Des fleurs d’ylang-ylang autour du cou et un discours ponctué de chants mahorais, Marine Le Pen est venue en terrain conquis à Mayotte. La présidente du Front national a évoqué la lutte contre l’immigration et l’insécurité à Mtsahara, village côtier du nord-est de Mayotte, marqué par l’arrivée massive de migrants des Comores voisines.
Sur la place centrale de Mtsahara (environ 2 500 habitants), des dizaines de femmes en saluvas colorés (vêtement traditionnel des femmes mahoraises) tendent des banderoles : « Bienvenue Mme Marine Le Pen, Mayotte a besoin de vous », « Non à l’immigration clandestine, et vous avez la solution ». D’autres banderoles proclament que « Mayotte ne peut pas accueillir toute la misère du monde, plus de 60 % d’immigrés sur un territoire, c’est du jamais-vu » ou « les Mahorais sont fatigués des enfants de la mer », une allusion aux migrants, dont de nombreux enfants, qui arrivent illégalement par kwassa kwassa, ces bateaux de pêche comoriens.
Le 101e département français (depuis 2011 seulement) est confronté à une forte pression migratoire venue de l’archipel des Comores, à seulement 70 kilomètres. La population mahoraise est estimée à 220 000 habitants (chiffres de 2012, que beaucoup, localement, estiment très en dessous de la réalité) et compterait environ 40 % d’étrangers. En 2015, il y a eu plus de 19 000 reconduites à la frontière à Mayotte contre environ 20 000 sur le territoire métropolitain.
Sur la route qui mène à Mtsahara, des gendarmes en faction scrutent l’horizon avec des jumelles. Objet de leur attention, l’îlot de Mt’zamboro, à trois kilomètres au large : c’est ici que les passeurs comoriens font débarquer les clandestins, qui y restent parfois plusieurs jours avant de trouver des pêcheurs mahorais qui acceptent contre forte rémunération de les amener à Mayotte. Accueillie par les chants des femmes qui se précipitent pour l’embrasser, Marine Le Pen est dans le « fief du FN », comme le dit la fédération locale, où son père était déjà venu.
Immigration et insécurité
« Les clandestins envahissent les bancs de nos écoles, les hôpitaux, les emplois, les rues des villages », expose Soiderdine Madi, président de la fédération, prêt à « reprendre le combat » contre les Comores. Pour lui, Marine Le Pen est « l’espoir de Mayotte, la lumière de Mayotte, la seule personne attendue pour sauver le 101e département », dit-il devant les quelque 150 personnes venues accueillir la candidate à la présidentielle. Cette dernière, qui a fait sensation à son arrivée à l’aéroport de Dzaoudzi, en débarquant elle-même vêtue d’un saluva orange (vite enlevé à cause de la chaleur), les a appelés à « entrer en résistance ». Selon elle, il est pourtant « simple et facile » d’arrêter « ce drame ». « On va dans l’espace et on n’est pas capable d’arrêter des bateaux de clandestins ? » ironise la dirigeante frontiste.
Elle rappelle son programme : « supprimer le droit du sol », « supprimer les aides sociales accordées aux clandestins », « supprimer la possibilité d’être régularisé quand on est en situation clandestine. Nous ne leur donnerons rien, ni argent, ni subvention, ni aide sociale, ni papiers », poursuit-elle. Elle souhaite également arrêter « l’immigration légale » sur ce territoire, « alors que vous êtes en train de vous débattre dans la pauvreté ». « La moitié de Mayotte est habitée par des étrangers. Pas un seul département français ne supporterait des chiffres comme ceux-là », ajoute la candidate, sans accuser « ceux qui viennent » et parfois meurent dans les naufrages, a-t-elle rappelé, mais « les responsables français qui les laissent venir ».
Elle promet aussi de régler « le problème de l’insécurité », conséquence selon elle « de l’immigration clandestine », et qui empêche investisseurs, hôteliers et compagnies aériennes de prendre pied à Mayotte. Dans le public, Madi Toibati, en saluva fleuri, est conquise : « C’est elle qui va nous sauver. Les étrangers tuent nos enfants en vendant de la drogue. On est étouffés », affirme-t-elle. À Mayotte, Marine Le Pen avait recueilli 2,77 % des voix à la présidentielle de 2012.