La réforme du travail, futur sujet de polémique au Parti socialiste

Les 35 heures, «c’était un projet de société ; on le défendait avec beaucoup d’ardeur, avec beaucoup de conviction». Pour Benoît Hamon, invité de Public Sénat ce jeudi, la réforme du travail annoncée par Myriam El Khomri, et qui induit notamment davantage de flexibilité du temps de travail, n’est pas conforme aux valeurs qu’il a portées au sein du Parti socialiste : «Je m’inquiète aujourd’hui. Dans les mots, dans les concepts, j’ai l’impression que d’autres parlent à la place de nos ministres parfois.»

D’emblée, l’éphémère ministre de l’Education prend donc ses distances avec le gouvernement, dont Ségolène Royal s’est improvisée porte-parole au micro de France Info : «Pourquoi des polémiques sur ce sujet-là ? On voit bien qu’il faut relancer la croissance économique et le dynamisme des entreprises. […] Ce qu’il faut rechercher, c’est à la fois la sécurité des salariés, la protection des droits acquis et des acquis sociaux, et en même temps la souplesse des entreprises. Il n’y a pas de tabou.»

(A partir de 6’35 »)


Pour appuyer son propos, la ministre de l’Environnement prend l’exemple de la «Green Tech» et des start-up : «Ces entreprises, qui sont des jeunes pousses, ont besoin par exemple de beaucoup de souplesse. Il y a une intensité du travail à certains endroits, à certains moments du lancement d’une entreprise.»

Selon la dernière version du projet de loi, la durée maximale d’une journée de travail pourrait passer de dix à douze heures, et les heures supplémentaires n’être rémunérées qu’à hauteur de 10% – contre 25% actuellement, hors cas particulier. Les employeurs pourraient également avoir la possibilité d’imposer des «forfaits jour» aux entreprises de moins de 50 salariés.

Autant d’outils qui, selon Ségolène Royal, devraient rendre la France plus compétitive sur un marché du travail mondialisé : «Avec Emmanuel Macron et Myriam El Khomri, nous travaillons en équipe pour que, justement, on puisse inventer le futur avec des règles contemporaines qui prennent en compte la réalité de la situation économique et des mouvements économiques de la société, et en même temps avec la protection du modèle français et des acquis sociaux.»

Si le projet semble soutenu au sein du gouvernement, il l’est en revanche beaucoup moins au niveau du Parti socialiste. Pour Jean-Christophe Cambadélis, «ce texte n’est pas définitif, et il doit évoluer», le chef de la majorité estimant que le projet rendu public manque d’équilibre : «Ce qui m’importe, c’est l’efficacité pour l’emploi. Et, entre ceux qui ne veulent rien faire et ceux qui veulent tout défaire, il faut la flexisécurité à la française. Et ce texte-là, pour l’instant, ne montre pas son équilibre entre une flexibilité et une sécurité. […] Donc, moi, bien avant de discuter de tel ou tel aspect – dont certains me semblent justes, d’autres discutables – je veux cet équilibre dans le texte.»

(à partir de 6’25 »)

Dubitatif, Jean-Christophe Cambadélis critique notamment un point du projet de loi : «Tout ce qui est dans ce texte sur le licenciement économique est discutable.» De son côté, Benoît Hamon fustige «un mauvais calcul économique». Le député frondeur des Yvelines s’affirme d’accord pour «travailler plus, au sens où on met davantage de gens dans l’emploi», il pointe du doigt les mesures envisagées : «Baisser le tarif des heures supplémentaires, ça fera travailler plus ceux qui sont dans l’entreprise – en étant payé moins qu’avant – mais ça ne fera surtout pas rentrer ceux qui sont à l’extérieur.»

Et de dénoncer l’attitude du chef de l’Etat : «Je rappelle que François Hollande avait dit lui-même que l’impact de la défiscalisation des heures supplémentaires, qui relevait de la même logique, avait coûté 100 000 emplois à la France. […] Demain, les salariés travailleront plus en étant moins bien payés qu’ils ne l’étaient auparavant, mais, pour autant, celui qui était à Pôle Emploi ne les rejoindra pas dans l’entreprise.»

(à partir de 2’30 »)

Avant même de séduire l’opposition, Myriam El Khomri – qui n’exclut pas un recours à l’article 49.3 pour faire passer la réforme – devra donc d’abord savoir se montrer convaincante dans son propre camp.

Sylvain Moreau