La mobilisation était timide pour le démarrage de la « grève générale illimitée », lundi, en Guyane alors que le Premier ministre Bernard Cazeneuve a annoncé la venue de ministres « avant la fin de semaine », répondant à l’une des revendications des acteurs sociaux. Des voitures circulaient dans Cayenne, où les stations-service ont été approvisionnées. Les commerces étaient ouverts. Plusieurs centaines de personnes, pour la plupart des enseignants, se sont rassemblées calmement dans la matinée (dans l’après-midi en métropole) devant le rectorat de Cayenne. « Ceux qui sont hors Cayenne n’ont pas pu passer les barrages », a noté un professeur de sport gréviste, qui s’« attendait à plus de monde ».
L’affluence était moindre que les jours précédents autour des barrages routiers : quelques dizaines de manifestants empêchaient les voitures d’entrer ou de sortir de Cayenne, là où des centaines d’entre eux se tenaient la veille. Air France a annulé ses vols vers Cayenne dimanche et lundi, et Air Caraïbes lundi. « La première priorité, c’est la lutte contre l’insécurité, le renforcement des moyens », a déclaré François Hollande depuis Singapour, où le chef de l’État a entamé la dernière tournée internationale de son mandat. « En France, l’image de la Guyane se résume à la délinquance, mais il n’y a pas que cela. Le plus important, c’est le chômage », a regretté, près d’un barrage, Pierre-Édouard, pestant contre l’absence de « réalisations » de « la droite comme de la gauche ».
Trente-sept syndicats réunis au sein de l’Union des travailleurs guyanais (UTG) ont voté la « grève générale illimitée » et prévoient une « journée morte » mardi, selon le journal France-Guyane. « Une délégation ministérielle sera sur place avant la fin de la semaine » pour conclure les discussions engagées par la mission de hauts fonctionnaires dépêchée samedi, a déclaré M. Cazeneuve à Matignon, au côté de la ministre des Outre-mer Ericka Bareigts. « Si toutefois les conditions du respect (…) et de l’ordre républicain sont réunies », a-t-il précisé, en annonçant aussi notamment qu’un « centre pénitentiaire et un tribunal de grande instance » seraient « construits à Saint-Laurent-du-Maroni ».
« Pour l’instant, les réponses de la délégation sont plus sur la santé, la sécurité. Nous, on veut un plan de développement et pas des mesurettes », a déclaré lundi à l’Agence France-Presse un porte-parole des socio-professionnels. « On a l’impression que le gouvernement ne perçoit pas le ras-le-bol de la population », a déploré le sénateur PS de Guyane, Antoine Karam, sur BFM TV. « Aujourd’hui, il y a encore 30 % de la population qui n’a pas accès à l’eau potable ou à l’électricité », a-t-il souligné. « Nous ne sommes pas traités au même titre que les Français de l’Hexagone. » Dès dimanche, des barrages de poids lourds arboraient des slogans explicites : « Hollande, il est où ton pacte d’avenir ? Pas de routes, pas de développement ». Le Premier ministre, qui a appelé « encore une fois solennellement au dialogue, à la responsabilité et à l’apaisement », a affirmé vouloir signer ce « pacte d’avenir » dans « les meilleurs délais ».
Situation « tendue »
« La situation est tendue » en Guyane, a reconnu la ministre des Outre-mer, qui fera partie de la délégation de ministres attendue sur place. L’envoi de membres du gouvernement était réclamé par des élus guyanais, ainsi que par le collectif pou la Gwiyann Dekolé (« pour que la Guyane décolle », en créole guyanais). La mission interministérielle a fait dimanche plusieurs annonces visant à désamorcer le mouvement social. Mais, a souligné une source gouvernementale, »les revendications sont éparses et les collectifs ne sont pas d’accord entre eux ».
Jean-François Cordet, ancien préfet de Guyane qui pilote la mission, a notamment annoncé le renfort de « 25 policiers, 23 gendarmes », ainsi que « la fidélisation d’un escadron de gendarmes mobiles à Cayenne ». Il a annoncé également une enveloppe d’urgence de « 60 millions d’euros supplémentaires » pour le centre hospitalier de Cayenne, fortement endetté.
La situation en Guyane a déjà trouvé un écho dans la campagne présidentielle, à quatre semaines du premier tour. Marine Le Pen (FN) a dénoncé le « service cruellement minimum » du gouvernement en Guyane quand François Fillon (LR) y a vu « la conséquence de l’échec de la politique de François Hollande ». Bernard Cazeneuve s’en est pris, de son côté, à ceux qui cèdent à « la démagogie » et à « l’électoralisme ».