Un débat qui part en quenouille !

Dieu que David Pujadas et Jean-Pierre Elkabbach ont eu du mal à maîtriser ce troisième et ultime débat de la primaire de la droite ! Les sept candidats n’avaient aucune envie de se laisser dicter le tempo des questions qui, comme l’a dit François Fillon, voulait manifestement obéir aux règles du spectacle télévisé. Spectacle il y a eu cependant : celui de la rébellion des candidats contre les intervieweurs.

Nicolas Sarkozy fut le premier à rompre ses chaînes quand David Pujadas lui a demandé de s’expliquer sur les lourdes accusations proférées par Ziad Takieddine concernant le financement prétendument libyen de sa campagne en 2007. « Quelle indignité ! Nous sommes sur le service public », s’indigna l’ancien chef de l’État, qualifiant de « honte » qu’on puisse accorder le moindre crédit à cet intermédiaire sulfureux « qui a fait de la prison ».

Sarkozy avait donné le ton et, si les échanges qui ont suivi sur la situation internationale ont été de bonne qualité, les électeurs de la droite et du centre n’ont pas forcément appris grand-chose pour peu qu’ils aient aussi suivi les deux précédents débats télévisés. Ce troisième débat a été une redite sur la question syrienne, reprofilant les deux lignes qui s’affrontent : ceux, comme Fillon ou Copé, qui veulent épouser la stratégie de Poutine, quitte à conforter un moment el-Assad, et ceux, comme Juppé ou Sarkozy, qui considèrent qu’el-Assad est une part non négligeable du problème syrien.

Un homme politique est ce qu’il fait

Emmanuel Macron eut droit à sa petite volée de bois vert de la part de Sarkozy quand ce dernier souligna sa « traîtrise » à François Hollande : « Ça fait cinq ans qu’il est en accord avec lui et cinq heures qu’il est en désaccord. Qu’est-ce qu’il viendrait faire chez nous ? » Pour Juppé, Macron, « c’est le problème de la gauche ». NKM ferma la porte sèchement : « Un homme politique n’est pas seulement ce qu’il dit. Un homme politique est ce qu’il fait. »

Jean-Frédéric Poisson tenta de faire entendre sa voix souverainiste au milieu de cet aréopage d’européens plus ou moins embêtés. Juppé insista pour dire qu’il ne fallait pas faire entrer la Turquie en Europe. Sarkozy l’appuya dans un consensus. Les oreilles de Jacques Chirac sifflèrent quand Sarkozy rappela que l’ancien président y était favorable…

Bruno Le Maire s’empoigna avec NKM sur la nécessité d’un nouveau traité européen qu’il souhaite soumettre au référendum. « On n’a pas besoin d’un président sondeur », siffla l’ancienne ministre de l’Environnement. L’éducation vit également ce clivage se reconstituer entre NKM qui ne souhaite pas que les collégiens soient orientés trop jeunes et Bruno Le Maire qui propose de mettre fin au « collège unique » tout en se défendant de « trier les enfants ».

À plusieurs reprises, Nicolas Sarkozy fut habile à intercepter la parole quand ce n’était pas son tour. David Pujadas avait du mal à faire respecter l’ordre, d’autant qu’il ne permettait pas aux sept candidats de répondre à la même question… Très vite, chacun décida donc de répondre à la question qu’il souhaitait.

39 heures payées 35, ce n’est pas juste

Mais l’émission vira à la rébellion collective quand, dans la dernière partie, David Pujadas entama ce qui devait être une séance d’interpellation plus directe entre les candidats. Fillon fut appelé à porter le premier coup. Il refusa purement et simplement cette règle, préférant développer ses idées sans forcément tomber dans le pugilat.

C’est finalement Alain Juppé qui accepta de monter sur le ring à propos de la suppression, à ses yeux illusoire, de 500 000 fonctionnaires dans le programme de Fillon. Pour Juppé, c’est une chimère qui empêchera en outre de recruter les infirmières dont nous avons cruellement besoin. François Fillon objecta que sa réforme passait par l’allongement de la durée du travail à 39 heures, faute de quoi elle ne pouvait être comprise. Juppé n’en fut pas convaincu et reçut l’appui de Nicolas Sarkozy qui se mit à défendre le salaire des fonctionnaires. « 39 heures payées 35, ce n’est pas juste », indiqua l’ancien président adepte du « travailler plus pour gagner plus ».

La confusion régna encore un moment lorsque chacun prit la parole dans le désordre. Copé expliqua qu’il fallait la lui donner, car il venait d’être insulté. NKM, encore elle, cingla : « S’il faut être insultée pour avoir la parole. » Elle mit les rieurs de son côté. Sarkozy compléta, hilare : « Dans ce cas, j’aurais dû avoir souvent la parole. »

Monsieur Elkabbach, je ne vous permets pas !

Finalement, ce dernier débat conforta chacun dans son positionnement : Juppé en technicien sage, Fillon en maîtrise digne, Copé sabre au clair sur le régalien, NKM vive et portée sur des sujets d’avenir, Poisson cultivant sa différence. Une fois de plus, Bruno Le Maire fut souvent attaqué sur ses propositions. Mais il eut un beau geste d’orgueil face à Jean-Pierre Elkabbach qui, en début d’émission, le traita avec mépris, considérant que sa défaite était acquise. « Monsieur Elkabbach, je ne vous permets pas ! » tonna Le Maire. « On en reparlera lundi », glissa le journaliste qui venait de sortir de son rôle… Une faute qui entacha d’emblée ce troisième débat.