeurs qu’il a portées au sein du Parti socialiste : «Je m’inquiète aujourd’hui. Dans les mots, dans les concepts, j’ai l’impression que d’autres parlent à la place de nos ministres parfois.»

D’emblée, l’éphémère ministre de l’Education prend donc ses distances avec le gouvernement, dont Ségolène Royal s’est improvisée porte-parole au micro de France Info : «Pourquoi des polémiques sur ce sujet-là ? On voit bien qu’il faut relancer la croissance économique et le dynamisme des entreprises. […] Ce qu’il faut rechercher, c’est à la fois la sécurité des salariés, la protection des droits acquis et des acquis sociaux, et en même temps la souplesse des entreprises. Il n’y a pas de tabou.»

(A partir de 6’35 »)


Pour appuyer son propos, la ministre de l’Environnement prend l’exemple de la «Green Tech» et des start-up : «Ces entreprises, qui sont des jeunes pousses, ont besoin par exemple de beaucoup de souplesse. Il y a une intensité du travail à certains endroits, à certains moments du lancement d’une entreprise.»

Selon la dernière version du projet de loi, la durée maximale d’une journée de travail pourrait passer de dix à douze heures, et les heures supplémentaires n’être rémunérées qu’à hauteur de 10% – contre 25% actuellement, hors cas particulier. Les employeurs pourraient également avoir la possibilité d’imposer des «forfaits jour» aux entreprises de moins de 50 salariés.

Autant d’outils qui, selon Ségolène Royal, devraient rendre la France plus compétitive sur un marché du travail mondialisé : «Avec Emmanuel Macron et Myriam El Khomri, nous travaillons en équipe pour que, justement, on puisse inventer le futur avec des règles contemporaines qui prennent en compte la réalité de la situation économique et des mouvements économiques de la société, et en même temps avec la protection du modèle français et des acquis sociaux.»

Si le projet semble soutenu au sein du gouvernement, il l’est en revanche beaucoup moins au niveau du Parti socialiste. Pour Jean-Christophe Cambadélis, «ce texte n’est pas définitif, et il doit évoluer», le chef de la majorité estimant que le projet rendu public manque d’équilibre : «Ce qui m’importe, c’est l’efficacité pour l’emploi. Et, entre ceux qui ne veulent rien faire et ceux qui veulent tout défaire, il faut la flexisécurité à la française. Et ce texte-là, pour l’instant, ne montre pas son équilibre entre une flexibilité et une sécurité. […] Donc, moi, bien avant de discuter de tel ou tel aspect – dont certains me semblent justes, d’autres discutables – je veux cet équilibre dans le texte.»

(à partir de 6’25 »)

Dubitatif, Jean-Christophe Cambadélis critique notamment un point du projet de loi : «Tout ce qui est dans ce texte sur le licenciement économique est discutable.» De son côté, Benoît Hamon fustige «un mauvais calcul économique». Le député frondeur des Yvelines s’affirme d’accord pour «travailler plus, au sens où on met davantage de gens dans l’emploi», il pointe du doigt les mesures envisagées : «Baisser le tarif des heures supplémentaires, ça fera travailler plus ceux qui sont dans l’entreprise – en étant payé moins qu’avant – mais ça ne fera surtout pas rentrer ceux qui sont à l’extérieur.»

Et de dénoncer l’attitude du chef de l’Etat : «Je rappelle que François Hollande avait dit lui-même que l’impact de la défiscalisation des heures supplémentaires, qui relevait de la même logique, avait coûté 100 000 emplois à la France. […] Demain, les salariés travailleront plus en étant moins bien payés qu’ils ne l’étaient auparavant, mais, pour autant, celui qui était à Pôle Emploi ne les rejoindra pas dans l’entreprise.»

(à partir de 2’30 »)

Avant même de séduire l’opposition, Myriam El Khomri – qui n’exclut pas un recours à l’article 49.3 pour faire passer la réforme – devra donc d’abord savoir se montrer convaincante dans son propre camp.

Sylvain Moreau

Sarkozy dans la fosse Bygmalion

Son audition aura duré près de douze heures. Nicolas Sarkozy est sorti mardi soir du pôle financier auréolé d’une mise en examen pour «financement illégal de campagne». Un coup terrible pour le patron du parti Les Républicains (LR), candidat probable à la primaire qui tente depuis des mois de rassembler les militants derrière son nom. Une semaine plus tôt, Jean-François Copé était sorti du même pôle financier avec le statut de simple «témoin assisté».

Entre les deux hommes, qui s’affrontent depuis des mois, les juges d’instruction parisiens semblent donc avoir tranché. Au départ, pourtant, Bygmalion avait été présentée comme une «affaire Copé». En février 2014, le Point lance l’offensive en accusant celui qui est encore patron de l’UMP d’avoir utilisé l’argent du parti pour sponsoriser la société de conseil en communication Bygmalion, sans doute dans le but de constituer une caisse noire. «Sarkozy a-t-il été volé ?» s’interroge même l’hebdo en une. Mais le scandale naissant rebondit trois mois plus tard, quand Libération révèle l’existence d’un système de fausses factures mis en place pour imputer à l’UMP les dépenses de la campagne de Nicolas Sarkozy pour la présidentielle de 2012 (une ci-contre). L’affaire «Bygmalion» devient celle des comptes de campagne.

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Une autre lecture Une information judiciaire est alors ouverte pour «faux et usage de faux», «abus de confiance» et «tentative d’escroquerie», confiée aux juges Serge Tournaire, Renaud Van Ruymbeke et Roger le Loire. Après un an et demi d’enquête, les magistrats ont désormais une idée assez précise du fonctionnement de cette vaste fraude destinée à dissimuler le dépassement du plafond légal des dépenses de campagne de 22,5 millions d’euros. Des centaines de factures, vraies et fausses, ont été passées au crible. Treize personnes ont depuis été mises en examen, outre Sarkozy, dont les anciens cadres de Bygmalion, des responsables du parti et des membres de l’équipe de campagne. Plusieurs d’entre eux ont reconnu l’existence de la fraude, sans pour autant mouiller directement l’ancien candidat.

Ce dernier a toujours démenti un quelconque rôle dans l’affaire Bygmalion, jurant avoir découvert le nom de la société après l’élection. «L’argument d’une campagne qui dérape est une farce», a même lâché Nicolas Sarkozy en septembre 2015, devant les policiers. Puis à nouveau, le 4 février, sur France 2 : «Jamais je n’ai trahi la confiance des Français, si j’avais eu le moindre doute, je ne serai pas revenu», assure-t-il, renvoyant la responsabilité aux dirigeants de Bygmalion et, de façon plus sournoise, à Jean-François Copé lui-même.

Les juges auront donc fait une autre lecture du dossier. Sarkozy ayant paraphé lui-même ses comptes de campagne, il se porte garant de la sincérité et de la régularité de ses dépenses. L’article 113-1 du code électoral punit en effet d’un an de prison et de 3 750 euros d’amende tout candidat ayant déclaré des «éléments comptables sciemment minorés».

Détail embarrassant Jusqu’où Nicolas Sarkozy savait-il ? L’ancien président a été personnellement informé par son directeur de campagne, Guillaume Lambert, de la dérive financière de ses premiers meetings. Une dérive consignée dans une note datée du 7 mars 2012, qui pointe clairement un risque de dépassement du plafond et interdit toute dépense supplémentaire. Sarkozy a d’abord nié farouchement avoir eu connaissance de cette note. Mais lors de son audition, Guillaume Lambert a confirmé l’en avoir bien informé. «Je ne m’en souviens pas mais c’est possible», a fini par reconnaître Sarkozy devant les policiers.

En fouillant dans les comptes de l’UMP, les enquêteurs sont également tombés sur un détail embarrassant. Une ligne «présidentielle» dans le budget 2012 du parti, qui indique 13,5 millions d’euros de dépenses engagées, alors que seuls 3 millions ont été répercutés dans les comptes de campagne. Un trou de plus de 10 millions d’euros correspondant à des factures de trains, de cars, de meetings et de tracts, qui porterait le coût total de la campagne à plus de 50 millions d’euros. Plus de deux fois le montant légal autorisé.

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Emmanuel Fansten

Laurent Fabius renonce à la présidence de la COP21

Laurent Fabius a écrit lundi à François Hollande pour lui remettre son mandat de président de la COP21, après la polémique sur la compatibilité de ce titre avec sa fonction prochaine de président du Conseil constitutionnel, selon une lettre dont l’AFP a obtenu copie.

«Vous m’avez fait l’honneur de me pressentir pour présider le Conseil constitutionnel et je vous en remercie vivement. A mon sens, il n’existe pas d’incompatibilité avec la présidence de la dernière phase de la COP21. Pour autant, compte tenu du début de polémique interne sur ce sujet, je juge préférable de vous remettre mon mandat de président de la COP», écrit-il dans cette lettre.

Depuis plusieurs jours, la polémique enflait sur le cumul de fonction de l’ex-Premier ministre et ex-chef de la diplomatiqe française récemment nommé par François Hollande à la présidence du Conseil constitutionnel pour succéder à Jean-Louis Debré.

Ce matin sur iTélé, Thierry Mandon, secrétaire d’Etat chargé de l’Enseignement supérieur et de la recherche, qualifiait de cumul d’«inimaginable», déclarant : «lui-même peut le souhaiter mais c’est inimaginable. Le suivi d’un engagement international de la France, ça relève de l’exécutif, donc du gouvernement. J’imagine bien naturellement que quelqu’un du gouvernement sera chargé de ce travail». Jean-Louis Debré s’était lui aussi exprimé contre ce cumul dans la presse, évoquant les risques de conflits d’intérêts «dans le domaine de l’environnement»

Laurent Fabius «a considéré que ni la présidence de la COP ni la présidence du Conseil constitutionnel ne méritaient ce degré de polémique», explique-t-on dans l’entourage de l’ancien ministre des Affaires étrangères, qui a pris sa décision dans la journée de lundi. «Profondément attaché à cette grande cause (du climat, NDLR), j’espère que la mise en oeuvre de l’accord historique de Paris connaîtra le même succès que son adoption», conclut dans sa lettre Fabius. Celui-ci avait été élu le 30 novembre 2015 à la conférence climat du Bourget, par acclamation des délégués de 195 pays. Le mandat de président de la COP21 devait courir jusqu’à l’ouverture de la COP22, prévue à Marrakech en novembre.

LIBERATION avec AFP

«Equipe de foot», «pétaudière» : la primaire de la droite moquée par la gauche

Avec Jean-François Copé, ils sont sept. Sept candidats à la primaire du parti Les Républicains (LR), qui se déroulera en novembre 2016. Un nombre qui fait réagir, d’autant plus que l’ancien président de la formation a choisi d’annoncer dimanche sur France 2 qu’il sera de la partie, pendant l’interview sur TF1 de l’actuel président LR, Nicolas Sarkozy.

Au lendemain de leur conseil national, plusieurs élus de droite martèlent lundi dans les matinales qu’il «y a une unité du parti». C’est le cas du secrétaire général Les Républicains Eric Woerth, qui tente sur RTL de prouver que la candidature de Jean-François Copé ne renforce pas les divisions au sein de la formation. «Après ça n’empêche que chacun peut avoir son propre calendrier dans le domaine des primaires», tempère-t-il.

Comme lui, Eric Ciotti se fait sur Radio classique l’avocat de l’unité du parti. «Chacun défendra son projet, assure le député LR. Ce qui nous unit est plus fort que ce qui nous sépare.»

Un discours tenu par la plupart des élus, mais pas par l’ancien conseiller de Nicolas Sarkozy. Invité sur France 2, Henri Guaino regrette l’absence «d’une sensibilité gaulliste» chez LR, estimant que Nicolas Sarkozy est tiré «vers le bas» par sa position de chef de parti. «Nicolas Sarkozy, il vient du mouvement gaulliste, mais je trouve qu’il devrait un peu plus se souvenir de sa propre histoire, et peut-être un peu moins se retrouver écartelé entre les libéraux d’un côté, toutes les droites de l’autre.»

Le nouveau président du conseil national du parti Les Républicains, Luc Chatel, préfère opter pour l’humour. «La bonne nouvelle, c’est que comme il faut 20 parlementaires pour être parrainé, qu’il doit y avoir à peu près 400 parlementaires Républicains , il ne devrait pas y avoir plus de 20 candidats», lance-t-il sur Europe 1. Il ajoute que la réunion du week-end a donné «l’image d’un parti moderne». «Nous avons donné le visage du débat[…]. Tout le monde n’est pas sur la même ligne, c’est normal.»

Jean-Christophe Cambadélis, premier secrétaire du Parti socialiste, ironise lui aussi sur France Info le nombre de candidats à la primaire de la droite et du centre : «Ils sont sept, bientôt dix, si ce n’est onze. Ce n’est plus une primaire, c’est une équipe de foot.»

Une déclaration sur laquelle Thierry Mandon rebondit. Invité sur i-Télé, le secrétaire d’Etat «ne voit pas très bien la différenciation des projets». «Je ne pense pas qu’il y ait onze projets différents, je vois des ambitions.»

«A droite, c’est plutôt la cour du roi Pétaud, comme dans Tartuffe», lance Jack Lang sur France Inter. L’ancien ministre de la Culture précise : «Comme on dit en langage contemporain, c’est la pétaudière.»

Alain Juppé, François Fillon, Hervé Mariton, Frédéric Lefebvre, Jean-Frédéric Poisson et Nadine Morano se sont déjà déclarés candidats à cette primaire. Nicolas Sarkozy, Bruno Le Maire et Nathalie Kosciusko-Morizet devraient en faire de même dans les prochaines semaines. 

Aude Deraedt

Bousculé par ses rivaux, Sarkozy s’accroche à son rôle de chef de famille

Avec la fougue surjouée du général en chef lançant ses troupes vers la victoire, Nicolas Sarkozy invite ce week-end les cadres et les militants de son parti, Les Républicains (LR), à débattre du «projet collectif» qu’il espère mettre en œuvre quand sonnera, en 2017, l’heure de l’alternance. Candidat non déclaré, l’ancien chef de l’Etat parie toujours, en dépit des mauvais sondages, que sa position de chef de parti, rassembleur et pacificateur, lui permettra, au bout du compte, de prendre le dessus sur les candidats déclarés à la primaire de novembre 2016, principalement Alain Juppé, François Fillon et Bruno Le Maire.

Ce dimanche, il présente «le texte» qui sera débattu dans toutes les fédérations avant d’être amendé et surtout approuvé en avril par l’ensemble des adhérents de LR. Comme tous les textes mis au vote ces derniers mois, celui-ci sera sans doute plébiscité par plus de 90% des militants. Sarkozy veut croire que cela lui donnera une légitimité bien supérieure aux projets développés par Juppé, Fillon et Le Maire. Le moment venu, il prétend incarner le projet de «la famille» tandis que ses rivaux seraient engagés dans des aventures individuelles. «Il y aura une position, pas cinquante positions» et pas question d’attendre que les candidats à la primaire «daignent proposer leurs idées», a martelé Sarkozy, flattant ses supporters majoritairement nostalgiques du temps où le chef de la famille était le candidat naturel à la présidentielle. Dans les camps de Juppé, Fillon et Le Maire, on ne prend même plus la peine d’écouter ces rodomontades.

«Il ne s’est rien passé, c’est donc une réussite»

Car en fait de construction collective, le Conseil national de samedi se sera résumé à une succession de prises de paroles de leader de la droite. Qu’importe. «Cette journée est succès», se félicitait-on pourtant en soirée dans l’entourage de Nicolas Sarkozy. Loin de l’emphase de leur mentor, Brice Hortefeux et Éric Ciotti ont une conception réaliste et un brin cynique du succès : «il ne s’est rien passé, c’est donc une réussite». De fait, cette grand-messe à laquelle participent plus d’un millier de cadres locaux de LR aurait fait événement si Juppé, Fillon et Le Maire l’avaient boycottée, ou, mieux encore, si l’un d’eux s’était fait siffler par la foule sarkozyste, comme cela s’est vu dans le passé.

Rien de tel en effet. Tous les chefs de la droite étaient présents samedi porte de Versailles, y compris Xavier Bertrand et Christian Estrosi élus présidents de région avec les voix de gauche, ce qui leur a valu d’être décrits comme atteint du syndrome de Stockholm par l’ancien chef de l’État. François Fillon a pu prendre la parole et dérouler, sans déclencher aucune huée, un programme de rupture qu’il entend défendre devant les Français et non pas devant le parti présidé par son rival.

Même l’élection à la présidence du Conseil national (poste purement honorifique laissé vaquant par la démission de Jean-Pierre Raffarin) s’est soldée, sans surprise, par une courte victoire du candidat de Sarkozy, Luc Chatel sur Michèle Alliot-Marie qui tentait, à 69 ans, un come-back embarrassant. Une défaite de Chatel aurait été perçue, à juste titre, comme un revers pour le patron du parti.

Brice Hortefeux et Éric Ciotti sont toutefois trop modestes : il ne s’est pas exactement «rien passé» à ce Conseil national. De nombreux orateurs ne se sont pas gênés pour défier ouvertement le chef. Déroulant fiévreusement son anaphore sur ce «qu’est» et sur ce «que n’est pas» sa «famille politique» Henri Guaino a jugé «honteux qu’on ne propose pas un repas de substitution aux enfants dans les cantines». De son côté, le député de la Drôme Hervé Mariton, candidat à la primaire, a fait le serment de «tenir» sur l’abrogation de la loi Taubira, promesse reniée par Sarkozy.

Ecartée de la campagne des régionales après ses propos sur «la race blanche», Nadine Morano a emballé beaucoup de militants avec son apologie des «racines chrétiennes», menacées par «l’invasion» de migrants dans une Europe «impuissante». Après avoir ostensiblement échangé une bise chaleureuse avec l’impertinente, Sarkozy s’est dit «très heureux de la liberté de ton qui règne dans ce conseil national». A en juger par sa mine crispée, il sera nettement moins heureux quelques minutes plus tard quand Jean-François Copé prendra la parole.

Spectre accusateur

L’ancien patron de l’UMP s’exprimait pour la première fois depuis que cette «triste affaire Bygmalion» l’a poussé à la démission : «Je n’ai pas oublié cette grande victoire aux élections municipales dont nous étions si fiers les uns et les autres», a-t-il commencé. Façon de rappeler à Sarkozy, qui l’oublie systématiquement, que l’UMP n’a pas attendu son retour et les départementales de mars 2015, pour renouer avec le succès. Sous le regard las de Sarkozy, Copé s’est fait applaudir quand il a dit son émotion de n’avoir pas été mis en examen par les juges qui enquêtent depuis près de deux ans sur les comptes de la campagne présidentielle de 2012.

Tel un spectre accusateur, Copé semble déterminé à se rappeler encore et toujours au bon souvenir de son successeur à la présidence de l’UMP. Sarkozy s’est invité ce dimanche soir au journal de TF1 pour présenter la ligne qu’il aura défini et que les militants ne manqueront pas de plébisciter dans quelques semaines. A la même heure, Copé sera sur France 2. Probablement pour officialiser sa candidature à la primaire. Justement ce que Sarkozy s’interdit de faire pour rester le plus longtemps possible, «le chef de la famille».

Alain Auffray

Ratonnade contre des migrants : «Je n’ai jamais vu ça à Dunkerque»

Des cagoules, des barres de fer. Sept hommes sur un parking, venus casser du migrant la nuit. «Je n’ai jamais vu ça à Dunkerque», dit le procureur Eric Fouard. «C’est insupportable, et on ne laissera pas faire.» Dans la nuit du 10 au 11 février, la police a pris sur le fait sept hommes de 24 à 47 ans qui auraient agressé des Kurdes d’Irak, à Loon-Plage, près de Dunkerque, sur un parking où des migrants ont l’habitude de se cacher pour attendre un passage clandestin en Angleterre.

Ces hommes viennent presque tous du Pas-de-Calais voisin, certains sont actifs dans les mouvements «antimigrants», et l’un d’entre eux était présent à la manifestation Pegida du 6 février à Calais. La police n’a pas vu les violences, mais les a déduites. Elle a d’abord repéré leurs deux voitures, dans cet endroit insolite, puis a intercepté un groupe de cinq Kurdes d’Irak qui tentait de fuir les agresseurs. Elle a retrouvé deux barres de fer sur les lieux, puis une bombe lacrymogène et une troisième barre de fer dans une des deux voitures.

Monnaie courante

Sur les cinq migrants, tous entendus, trois ont été «frappés», selon le magistrat dunkerquois, et les violences sont «légères». Les sept agresseurs présumés, dont certains ont déjà été condamnés pour des faits de vols et de violences, ont été placés en garde à vue. Ils y étaient toujours ce matin à Coquelles, non loin de Calais. Le procureur Eric Fouard doit les présenter à un juge d’instruction cet après-midi.

Les violences sur des migrants sont devenues monnaie courante, surtout à Calais, à une trentaine de kilomètres de Loon-Plage. Mais c’est la première fois que la police tombe sur une ratonnade. Sans commune mesure avec le petit nombre de plaintes — «quatre à cinq» migrants ont déjà saisi la justice, selon le procureur de Boulogne-sur-Mer, Jean Pierre Valensi, au moins deux fois plus, selon les associations —, les témoignages affluent, au moins une cinquantaine, selon le centre juridique installé dans la «jungle» de Calais à l’initiative de l’Appel des 800 et de Médecins du Monde.

«Matraques et bâtons électriques»

Un homme raconte : «Un groupe d’environ dix personnes est arrivé avec des lampes de poche. Ils m’ont dit « retourne à la jungle ». J’ai essayé de m’échapper. Ils m’ont frappé aux jambes avec une matraque, et sur la tête avec leurs poings. Je me suis recroquevillé. Ils m’ont donné des coups de pied et des coups de poing. Je me suis évanoui. Ils m’ont laissé là. Je suis rentré à la jungle comme j’ai pu.» 

Une autre nuit, un autre migrant : «Deux personnes m’ont demandé une cigarette, de l’argent, un téléphone. J’ai répondu non. Ils m’ont demandé : « do you live in the jungle ? » Puis ils ont commencé à me frapper. Je suis tombé.» Un ado : «Une voiture nous a coupé la route et des hommes sont sortis avec des matraques, des bâtons électriques et des bombes lacrymogènes. Ils m’ont plaqué au sol, frappé avec leurs matraques sur mes jambes et ma main.» Et puis : «J’ai reçu un coup sur la tête, j’avais du sang plein le visage. Je criais de toutes mes forces. Pour me faire taire, un des hommes a écrasé sa chaussure sur ma bouche.» Les médecins ont constaté une contusion au cuir chevelu, de multiples hématomes et une blessure à la bouche. «J’ai encore très peur, je ne sors plus sans mes amis hors du camp et je ne sors plus la nuit.»

Ou encore : «Des gens sont sortis des buissons, et ont commencé à nous frapper très fort, pendant trois ou quatre minutes. Avec des matraques comme la police. J’ai reçu un coup sur la nuque. Je suis tombé. Ils ont commencé à me frapper partout très fort, sur les mains et dans le dos. Ma main a été cassée. Je me suis évanoui.» Des histoires circulent dans le campement. On parle de cinq ou six personnes disparues. Au moins un Afghan s’est évaporé, selon Médecins du Monde. Certains migrants racontent qu’ils partent désormais avec des pierres dans les poches pour se défendre au cas où.

L’affaire de Dunkerque est entre les mains de la police judiciaire de Lille, tout comme celles des violences commises à Calais ces dernières semaines, et pendant l’été 2015. Le centre juridique annonce une conférence de presse conjointe avec Médecins du Monde et Médecins sans frontières ce vendredi matin pour détailler ces agressions de la part de «milices», mais aussi de la police, «en augmentation considérable», selon Lou Einhorn, de Médecins du Monde. «Les migrants ne parlent presque plus que de ça avec les bénévoles.» L’organisation dit avoir accompagné «une plainte contre des CRS, et une autre contre des gendarmes mobiles». Marianne Humbersot, directrice du centre juridique de la «jungle», en annonce neuf autres pour vendredi, quatre contre des civils et cinq contre des forces de l’ordre.

Haydée Sabéran envoyée spéciale à Calais

La Suède rejette la déchéance de nationalité proposée par l’extrême droite

Le Parlement suédois a repoussé ce mercredi une proposition de l’extrême droite pour déchoir de la nationalité suédoise tout personne condamnée pour un délit ou crime en lien avec le terrorisme. 

La proposition des Démocrates de Suède était un amendement à un projet de loi antiterroriste du gouvernement de gauche. Ce parti anti-immigration souhaitait introduire «la possibilité de retirer la nationalité suédoise à une personne condamnée pour un délit en lien avec le terrorisme (…) même si cela la rend apatride». Seuls les 45 députés de ce parti ont voté pour. Les autres parlementaires ont voté contre (236) ou se sont abstenus (16 députés du Parti de gauche).

Le vote est intervenu le même jour que celui en France de l’Assemblée nationale pour adopter un projet de révision constitutionnelle qui doit introduire cette possibilité.

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La déchéance de nationalité a provoqué depuis les attentats de novembre à Paris un débat passionné en France, qui n’a pas eu d’équivalent en Suède. Dans ce pays, on ne perd sa nationalité que si on a fait de fausses déclarations ou corrompu un fonctionnaire pour être naturalisé. Le projet de loi du gouvernement suédois a été adopté par tranches, parfois avec l’aide de l’opposition de centre-droit, parfois sans.

AFP

Laurent Fabius quitte le gouvernement pour le Conseil constitutionnel

Le ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius a annoncé à sa sortie de l’Elysée, qu’il avait participé mercredi à son dernier Conseil des ministres. François Hollande a confirmé lors de ce conseil sa décision de nommer Laurent Fabius à la présidence du Conseil constitutionnel pour succéder à Jean-Louis Debré.

Dans un communiqué, l’Elysée a confirmé que le président de la République «envisage de nommer Laurent Fabius président du Conseil constitutionnel». Les commissions des Lois du Sénat et de l’Assemblée doivent désormais se prononcer sur cette nomination, l’audition étant envisagée pour le 17 à l’Assemblée pour les candidats de l’Elysée et du président de l’Assemblée. Laurent Fabius peut donc rester au ministère jusqu’à cette date, même s’il est probable que le remaniement aura lieu avant.

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Deux autres membres du Conseil constitutionnel doivent par ailleurs être nommés, sous réserve de validation par les commissions parlementaires compétentes. Le président (PS) de l’Assemblée nationale Claude Bartolone a choisi Corinne Luquiens, secrétaire générale de l’Assemblée, pour remplacer Guy Canivet. Le choix du président du Sénat pour remplacer Renaud Denoix de Saint-Marc s’est porté sur le conseiller d’Etat Michel Pinault. Le nouveau Conseil consitutionnel ne sera donc finalement pas paritaire.

 La composition du Conseil constitutionnel



LIBERATION

L’Assemblée nationale a voté l’article inscrivant l’état d’urgence dans la Constitution

L’Assemblée nationale a voté lundi soir l’article 1er du projet de révision constitutionnelle visant à inscrire dans la loi fondamentale le régime de l’état d’urgence, disposition contestée par certains écologistes et le Front de gauche, comme par certains députés de droite.

Ce premier volet du projet de loi constitutionnelle, qui prévoit que l’état d’urgence sera «décrété en Conseil des ministres» soit «en cas de péril imminent résultant d’atteintes graves à l’ordre public», soit en cas de «calamité publique» (événements naturels), a été adopté par 103 voix contre 26, en présence notamment de Manuel Valls.

AFP

«Rien ne bouge sur les contre-discours à la radicalisation»

N’est-ce qu’un «fail» anecdotique ou bien la révélation (confirmation ?) d’une stratégie de communication à côté de la plaque ? Le tweet douteux du compte gouvernemental «StopDjihadisme», publié dimanche soir, a immédiatement déclenché les ricanements des internautes. En cause, ce message de moins de 140 caractères, censé dissuader d’apprentis jihadistes de rejoindre l’Etat islamique : «Arrivée à Raqqa [fief militaire de Daech en Syrie, ndlr], aussitôt veuve, enceinte, elle cherche depuis à se faire sauter.»

Après les moqueries graveleuses, viennent les interrogations sur l’efficacité de ce «contre-discours» officiel à la propagande terroriste. L’arsenal gouvernemental pour dire «stop au jihadisme» (site Internet, comptes Twitter et Facebook) est en place depuis un an. Pour quelle efficacité ?

Un ex-détenu français de Guantanamo, Mourad Benchellali, le 13 mai 2015 à GennevilliersMourad Benchellali, un Français qui a passé deux ans à Guantánamo après un séjour en Afghanistan, tente aujourd’hui, en racontant son parcours, de dissuader des jeunes de rejoindre Daech. Pour lui, les initiatives du gouvernement sont bien trop institutionnelles pour être efficaces. (Photo Francois Guillot. AFP)

Au-delà du tweet de dimanche soir, que pensez-vous de l’initiative «Stop Djihadisme» et de ses effets ?

J’ai eu l’occasion de donner la parole à des jeunes de Vénissieux à ce sujet. Tout d’abord, ils ne connaissaient pas le site Internet, alors qu’ils sont bien, a priori, le public visé. Ensuite, je leur ai demandé s’ils avaient désormais envie de le visiter. Encore une fois, ils ont dit non. Ils étaient convaincus qu’ils y trouveraient davantage de la propagande que de l’information, selon leurs mots. Je leur ai aussi montré l’infographie censée aider à repérer les signes de radicalisation. Ils s’en sont moqués, ils la trouvaient caricaturale. Pour eux, les indicateurs sur l’apparence, l’habillement ou les fréquentations pour déduire si une personne est jihadiste ou non étaient des raccourcis. Cela risquait, à leurs yeux, de faire d’une personne pratiquante un terroriste potentiel.

Plusieurs vidéos ont été produites par ce portail. La plus regardée l’a été près d’un million de fois, mais les autres n’ont eu une audience que très modeste…

Les jeunes que j’ai interrogés n’ont pas pris ces vidéos au sérieux. Comment deux ou trois minutes peuvent-elles faire contrepoids aux centaines de vidéos que l’Etat islamique diffuse tous les mois ? C’est un peu faiblard. Quant au compte Twitter, je le suis depuis sa création. On a davantage affaire à de la communication gouvernementale, qui relaie divers communiqués, qu’à un contre-discours.

Avez-vous été sollicité par les autorités pour intervenir à leurs côtés ?

J’ai rencontré il y a quelques mois Christian Gravel, le patron du Service d’information du gouvernement. A l’époque, ils réfléchissaient à la création de vidéos, mais j’ai refusé d’y collaborer parce que le support en lui-même, le fait que ce soit un site gouvernemental, me posait problème. Je ne suis pas sûr que se mettre face à une caméra pour dire «le jihad, c’est pas bien» soit très efficace. Autre problème : sur ce site, il n’y a pas de jeunes, alors que c’est eux qu’on veut toucher.

Que préconisez-vous ?

La prévention de la radicalisation se fait sur le terrain. Pour que ça marche, il faut que les intervenants soient écoutés. Je comprends la méfiance, voire la réticence que peuvent avoir les autorités par rapport aux «repentis», car il subsiste toujours la crainte qu’ils se retournent la France. Mais en même temps, un discours de vérité passe par un vécu. Il faut savoir de quoi on parle. Or, qui mieux qu’un repenti du jihad peut dire ce qu’est la réalité de vivre sur une terre de jihad, ce que ça implique ?

Etes-vous en mesure aujourd’hui de partager votre expérience ?

J’ai encore beaucoup de difficultés à intervenir dans les écoles ou les prisons. Les rectorats freinent, l’administration pénitentiaire dit que c’est compliqué avec mon casier judiciaire. C’est bizarre, parce que c’est précisément ce qui donnera de la légitimité à mon discours. Les rapports [notamment celui d’une commission d’enquête sénatoriale ou du député Pietrasanta, ndlr] disent tous la nécessité de s’appuyer davantage sur la société civile. Mais dans la pratique, rien ne bouge. Il va falloir se décider. Je suis plus que jamais convaincu de la nécessité d’effectuer ce travail, pour faire contrepoids à la propagande de Daech. En 2001, si on était venu me voir, peut-être que je ne serais pas parti en Afghanistan.

Sylvain Mouillard