Auteur : admin4628

Primaire de la gauche : Hamon et Macron au centre des discussions

À trois jours du premier tour, le dernier débat télévisé de la primaire initiée par le PS s’est crispé jeudi autour des attaques vis-à-vis de l’homme qui monte, Benoît Hamon, avant que les candidats unissent leurs armes contre la menace Emmanuel Macron. L’imminence du verdict poussait les sept candidats à se démarquer en profitant de l’exposition de ce troisième débat décisif diffusé sur France 2, Europe 1, LCP et TV5 Monde. Benoît Hamon, qui paye sans doute sa bonne dynamique dans les sondages, a vu d’emblée sa proposition phare, le revenu universel d’existence, ciblée par plusieurs de ses concurrents, notamment pour son coût jugé démesuré.

Manuel Valls, recentrant sa campagne après un début très à gauche qui a brouillé son image, a ainsi dit ne pas vouloir d’une « gauche qui fait des promesses à crédit, pour ne pas qu’elle perde demain son crédit ». Arnaud Montebourg, donné au coude-à-coude avec Benoît Hamon pour une qualification pour le deuxième tour, a renchéri sur les 300 milliards pour financer le revenu universel : « On dit qu’on va prendre d’abord aux riches, et finalement, quand on s’aperçoit que ça ne suffit pas, c’est le coup de bambou fiscal pour les classes moyennes et les classes populaires », a-t-il poursuivi, s’attirant une récrimination outrée de Benoît Hamon : « Tu n’as pas le droit, ce n’est pas sérieux. » Les attaques dont il a été l’objet ne l’ont pas affaibli aux yeux des téléspectateurs si l’on en croit le sondage Elabe pour BFM TV : pour ceux qui ont vu le débat, Hamon est ainsi apparu le plus convaincant (29 %) devant Montebourg (28 %) et Valls (21 %).

Ennemis communs

Le thème du protectionnisme a aussi permis à certains d’afficher leurs divergences. Arnaud Montebourg a ainsi épinglé « le gouvernement qui a été dirigé par Manuel Valls », coupable selon lui d’avoir choisi une entreprise allemande pour remplacer le Famas, le fusil d’assaut français, « sans lui demander de travailler en France ». Après un premier débat très policé et une deuxième joute plus animée, le troisième round a été émaillé de petites escarmouches, sous les yeux de François Hollande, téléspectateur à Charleville-Mézières. Quand Manuel Valls demandait à Vincent Peillon de se livrer à « l’exercice intellectuel » de se souvenir qu’il avait contribué à la réduction des déficits, l’ex-ministre de l’Education a répliqué : « Je suis obligé de dire quand même que le plus dur a été fait avant ton arrivée. » « Il ne faut pas faire la guerre tout le temps et à tout le monde », a encore lancé Vincent Peillon un peu plus tard au même Valls, qui avait qualifié lundi de « déclaration de guerre » les propos de Trump sur l’Europe. « Vincent Peillon me rappelle parfois mon vieux professeur », s’est agacé l’ex-Premier ministre.

Mais certains sujets ont aussi fait consensus, comme la nécessaire amélioration de l’hébergement des SDF, ou le rejet de Bachar el-Assad. Et le nom des ennemis communs a été rappelé, Arnaud Montebourg estimant que cette fin de quinquennat était « la dernière station-service avant le lepénisme », et Manuel Valls rappelant qu’en matière de sécurité, le débat les opposait tous d’abord « à la droite ».

Sondages et suffrages

C’est surtout Emmanuel Macron qui a scellé l’union des candidats en fin d’émission. Un retrait du vainqueur de la primaire au profit d’Emmanuel Macron ? « Il nous opposera les sondages, moi je lui opposerai la légitimité d’un suffrage démocratique », a dit Benoît Hamon. « Il y a les sondages et il y a les suffrages », a répliqué Arnaud Montebourg, reprenant à propos de son successeur à Bercy le mot fameux de Martine Aubry : « Quand c’est flou, il y a un loup. » « Il faudrait se retirer, au nom des sondages ? » a asséné Manuel Valls, fustigeant « des forces politiques, des forces de presse, qui veulent empêcher que cette primaire se passe dans de bonnes conditions ». Emmanuel Macron avait pris soin de jeter une pierre dans le jardin socialiste en présentant son plan pour les législatives, en clamant haut et fort qu’il n’y aurait « aucun accord d’appareils ». Jean-Luc Mélenchon s’est lui rendu en meeting à Florange, dont les hauts-fourneaux sont devenus le symbole des promesses et des aléas du quinquennat Hollande.

Emmanuel Macron, comme un goût de Jean Lecanuet

L’effet de surprise  : voilà sans doute ce qui rapproche le plus les candidatures d’Emmanuel Macron et de Jean Lecanuet. Il y a huit mois, qui aurait misé un kopeck sur Macron, météore fulgurant propulsé parmi les favoris de l’échéance de 2017  ? Qui avait vu venir aussi en novembre 1965 ce sénateur de la Seine-Maritime  ? Personne, à commencer par lui-même, qui était certain d’«  aller à l’abattoir  », de saborder sa jeune carrière politique. Avant que son nom ne soit évoqué, le MRP, qu’il dirigeait, avait d’ailleurs sondé Jean Monnet puis Antoine Pinay. Tous avaient refusé le redoutable honneur d’oser défier le Général. La candidature de M. X, le troisième homme, alias Gaston Defferre, ayant fait pschitt. Lecanuet finalement s’était résigné  : «  Il y est allé par devoir, par sacrifice  », résume son biographe, Philippe Priol. Et un mois plus tard, miracle  : il recueille plus de 16 % des voix – près de 4 millions – et met en ballottage de Gaulle en personne.

Mais si Macron est une sensation, il ne peut plus être, à une époque hypermédiatisée, un inconnu comme le fut vraiment cet ovni rouennais dont 83 % des Français selon un sondage ignoraient l’existence. «  Je m’appelle Jean Lecanuet, j’ai 45 ans  »  : lors de sa première apparition à l’ORTF monogaullienne et verrouillée, il se voit donc obligé de décliner son identité. Rien de tel pour Macron, chouchou des médias et qui, en outre, contrairement à Lecanuet, est un candidat tout ce qu’il y a de volontaire, sans que personne ait besoin de le pousser dans le dos.

La jeunesse et la beauté

La jeunesse est, en revanche, un autre atout commun. Quand Valls ou Fillon entament leur carrière politique en 1981, Macron n’a pas encore 4 ans. C’est un bébé en politique au regard des dinosaures qu’il affronte. Lecanuet, d’emblée, met en avant son âge pour le valoriser  : «  J’ai 45 ans, c’est l’âge des responsables des grandes nations modernes… J’ai décidé de me présenter, car l’avenir, c’est l’affaire de notre génération… » Quarante-cinq ans, c’est trente de moins que l’ennemi à abattre, le général de Gaulle, enfermé dans la «  maison de la solitude  » (l’Élysée), pour qui cet agrégé de philosophie éprouve sans doute l’aversion de l’ex-résistant de l’intérieur anonyme pour l’ancien chef de la France libre. Ce jour-là, avec un culot insensé, il ose parodier les accents gaulliens  : «  Personne n’a le droit de dire qu’en dehors de sa personne il y aurait le néant.  »

Bronzé, photogénique, sourire étincelant – ce qui lui vaudra de la part des gaullistes le surnom de « Dents blanches » ou de « Colgate » –, Lecanuet, symptôme d’une France soixante-huitarde et de sa jeunesse qui s’ennuie, souligne soudain les rides et la fatigue d’un général qu’il voudrait envoyer à l’hospice. Une ferveur nouvelle parcourt la France. Qui dit jeunesse sous-entend modernité. La candidature de Lecanuet est d’ailleurs toute entière placée sous les feux séduisants de cette modernité puisqu’elle marque les débuts du marketing politique, téléguidée par un conseiller en communication, Michel Bongrand, qui vient de lancer les premiers James Bond en France et a étudié de près la campagne de Kennedy en 1960. Élève insolemment doué, Lecanuet est soumis à un entraînement aux médias, visionne les débats Kennedy-Nixon, pose en famille, débarque d’hélicoptère ou d’un Piper, tandis que des petits accessoires Lecanuet – stylos, porte-clés, chapeaux – inondent le marché.

Clou de cette floraison, comme le montre le documentaire de Frédéric Biamonti, La carrière du roi Jean, des jeunes femmes, la tête emmitouflée dans un foulard «  Je vote Lecanuet  », font le pied de grue devant l’Élysée  ! Les meetings sont réglés comme des shows à l’américaine et le mythe Kennedy débarque en France pour déboulonner un autre mythe, de Gaulle. Macron, qui vient d’engager comme porte-parole Laurence Haïm, la journaliste française introduite à la Maison-Blanche, reprend aussi des références américaines, qui vont de Kennedy à Obama. Rien d’étonnant dès lors si les slogans des deux hommes trahissent un air de famille troublant  : « Une France jeune dans une Europe unie, une France moderne, en marche », lit-on déjà chez Lecanuet…

La volonté de rassembler au-delà de son parti

Qu’en est-il justement du côté des idées  ? À l’évidence, une même fibre européenne convaincue. Lecanuet, anticommuniste, atlantiste, était d’abord tout ce que de Gaulle n’était pas, et on ne peut pas dire que celui-ci, qui pratiquait alors la politique de la chaise vide, professait un amour débordant pour le machin de Bruxelles. Sur le plan économique, les deux hommes sont tous les deux des réformateurs, même si Lecanuet l’était, à l’époque, dans une direction plus sociale, là où Macron emprunte une voie plus libérale. Mais, sur l’échiquier politique, on relève une autre ressemblance  : la volonté de rassembler au-delà de son parti. Impératif catégorique chez Macron, obsession aussi chez Lecanuet, qui, selon Priol, «  souhaitait dépasser un MRP moribond, pour aller des libéraux réformateurs jusqu’aux socialistes humanistes. Quand Lecanuet évoquait le centre, c’était pour s’en affranchir, car selon cette phrase de l’Évangile, que ce chrétien citait souvent, il y a plusieurs demeures dans la maison du Seigneur. »

Reste la question de l’audace. Y en a-t-il davantage à rompre le cordon ombilical d’un gouvernement et d’un Parti socialiste prêt à le cribler de fléchettes, à tuer un père qui a pour nom Hollande, ou à vouloir déboulonner dans la France de 1965 la statue du Commandeur gaullienne  ? Chaque époque a ses défis. Mais rappelons et soulignons le geste inouï et iconoclaste de Lecanuet, si bien que, pendant toute la campagne, sa mère n’osa pas sortir de chez elle. Et il paiera cher son crime de lèse-majesté, «  tué gentiment  », comme l’analyse François Bayrou dans le documentaire sur le « Roi Jean ». Qui sait, si Macron ne transforme pas l’essai, la manière dont il sera «  tué  »  ?

Primaire de la gauche : Valls, principale cible des attaques

Après un premier débat très policé, les sept candidats à la primaire engagée par le PS ont haussé le ton, ciblant particulièrement Manuel Valls, notamment sur le sujet de l’accueil des réfugiés. Jeudi, ils s’étaient contentés de s’écouter, actant plutôt sagement leurs divergences. Dimanche, à une semaine du premier tour de la primaire et alors que la nécessité de se démarquer se fait plus pressante, les postulants, priés avec insistance par les présentateurs d’en découdre, sont sortis de leurs couloirs pour s’opposer plus vivement.

L’ancien locataire de Matignon était interrogé sur un discours tenu le 13 février 2016 à Munich, lors duquel il avait assuré que l’Europe ne pouvait « pas accueillir plus de réfugiés ». Il avait plus généralement critiqué la politique migratoire de la chancelière allemande, ce qui avait ulcéré une partie de la gauche. « Comment être sans cœur, sans réaction face à ce drame épouvantable, notamment en Méditerranée ? » s’est aussi défendu Manuel Valls en évoquant « ces personnes, ces hommes, ces femmes, ces enfants, qui se noient, qui fuient la guerre, la misère, la torture ». « La vie, ce n’est pas une ardoise magique », a raillé en retour Vincent Peillon, en soulignant son « désaccord profond » sur la question, qui « a marqué ce quinquennat ». Il a également déploré que Manuel Valls ait « fait la leçon à la chancelière » sur la crise migratoire. Rappelant que Manuel Valls avait promis d’accueillir « 30 000 » réfugiés, « pas plus », Vincent Peillon a poursuivi : « Nous sommes à 5 000. J’ai le sentiment que les Français étaient plus généreux que leurs dirigeants », a grincé l’ancien ministre de l’Éducation.

Pratique du pouvoir et frondeurs

Benoît Hamon a expliqué à propos de l’accueil des migrants que « c’est l’honneur de la France que de faire vivre ses valeurs en n’étant pas dans cette affaire l’un des moins volontaires ». Arnaud Montebourg s’en est également pris à l’ex-locataire de Matignon. « La directive européenne sur les travailleurs détachés, c’est du dumping à domicile. Là-dessus, la France n’a rien fait, et ce n’est pas faute de l’avoir demandé quand je siégeais au conseil des ministres. L’Europe n’a rien fait, et maintenant où en sommes-nous ? » a-t-il déclaré. « Je ne peux pas laisser dire que rien n’a été fait ! Nous sommes en train de réviser cette directive ! » a réagi Manuel Valls.

Autre sujet sur lequel Manuel Valls a été la cible des critiques de ses concurrents, celle de la pratique du pouvoir, avec une nouvelle fois un Vincent Peillon très combatif. « Un président de gauche, c’est d’abord un président qui va pouvoir rassembler la gauche et d’abord ses propres amis. Entre ceux qui ont théorisé deux gauches irréconciliables et ceux qui ont cassé des portes et brisé des fenêtres en étant restés plus longtemps que moi au gouvernement, il va falloir rassembler », a-t-il lancé, égratignant d’une phrase l’ancien Premier ministre et les frondeurs Arnaud Montebourg et Benoît Hamon. Frondeur, un mot jugé « inapproprié » par Arnaud Montebourg, car « il y a une légitimité démocratique à discuter les choix ». Sans nommer Manuel Valls, l’ancien ministre de l’Économie a critiqué « ces dernières années » un pouvoir « trop faible avec les puissants et parfois trop dur avec les faibles ».

Désaccords sur le cannabis

Manuel Valls s’est aussi trouvé isolé sur le sujet du cannabis, dont il rejette la dépénalisation quand Vincent Peillon défend un grand débat national et Benoît Hamon une légalisation. « Quand on veut gouverner, quand on veut présider un pays, il faut aussi s’adresser à son pays, à ses compatriotes, à sa jeunesse en disant : il y a des interdits », a dit Manuel Valls, drapé dans son costume régalien. L’Europe, objet de la première partie du débat, avait permis aux candidats d’exprimer de façon consensuelle le besoin d’une Europe renforcée en matière de défense, sur fond de désengagement probable des États-Unis. Ils se sont en revanche opposés sur la question du déficit budgétaire. Vincent Peillon a proposé d’obtenir le feu vert de l’Allemagne en faveur d’un grand plan d’investissement européen, en échange d’une politique budgétaire « sérieuse » en France. Benoît Hamon a objecté que le déficit valait peu face au risque de l’émergence politique de Marine Le Pen.

Si son ombre plane sur cette primaire dont il est le grand absent, François Hollande n’aura pas écouté ce deuxième débat. Dimanche soir, le chef de l’État était au théâtre en compagnie de la ministre de la Culture Audrey Azoulay, pour assister à une pièce de Michel Drucker. Au terme de deux heures quarante de débats sur BFM TV, iTélé et RMC, les candidats se sont félicités de leurs échanges. Ce débat était « beaucoup plus vivant et approfondi que le précédent », a jugé Vincent Peillon. Lors de leur premier débat télévisé, les candidats avaient réuni devant le petit écran 3,8 millions de téléspectateurs, soit nettement moins que les 5,6 millions de la première joute des candidats de droite le 13 octobre. Le troisième débat avant le premier tour de la primaire aura lieu jeudi à 21 heures.

François Fillon recadre ses frondeurs

Deux mois après la primaire, François Fillon aurait-il – comme la majorité socialiste durant le quinquennat – déjà droit à ses frondeurs ? Ce samedi 14 janvier à la Mutualité à Paris, où se tenait le conseil national des Républicains, les fillonistes ne digéraient toujours pas les sorties des sarkozystes du milieu de semaine. À tel point que la réunion de famille a viré au recadrage des turbulents, le vice-président du parti et fidèle sarkozyste Laurent Wauquiez en tête.

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Mercedi dernier fut, à en croire ce filloniste notoire, « une journée noire pour l’unité de la droite et la campagne présidentielle de François Fillon ». C’est Laurent Wauquiez qui a ouvert le bal. « Un projet présidentiel en 2017, ça ne peut pas être que du sang et des larmes », lâchait-il sèchement au micro de RTL. Le soir même, lors d’un meeting à Nice, Christian Estrosi a embrayé : « On ne gagnera pas sans s’adresser aux millions de Français délaissés. […] Le mot social n’est pas une grossièreté. » À trois jours de la grand-messe d’investiture du Sarthois devant les siens à la Mutualité, l’unité bringuebalait.

« Je ne vois pas de courage dans la dissidence »

Dans le camp Fillon, il a fallu préparer la riposte, sans écorner le rassemblement. Elle aura lieu ce samedi, lors du conseil national. « Wauquiez et consorts vont passer une sale matinée. Nous travaillons à une France unifiée et eux nous attaquent au même moment. Dès lundi, ceux qui ne seront pas avec nous seront contre nous », promet un cacique filloniste dans les couloirs de la Mutualité. Au pupitre, chaque orateur a appelé à l’ordre et à la discipline. À commencer par Bernard Accoyer, le secrétaire général des Républicains : « Quand on a une suggestion à faire à notre candidat, c’est à lui que nous la faisons. Pas devant un micro. » À ce tacle visant Laurent Wauquiez, Jean-Pierre Raffarin en a remis une couche : « Je ne vois pas de courage dans la dissidence. Elle cache la solitude derrière l’ambition. »

C’est logiquement à François Fillon qu’est revenue la primauté de la charge la plus violente. « Celle qui devra mettre tout le monde d’accord », renchérit un de ses proches. Dès le début de son discours de clôture, le candidat, ovationné du début à la fin, a mis dans le même panier ceux qui le critiquent dans son propre camp et les attaques de la gauche. « Certains à droite utilisent les mêmes mots que la gauche […]. J’attends de mon parti de la responsabilité et de la discipline », a admonesté le prétendant à l’Élysée.

Sur la photo de famille en fin de discours, les sourires de certains étaient crispés. Après le conseil national s’ensuivait un déjeuner entre cadres LR, secrétaires départementaux et patron de fédérations autour de François Fillon. L’Ultima Cena des Républicains ?

Primaire de la gauche : pourquoi le débat fut-il soporifique ?

Morne débat. La première joute de la primaire de la gauche entre les sept candidats a laissé les commentateurs sur leur faim. « Vivement dimanche », plaisante Yann Marec du Midi libre, qui a trouvé au premier débat des airs de « grande réunion de famille. Tous d’accord sur le fond au moment du plat de résistance et quelques chamailleries le temps du dessert. L’unanimité sur la politique de François Hollande en matière de sécurité aura été un exemple de solidarité. » Il est tout de même parvenu à trouver une vertu à la soirée : « En réalité, les débats d’hier auront servi à montrer où battait le plus fort le cœur de la gauche sous les spots du plateau. À ce jeu, nul doute que Benoît Hamon aura marqué le plus de points pour le peuple orphelin des promesses non tenues de François Hollande. Vincent Peillon a montré une vision intelligente de la France de demain pendant que Manuel Valls tentait de défendre un bilan mitigé. » Mais, selon lui, « il en faudra bien plus pour fixer l’opinion. Les prochains débats serviront à marquer davantage les lignes de fractures. »

« Les débats semblaient aseptisés, chacun essayant de rester dans son couloir et évitant absolument la polémique et les interpellations », constate Jean-Marcel Bouguereau (La République des Pyrénées). La faute aux règles aberrantes de ce débat : 1 minute trente pour répondre, 45 secondes pour se répondre ! Résultat, « un débat haché, les problèmes étant saucissonnés, les candidats n’ayant guère le temps de développer ou se perdant dans des détails gestionnaires. Où étaient le souffle, la vision, les projets ? Heureusement restent encore deux débats », conclut-il, dans un bel élan d’optimisme.

Des désaccords de fond

« Ce fut un débat d’économistes, grave, sobre, plus ou moins sérieux selon les candidats et sans grandes aspérités », pense également Hubert Coudurier du Télégramme. Un paradoxe, car il y a bien une sacrée « différence entre les partisans de raser gratis et ceux qui veulent maintenir les grands équilibres. Entre Hamon et Bennahmias, favorables à un revenu universel au montant astronomique, 400 ­milliards d’euros (soit les deux tiers des transferts sociaux). Sans compter les effets pervers sur la notion de travail. Ou Valls, Montebourg et Peillon, conscients que l’actuel président n’a pas seulement payé la hausse du chômage mais aussi celle des impôts. »

Dans L’Alsace, Laurent Bodin aussi a su discerner entre les candidats, des désaccords de fond : « Dès la première question, portant sur le bilan du quinquennat de François Hollande, les divergences ont éclaté au grand jour. Montebourg, de Rugy, Hamon et Peillon ont été critiques tandis que Bennahmias et Pinel trouvaient des points positifs et Valls exprimait sa fierté. La suite fut du même tonneau : Bennahmias et Hamon défendent un revenu universel que les autres jugent au mieux inadapté, au pire dangereux ; Montebourg veut abroger la loi travail, qui est l’un des marqueurs de l’action de Valls à Matignon… Plus encore que lors de la primaire de la droite, pratiquement tous les sujets ont donné l’occasion aux candidats de se démarquer les uns des autres. C’est bel et bien un choix de personnes mais aussi d’idéologies auquel sont conviés les sympathisants de gauche dans dix jours. »

Même analyse de la part de Bernard Stéphan, dans La Montagne. Selon lui, « tout cela ronronnait jusqu’au moment où la loi travail est venue comme le grand contentieux du quinquennat. Benoît Hamon et Arnaud Montebourg ont sonné la charge en dressant implicitement le procès de Manuel Valls sur ce dossier. Là, on venait sur le bilan et sur le vrai clivage qui traverse le PS. On était au cœur du débat, celui qui va peser sur le choix des électeurs de gauche. »

Le revenu de base : un vrai débat caricaturé ?

Un « cœur du débat » que résume Hervé Chabaud dans L’Union : « Dans leur approche d’une société qu’ils estiment tous en mutation accélérée en raison de la rupture économique, leur approche n’est pas la même. Lorsque Benoît Hamon veut maîtriser la transition pour éviter la régression et plaide en faveur du revenu universel d’existence, il n’est pas contredit par Jean-Luc Bennhamias, mais ni Vincent Peillon, ni Manuel Valls ou François de Rugy ne sont en phase sur la façon d’adapter la solidarité dans cette société bousculée et malade du chômage. »

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Mais sur ce sujet, Laurent Joffrin remet les pendules à l’heure. Car si les candidats qui s’affrontaient jeudi ont eu le mérite de discuter du sujet, les termes du débat étaient mal posés, selon lui. « Inénarrable gauche française… La voilà lancée dans un débat acerbe sur le « revenu de base », agitant symboles et arguments à l’emporte-pièce, sans tenir compte des discussions qui ont eu lieu depuis au moins trente ans dans plusieurs pays. Le « revenu de base » a d’abord un fondement philosophique et moral : dans les sociétés riches, il est insupportable qu’une partie des citoyens, quelle qu’en soit la raison, vive avec un revenu de misère. L’utopie concrète est bien celle-là : comme membre de la communauté humaine, comme usufruitier de la planète, tout citoyen a le droit de vivre avec des moyens décents. Limités, modestes, mais décents. Telle est la perspective ouverte par le revenu de base, seulement esquissée avec des institutions comme le RSA ou le smic.

Certains lui opposent le grand péché idéologique : certains libéraux parlent eux aussi du revenu de base. Vade retro ! On oublie de préciser que le projet libéral, proposé à l’origine par Milton Friedman, table sur une privatisation générale du social, et n’a donc pour l’essentiel rien à voir avec les propositions discutées à gauche. D’autres parlent de résignation au chômage, ou bien des surfeurs de Biarritz qu’on subventionnerait à ne rien faire ; d’autres encore de ces femmes qu’on voudrait renvoyer à la maison. » Un débat caricatural, en un mot.

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Querelle d’ego sur fond d’échec annoncé

Selon Le Monde – dans un éditorial écrit avant le débat –, cette primaire reste essentiellement une question de personnes. Une lutte entre des candidats « affaiblis et divisés. Affaiblis parce que les principaux protagonistes – Manuel Valls, Arnaud Montebourg, Benoît Hamon et Vincent Peillon – ont été associés à l’exercice du pouvoir depuis cinq ans et sont tous comptables du bilan de François Hollande. Ils s’en défendront avec plus ou moins de bonne foi, mais ils portent comme une croix ces cinq années de désillusion, de déception et de discrédit. Ils sont, en outre, divisés par des rivalités personnelles sans fond et sans fin qui donnent à leur compétition les allures d’un combat de coqs et laissent mal augurer de leur rassemblement final derrière le vainqueur de la primaire. »

Quant à Christophe Bonnefoy, il juge dans Le Journal de la Haute-Marne que l’exercice de la primaire est quasi impossible en raison de la déliquescence du PS. « C’est en effet sur la base d’échecs successifs, dont certains des sept candidats ont été acteurs, qu’ont été développés les arguments. Pas simple. D’autant moins facile que deux hommes ont, eux, déjà compris à quel point le PS était malade et savent en profiter. Jean-Luc Mélenchon a le vent en poupe. Tout comme Emmanuel Macron, qui de plus en plus, pense qu’il peut créer la surprise en avril. Autant dire que les deux prochains débats devront être d’une tout autre teneur. En tout cas si le vainqueur de la primaire veut envisager devenir celui de la présidentielle. »

Pourquoi Manuel Valls a annulé son déplacement à Rennes

« Mais quel cirque ! Quel cirque ! » Ce cacique socialiste d’Ille-et-Vilaine n’en croit toujours pas ses yeux. Quelques jours après un article du Point évoquant les craintes de troubles à l’ordre public en marge du meeting de Manuel Valls prévu à Rennes lundi 16 janvier, voilà que l’intéressé annule son déplacement. Motif officiellement invoqué : le ministre de la Défense et président de la région Jean-Yves Le Drian – soutien de poids du candidat – ne peut être présent, pris « par des obligations ministérielles ». Officieusement, le camp Valls cherchait une porte de sortie, avec l’aide du Breton.

Le meeting de #Valls à #Rennes est annulé. Motif : J.Y #LeDrian ne pourra être présent… (comité de soutien) #PrimaireGauchepic.twitter.com/PUzyBtG3eb

— Olivier Pérou (@OlivierPerou) 10 janvier 2017

Une « farine party »

Pour Manuel Valls, les mauvaises nouvelles s’enchaînent. La séquence a commencé à Liévin dans le Pas-de-Calais le 8 janvier, où il a tenu un meeting dans une salle à moitié vide. Deux jours plus tard, 300 personnes seulement viennent écouter le prétendant à l’investiture socialiste à Clermont-Ferrand, là où Emmanuel Macron rassemblait 2 500 personnes soixante-douze heures plus tôt. La réunion publique qui devait se tenir à Rennes, elle, n’augurait rien de bon. Bastion de la gauche depuis quarante ans, la ville est d’autant plus symbolique qu’elle est un piège pour Manuel Valls particulièrement. Haut lieu des contestations contre la loi travail il y a huit mois, syndicalistes locaux et étudiants lui préparaient un accueil mouvementé. Force ouvrière (FO) lançait un appel à manifester et des milliers de personnes promettaient sur Facebook de venir organiser une « farine party », en référence à l’enfarinage de Manuel Valls à Strasbourg le 22 décembre. « Il ne pouvait se permettre de tenir un meeting avec si peu de monde dans la salle et, à l’extérieur, 1 000 personnes qui hurlent contre lui. S’il n’annulait pas, il aurait fallu encadrer le centre-ville rennais avec des dizaines et des dizaines de CRS. Triste image pour un candidat de la gauche dans une ville de gauche », observe un socialiste rennais partisan de Manuel Valls.

Porte de sortie

Selon nos informations, les mobilisations anti-Valls à Rennes inquiétaient l’équipe du candidat, qui cherchait « une porte de sortie ». Et c’est Jean-Yves Le Drian qui va lui trouver. Pris par des « obligations ministérielles », le locataire de l’hôtel de Brienne ne pourra faire le déplacement à Rennes. « Il aurait été en retard au meeting, ce qui aurait été mal interprété », glisse l’entourage du ministre qui en a informé Manuel Valls au téléphone il y a quelques jours. Le ministre de la Défense participera en effet ce jour-là à Paris à une rencontre entre les chefs d’état-major de la coalition internationale contre Daech. Un rendez-vous de dernière minute qui arrange également les affaires de Jean-Yves Le Drian, lui qui hésitait à prendre la parole au meeting. Ses proches le poussaient à « lever le pied » sur son soutien au candidat « vu la tournure que prend sa campagne pour la primaire ». « Nous n’avons pas très envie de prendre des risques », fait savoir au Point un proche de Le Drian. D’autant qu’il se prépare à reprendre à plein temps les commandes de la région dans quelques mois.

L’ultime explication se trouverait du côté de l’Élysée. Selon le journaliste du Télégramme Hubert Coudurier, François Hollande ne digère toujours pas la défection de son fidèle compagnon Jean-Yves Le Drian. En décembre, le pensionnaire de la Défense évoquait sur Europe 1 une candidature – alors hypothétique – de Manuel Valls pour 2017. Le ministre et François Hollande auraient alors eu une explication houleuse. Depuis, Manuel Valls et François Hollande – qui ne se parlent plu– tenteraient de s’arracher Jean-Yves Le Drian. Et si l’annulation du meeting par Manuel Valls avait pour objectif de ne pas trop froisser Jean-Yves Le Drian ?

Primaire de la gauche : et si la fusée se transformait en galère ?

Nous n’en sommes encore qu’aux hypothèses, mais elles s’annoncent moroses pour Manuel Valls et Solférino. Que se passera-t-il si le candidat désigné par le scrutin de janvier ne parvient pas à distancer Emmanuel Macron dans les sondages ? Qui serait responsable d’un probable 21 avril ? Et quid d’une faible participation à la primaire du 22 janvier ? De quelle dynamique disposera le candidat désigné par de maigres troupes de sympathisants ? Et au terme d’une campagne éclair d’à peine quelques semaines ? Les éditorialistes reviennent sur ce scrutin conçu pour asseoir la légitimité d’un candidat et qui pourrait tourner au fiasco pour les socialistes.

Premier problème souligné par Olivier Pirot dans La Nouvelle République du Centre-Ouest : les délais, extrêmement courts. « Dans quel état de forme vont arriver les candidats de la primaire de la gauche ce jeudi pour ce premier débat ? Quatre débats en quinze jours, deux tours d’élections que les protagonistes aborderont en ayant déjà aligné les meetings, les réunions publiques, les plateaux télés et les émissions de radio. Le tout dans un temps très restreint […] Avant le premier tour de la primaire de la droite, il s’était écoulé quasiment un mois entre le 1er et le 3e débat. De quoi prendre le temps de digérer et d’observer la montée en puissance de François Fillon. Cette fois-ci […], on peut se demander ce qu’au final les électeurs retiendront du processus de cette Belle Alliance populaire calibrée au départ pour que François Hollande y participe. En tout état de cause, le vainqueur devra sûrement faire preuve de beaucoup de pédagogie et de clarté pour s’extirper de ce maelstrom annoncé. »

« Deux rock stars »

Deuxième obstacle, la participation, qui pourrait ne pas être à la hauteur, s’inquiète Florence Chédotal dans La Montagne: « La primaire pourrait jouer un bien mauvais tour au camp socialiste […] Une primaire devant servir à compter ses troupes et s’imposer au sein d’une force politique, ce serait un naufrage assuré pour Solférino si les électeurs boudaient les bureaux de vote. Car la politique est une affaire de dynamique […] Pour l’heure, à regarder le taux de remplissage des salles de meeting et le nombre de spectateurs refoulés faute de place, il semblerait qu’elle soit du côté de l’insoumis Mélenchon et du libéral Macron […] Ces deux visages d’une gauche irréconciliable, mais dont la dynamique électorale est potentiellement destructrice pour le PS, si elle devait durer. Deux rock stars qui parasitent avec une délectation assumée cette primaire, alors que les grands débats vont débuter […] »

Troisième enjeu, l’incertitude totale dans laquelle sont les observateurs quant à l’issue de la bataille. Dans Midi Libre, Yann Marec agite le spectre de « la malédiction des favoris » à l’avant-veille du premier débat qui va opposer les candidats. « Attention danger. Pour les sept candidats à la primaire, la semaine qui s’avance ressemble au décollage d’une fusée […] Tout va dépendre de l’air du moment. Pour le favori Manuel Valls parti à la conquête de toutes les étoiles du parti, chaque mot compte. Entre des propositions séduisantes et un semblant de reniement, l’exercice est complexe. À tel point que le Premier ministre, qui pourtant avait juré qu’il ferait jouer son droit de réserve, est venu lui taper la claque. Alors quid des outsiders ? Arnaud Montebourg et Benoît Hamon possèdent un coup d’avance avec une stratégie parfaitement lisible : retrouver le cœur de la gauche. Ça plaît. C’est efficace. Et du coup, cette primaire paraît incertaine. En tout cas, les cartes sont tellement rebattues que le favori pourrait tomber. Comme si la malédiction des favoris de 2016 allait frapper. »

Cette menace qui plane sur la primaire socialiste a poussé le Premier ministre, « qui ne devait pas s’impliquer dans la primaire [à monter] en première ligne, au secours de son prédécesseur à Matignon », souligne Hervé Chabaud dans L’Union/L’Ardennais. « […] À Évry-Courcouronnes, on a usé de superlatifs capables de transformer l’ancien chef du gouvernement en étoile de la Belle Alliance populaire dont l’éclat resplendira demain dans les urnes […] Si le Premier ministre ne s’imaginait pas en porte-parole de son aîné, il l’est devenu par devoir et surtout par son appétence douce pour passer à la moulinette l’ambitieux Macron […] Cette prise de position avant la succession de débats […] répond au calendrier de soutien d’urgence alors qu’ils sont nombreux à vouloir faire payer à Valls le bilan de Hollande dont Macron s’est affranchi avec la roublardise d’un premier de la classe qui n’assume pas. »

Embuscade

En effet, le dernier nuage, et non des moindres, qui assombrit le scrutin de janvier, c’est Emmanuel Macron, cette « bulle » qui devait exploser en quelques semaines et qui ne cesse au contraire de grossir jusqu’à boucher l’horizon du candidat qui sera désigné. Car « de quoi parlent les responsables socialistes depuis quelques jours […] De Macron, croit savoir Cécile Cornudet des Échos. […] La primaire socialiste n’est pas passée que s’échafaudent déjà des scénarios. Si elle désigne Arnaud Montebourg ou Benoît Hamon, une partie des responsables et des élus socialistes pourraient rejoindre Emmanuel Macron […] Si Manuel Valls l’emporte, pas d’hémorragie immédiate, mais une question. Que faire si Emmanuel Macron continue de creuser l’écart dans les sondages ? […] Au nom de l’unité, le Parti socialiste tente de pousser Macron à jeter l’éponge pour éviter tout risque Le Pen […] Mais […] s’il s’avère qu’en mars Emmanuel Macron est le seul capable d’être présent au second tour, alors cet appel s’inversera […] Les sondages ne sont pas prédictifs, mais ils continuent à jouer un rôle majeur dans la vie politique. Ils peuvent transformer un vote séditieux en vote utile. C’est dire. »

Le phénomène Macron s’installe, constate aussi Jean-Louis Hervois dans la Charente Libre. « Par touches subtiles et sans appuyer trop fort sur le trait, Emmanuel Macron s’applique à installer son portrait encadré au centre du paysage politique […] Tous ceux qui attendaient la chute imminente de l’amateur en sont pour leurs frais. La mécanique de communication tourne comme une horloge […] Si les candidats de gauche devaient être d’accord sur un point, c’est contre Macron qu’ils signeraient la pétition […] Macron obsède ou fascine jusqu’à l’extrême droite. Il pique des parts de marché à toute la classe […] Trois débats télévisés à la suite pourraient définitivement ruiner l’esprit de camaraderie […] Emmanuel Macron et son logiciel surprise se tiennent en embuscade. À l’approche des derniers cent jours de la présidentielle, l’heure de vérité ne va plus tarder. »

Syrie : 3 deputés français retardés à l'aéroport d'Alep par des obus

Trois députés français qui s’étaient rendus vendredi à Alep, récemment reconquise par le régime syrien, ont dû attendre samedi plusieurs heures à l’aéroport avant de repartir en raison de la chute d’obus, a indiqué une source parlementaire.

Selon cette source, les députés de droite Thierry Mariani, Nicolas Dhuicq et Jean Lassalle s’apprêtaient à rentrer samedi après-midi en avion à Damas après avoir passé le Noël arménien à Alep, « en solidarité avec les chrétiens d’Orient », lorsque huit obus sont tombés dans le périmètre de l’aéroport de la grande ville du nord de la Syrie, obligeant l’appareil à faire demi-tour. Quatre heures plus tard, l’appareil est reparti et ils ont pu regagner Damas.

Un décollage « un peu particulier »

« Nous avons eu un décollage un peu particulier toutes lumières éteintes. Ces obus étaient dirigés contre nous car depuis des semaines l’aéroport n’était plus la cible de roquettes et les équipes de maintenance étaient en train de le remettre en activité », a affirmé à l’Agence France-Presse Thierry Mariani. « Nous venions d’effectuer une visite dans un camp de déplacés et les autorités syriennes sont convaincues que des gens du camp ont prévenu les tireurs car les obus ont commencé à tomber cinq minutes après notre arrivée à l’aéroport », a-t-il ajouté par téléphone à son arrivée à Damas. La délégation doit quitter la capitale syrienne lundi.

Le régime syrien avait annoncé le 22 décembre avoir repris le contrôle total d’Alep, après plus de quatre ans de combats acharnés et l’évacuation de dizaines de milliers de combattants et de civils qui habitaient les derniers quartiers rebelles de la deuxième ville du pays.

Hamon-Montebourg, le duel des programmes : le travail (1/4)

En annonçant à cinq jours d’intervalle leur candidature à la primaire de la Belle Alliance populaire, Benoît Hamon et Arnaud Montebourg ont suscité une certaine incompréhension : pourquoi diable les deux amis, ténors de l’aile gauche du PS, proches des frondeurs et évincés du gouvernement en même temps ont-ils décidé de jouer chacun leur propre partition ? Deux prétendants pour une même ligne politique, voilà un choix parfaitement incongru.

Après six mois de campagne, durant lesquels les deux candidats ont construit, exposé, affiné leur programme respectif, le constat est clair : Hamon et Montebourg ont beaucoup plus de divergences qu’il n’y paraissait. Plus encore, ils nous livrent, sur certaines thématiques, deux visions parfaitement opposées, notamment sur le travail. Cette question est, pour l’un comme pour l’autre, à la base de leur projet politique.

« Raréfaction du travail »…

Partout où il est invité, Benoît Hamon ne cesse de le répéter : dans les années à venir, en raison de la révolution numérique et technologique, la France connaîtra un phénomène important de « raréfaction du travail ». « Bientôt, quand vous ferez vos courses, vous passerez sous des portiques qui scanneront vos articles. Mais il n’y aura plus de caissières », prophétise-t-il sur le plateau de L’Émission politique sur France 2. Chez Hamon, ce constat vient irriguer la plupart de ses propositions en matière d’économie ou de protection sociale, comme l’illustre sa réforme majeure : la mise en place du revenu universel de base.

Convaincu que le travail « est trop souvent synonyme de souffrance et de perte de sens », l’ex-ministre de l’Éducation revendique la possibilité pour tous de choisir librement ses horaires pour se consacrer à d’autres activités. Il préconise, en ce sens, « un droit inconditionnel au temps partiel accompagné d’une compensation salariale », en incitant financièrement les entreprises à réduire le temps de travail des salariés qui le souhaitent, via notamment une réaffectation des crédits du CICE. Grâce à cette stratégie, celui qui est passé par le cabinet de Martine Aubry au moment de la réforme des 35 heures parie in fine sur une réduction du taux de chômage. En somme, comme il nous le confiait dernièrement, Benoît Hamon « essaye de mettre en œuvre un processus de désintoxication du travail pour la société ».

… Versus « Société du travail »

Tout le contraire, finalement, d’Arnaud Montebourg. Mercredi matin, l’ex-ministre du Redressement productif a convié la presse dans un bar du 10e arrondissement, sur les berges du canal Saint-Martin, pour présenter son programme économique chiffré. Son titre laissait peu de doutes sur l’orientation générale adoptée par le candidat : « Manifeste économique pour la société du travail ». Tout au long de son allocution, le chantre du « made in France » a donné le sentiment de vouloir se démarquer de son meilleur ennemi dans cette primaire de la gauche, sans jamais le nommer. « Des générations entières ont fait la France. Comment ? Par le travail », a-t-il clamé, avant de se comparer – humblement – à Victor Hugo : « Je suis finalement un petit peu comme Victor Hugo quand il exaltait le travail fier ! Moi je crois à la société du travail parce que c’est l’outil de la dignité du citoyen. » Et d’ajouter, quelques minutes plus tard : « Plutôt qu’annoncer la fin du travail, je préfère la fin de l’austérité ! »

Sur cette question, la fracture avec Hamon est claire, et confirmée par l’un des lieutenants d’Arnaud Montebourg : « Toutes les études le disent, il n’y aura pas de chômage technologique de masse. Et la gauche ne gagnera pas sur la question de la raréfaction du travail. » Ce n’est donc pas par la réduction du temps de travail que le natif de la Nièvre compte faire baisser le chômage, mais en créant ce qu’il appelle « la société des trois contrats » : renforcer le contrat de travail en normalisant le CDI, mettre en place un contrat d’activité à durée indéterminée afin d’embaucher des demandeurs d’emploi dans le secteur de l’économie sociale et solidaire, et enfin élaborer un contrat de formation pour que chaque chômeur puisse se former pendant un an (Voir vidéo ci-dessous, à partir de 11’45). Couplé à une baisse de la CSG pour les petits salaires afin d’augmenter le pouvoir d’achat, ce dispositif entre dans un processus global de relance économique par la demande.

Des points communs

S’ils mettent en avant leur opposition sur leur rapport au travail, Benoît Hamon et Arnaud Montebourg gardent en revanche un certain nombre de revendications communes, issues de la tradition idéologique à laquelle ils appartiennent. Tous deux promettent, une fois arrivés au pouvoir, d’abroger dans les plus brefs délais la loi El Khomri, que Hamon a par ailleurs combattue sur les bancs de l’Assemblée nationale l’été dernier. Pour l’un comme pour l’autre, la « loi travail » fait « travailler plus pour gagner moins » et encourage les licenciements. Hamon et Montebourg sont sur la même longueur d’onde sur la question des droits des travailleurs : ils proposent chacun de réguler « l’ubérisation de la société » en obligeant les sociétés à prendre en charge la protection sociale de leurs collaborateurs et d’élargir la représentation des salariés dans les conseils d’adminisration des entreprises.

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Faut-il réhabiliter « l'assassin » Jules Moch ?

Jules Moch ? « Un nazi », « un assassin », « une basse canaille », « un matraqueur d’ouvriers », disaient de lui ses opposants communistes dans les années 1950 et longtemps après. En 2017, ceux à qui ce nom, Jules Moch, évoque encore quelque chose ont les mêmes idées en tête : l’ancien ministre socialiste de l’Intérieur est et restera l’homme qui a réprimé dans le sang des révoltes ouvrières. Et il ne sera rien d’autre. L’infamie écrase le reste, occulte tout, interdit le moindre rappel biographique qui s’écarterait de ses années place Beauvau.

Décembre 1947, des grèves paralysent le pays. Certaines dégénèrent. La police empêche le sabotage de lignes d’électricité dans la région parisienne par des militants communistes. Ministre de l’Intérieur, Jules Moch fait réquisitionner des gradés électriciens et mobilise des escadrons de police sur des lieux stratégiques. Après plusieurs jours de blocages et de conflits, qui entraîneront la mort de 16 voyageurs après le déraillement d’un train consécutif à l’action de militants, le mouvement s’épuise, les syndicats reculent. Le succès du ministre de l’Intérieur, adepte de l’ordre républicain, quoi qu’il en coûte, est cependant terni par la mort de deux cheminots à Valence et d’un mineur dans le Gard.

Contre les pleins pouvoirs à Pétain

L’époque, la nôtre, n’aura pas retenu contre Moch les expulsions de travailleurs étrangers qui ont pris part à des échauffourées… Reste que sa mémoire est définitivement associée à ces tristes faits, qui font ainsi réagir le député européen socialiste Emmanuel Maurel : « Jules Moch n’a pas une place enviable dans l’histoire du socialisme français. » Certes, mais on conseille à Emmanuel Maurel la lecture d’un livre très instructif, Les Parias de la République (Perrin), écrit d’une plume rigoureuse par Maxime Tandonnet, haut fonctionnaire et ancien conseiller de Nicolas Sakozy à l’Élysée. Entre divers portraits de « parias » – Alexandre Millerand, André Tardieu, Georges Bidault… –, l’auteur narre le parcours de Jules Moch, dont la grandeur d’âme, passée aux oubliettes, s’est pourtant illustrée à maintes reprises au cours de l’histoire. M. Maurel sait-il, par exemple, que l’ancien ministre de l’Intérieur fait partie des 80 parlementaires qui, sur les 669 présents dans la salle du casino de Vichy le 10 juillet 1940, refusèrent de voter les pleins pouvoirs au maréchal Pétain, s’opposant très violemment à la majorité du groupe socialiste favorable alors à Pierre Laval ?

Avant cela, dès 1938, il s’était farouchement opposé, contre l’avis de son plus proche ami Léon Blum, aux accords de Munich. S’il les vota, finalement, ce fut au nom de cette amitié qui lui était chère et qui n’aurait pas survécu à un tel désaccord. Dans ses mémoires, Moch évoque « le diktat de Munich », qui ouvre la voie à une nouvelle guerre.

Le 3 septembre 1939, à la suite de l’invasion de la Pologne par la Wehrmacht, il vote en faveur de la guerre contre l’Allemagne. Le député de Sète écrit dans ses mémoires : « Je suis désespéré. Je ne crois pas qu’il existe pire supplice pour un père que d’avoir à prendre une part de responsabilité dans un vote pour la guerre quand il a des fils en âge de se battre et lorsque son espoir, tout au long de ces quatre années (1914-1918), a été que ses fils ne vivent pas de telles journées. Je vote tout de même. Puis je m’effondre en larmes à mon banc. » André, l’un de ses deux fils, est assassiné par la Milice en juin 1942, en Isère. Un drame qui marquera profondément sa vie et fera basculer sa femme, Germaine, dans une démence dégénérative avant son suicide en juillet 1962.

L’intérêt commun au-dessus de tout

M. Maurel sait-il également qu’à la suite de son vote anti-Pétain, Jules Moch fut interné dans l’Indre, qu’il a rejoint la France libre à Londres en avril 1943, puis à Alger?

En 1945, il devient ministre des Travaux publics et des Transports. C’est à lui, le premier, que le général de Gaulle confie son intention de démissionner. « Puisque je ne puis gouverner comme je le veux, c’est-à-dire pleinement, plutôt que de devoir démembrer mon pouvoir, je m’en vais », lui dit le général en janvier 1946.

En dépit de l’immense respect qu’il a pour le grand homme, Moch s’opposera ensuite à lui, notamment s’agissant de son rapport aux institutions. Pour le socialiste, une Ve République mettrait le chef de l’État dans l’habit d’un dictateur omnipotent. En outre, il tenait que le renforcement du pouvoir exécutif exposerait la fonction présidentielle au chantage direct de la rue, sans le filtre du Parlement. « La France veut être gouvernée, martelait-il. L’homme de la rue souhaite que règne l’ordre et s’exerce l’autorité. » Polytechnicien, défenseur du pouvoir parlementaire, Moch n’en est pas moins un homme autoritaire, ferme, plaçant l’intérêt commun au-dessus de tout. Maxime Tandonnet raconte que l’élu perdit son premier poste de député de la Drôme notamment en raison de son refus d’accorder des passe-droits ou de menus services à ses électeurs… « La loi est la même pour tous ! » répondait-il à ceux qui sollicitaient une faveur.

Il découvre la réalité du communisme dès 1921

Avant les accusations d’assassinat d’ouvriers, on l’a présenté comme un « grand bourgeois », « millionnaire » et « arrogant ». Selon Tandonnet, il était juste « pudique », voire « timide ». Né d’un père dreyfusard et ami du capitaine Dreyfus, Moch a une passion pour la justice qui n’a d’égale que son patriotisme. Avant de s’engager en politique, il travailla en tant qu’ingénieur pour une société d’équipement de voies ferrées. En 1921, affecté à Moscou, il découvre la réalité du communisme, qui suscite son rejet, puis son adhésion au Parti socialiste.

Jusqu’à la fin de sa vie, il sera inclassable, bien que se disant de gauche, étatiste et patriote. Il se méfiait de l’Europe, milita en faveur de la décolonisation et contre le réarmement de l’Allemagne de l’Ouest après la guerre. Il n’aimait pas Mitterrand et fustigeait le programme commun, plus communiste que socialiste, selon lui. À la fin de sa vie, il se fit un plaisir de rappeler quelques fondamentaux à cette gauche mitterrandienne obnubilée par l’accession au pouvoir, quitte à se renier ou à se dénaturer. Que le PS ait à sa tête un leader machiavélique, qui s’est compromis à Vichy, et à sa base une idéologie soixante-huitarde triomphante lui était insupportable.

Ses anciens compagnons lui reprochaient-ils sa gestion des manifestations ? Il en rajoutait : « Quelque chose ne tourne pas rond chez nous. Chacun constate que les routiers peuvent barrer les autoroutes, les viticulteurs clore nos frontières, les étudiants saboter leurs cours, se livrer parfois à des voies de fait sur leurs maîtres. » Mai 68 n’est pour lui que « les excès de groupuscules, trotskistes, pro-chinois ou fascistes », dont il réprouve les manifestations « scandaleuses » comme celle qui consista à scander des mots d’ordre hostiles devant la tombe du Soldat inconnu. Directeur de l’hebdomadaire socialiste L’Unité, Claude Estier répond que « les militants socialistes ne se reconnaissent pas en Jules Moch et n’ont rien à faire de ses leçons ».

En 1974, Moch, « par fidélité pour Léon Blum », ne renouvelle pas sa carte au PS. Il parle du « drame de sa vieillesse ». Il meurt en 1985. La lecture des Parias de la République et d’Une si longue vie, son livre de souvenirs publié en 1976, permettra à Emmanuel Maurel et à d’autres, tous ceux qui font de Jules Moch le dernier des assassins socialistes, de regarder différemment le parcours des hommes qui ont fait l’histoire.

« Les Parias de la République » de Maxime Tandonnet, Perrin, 23,90 euros.