Primaire de la gauche : Valls, principale cible des attaques

Après un premier débat très policé, les sept candidats à la primaire engagée par le PS ont haussé le ton, ciblant particulièrement Manuel Valls, notamment sur le sujet de l’accueil des réfugiés. Jeudi, ils s’étaient contentés de s’écouter, actant plutôt sagement leurs divergences. Dimanche, à une semaine du premier tour de la primaire et alors que la nécessité de se démarquer se fait plus pressante, les postulants, priés avec insistance par les présentateurs d’en découdre, sont sortis de leurs couloirs pour s’opposer plus vivement.

L’ancien locataire de Matignon était interrogé sur un discours tenu le 13 février 2016 à Munich, lors duquel il avait assuré que l’Europe ne pouvait « pas accueillir plus de réfugiés ». Il avait plus généralement critiqué la politique migratoire de la chancelière allemande, ce qui avait ulcéré une partie de la gauche. « Comment être sans cœur, sans réaction face à ce drame épouvantable, notamment en Méditerranée ? » s’est aussi défendu Manuel Valls en évoquant « ces personnes, ces hommes, ces femmes, ces enfants, qui se noient, qui fuient la guerre, la misère, la torture ». « La vie, ce n’est pas une ardoise magique », a raillé en retour Vincent Peillon, en soulignant son « désaccord profond » sur la question, qui « a marqué ce quinquennat ». Il a également déploré que Manuel Valls ait « fait la leçon à la chancelière » sur la crise migratoire. Rappelant que Manuel Valls avait promis d’accueillir « 30 000 » réfugiés, « pas plus », Vincent Peillon a poursuivi : « Nous sommes à 5 000. J’ai le sentiment que les Français étaient plus généreux que leurs dirigeants », a grincé l’ancien ministre de l’Éducation.

Pratique du pouvoir et frondeurs

Benoît Hamon a expliqué à propos de l’accueil des migrants que « c’est l’honneur de la France que de faire vivre ses valeurs en n’étant pas dans cette affaire l’un des moins volontaires ». Arnaud Montebourg s’en est également pris à l’ex-locataire de Matignon. « La directive européenne sur les travailleurs détachés, c’est du dumping à domicile. Là-dessus, la France n’a rien fait, et ce n’est pas faute de l’avoir demandé quand je siégeais au conseil des ministres. L’Europe n’a rien fait, et maintenant où en sommes-nous ? » a-t-il déclaré. « Je ne peux pas laisser dire que rien n’a été fait ! Nous sommes en train de réviser cette directive ! » a réagi Manuel Valls.

Autre sujet sur lequel Manuel Valls a été la cible des critiques de ses concurrents, celle de la pratique du pouvoir, avec une nouvelle fois un Vincent Peillon très combatif. « Un président de gauche, c’est d’abord un président qui va pouvoir rassembler la gauche et d’abord ses propres amis. Entre ceux qui ont théorisé deux gauches irréconciliables et ceux qui ont cassé des portes et brisé des fenêtres en étant restés plus longtemps que moi au gouvernement, il va falloir rassembler », a-t-il lancé, égratignant d’une phrase l’ancien Premier ministre et les frondeurs Arnaud Montebourg et Benoît Hamon. Frondeur, un mot jugé « inapproprié » par Arnaud Montebourg, car « il y a une légitimité démocratique à discuter les choix ». Sans nommer Manuel Valls, l’ancien ministre de l’Économie a critiqué « ces dernières années » un pouvoir « trop faible avec les puissants et parfois trop dur avec les faibles ».

Désaccords sur le cannabis

Manuel Valls s’est aussi trouvé isolé sur le sujet du cannabis, dont il rejette la dépénalisation quand Vincent Peillon défend un grand débat national et Benoît Hamon une légalisation. « Quand on veut gouverner, quand on veut présider un pays, il faut aussi s’adresser à son pays, à ses compatriotes, à sa jeunesse en disant : il y a des interdits », a dit Manuel Valls, drapé dans son costume régalien. L’Europe, objet de la première partie du débat, avait permis aux candidats d’exprimer de façon consensuelle le besoin d’une Europe renforcée en matière de défense, sur fond de désengagement probable des États-Unis. Ils se sont en revanche opposés sur la question du déficit budgétaire. Vincent Peillon a proposé d’obtenir le feu vert de l’Allemagne en faveur d’un grand plan d’investissement européen, en échange d’une politique budgétaire « sérieuse » en France. Benoît Hamon a objecté que le déficit valait peu face au risque de l’émergence politique de Marine Le Pen.

Si son ombre plane sur cette primaire dont il est le grand absent, François Hollande n’aura pas écouté ce deuxième débat. Dimanche soir, le chef de l’État était au théâtre en compagnie de la ministre de la Culture Audrey Azoulay, pour assister à une pièce de Michel Drucker. Au terme de deux heures quarante de débats sur BFM TV, iTélé et RMC, les candidats se sont félicités de leurs échanges. Ce débat était « beaucoup plus vivant et approfondi que le précédent », a jugé Vincent Peillon. Lors de leur premier débat télévisé, les candidats avaient réuni devant le petit écran 3,8 millions de téléspectateurs, soit nettement moins que les 5,6 millions de la première joute des candidats de droite le 13 octobre. Le troisième débat avant le premier tour de la primaire aura lieu jeudi à 21 heures.