Dans une enquête publiée vendredi 23 décembre, Mediapart charge le président Les Républicains de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur (Paca). Depuis les attentats du 14 juillet qui ont fait 86 morts à Nice, celui-ci pointe du doigt la responsabilité du gouvernement, mettant en cause, notamment, les effectifs de la police nationale. Mais, comme le démontrent les photos publiées par Libération le 21 juillet, la circulation était assurée par des policiers municipaux, et non nationaux. Un dispositif sécuritaire qui correspond à une convention signée en 2013 entre le préfet des Alpes-Maritimes et le maire de Nice d’alors, Christian Estrosi, d’après Mediapart. Pas une fois l’ancien ministre n’a fait savoir que ce dispositif était celui prévu lors des réunions préparatoires, auxquelles il n’a d’ailleurs pas assisté.
Vidéosurveillance inutile
L’ancien maire de Nice qui a installé dans sa ville un centre de supervision urbain qui regroupe 1 257 caméras avait avancé peu après les attentats de Charlie Hebdo que « si Paris avait été équipé du même réseau – de vidéosurveillance – que le nôtre, les frères Kouachi n’auraient pas passé trois carrefours sans être neutralisés et interpellés ». Mais, comme l’explique Mediapart, le système de vidéosurveillance n’a été d’aucune utilité pour prévenir l’attentat très meurtrier qui a eu lieu le 14 juillet 2016 sur la promenade des Anglais. Un camion blanc de 19 tonnes a fauché des piétons venus admirer le feu d’artifice sur la promenade, faisant 86 morts. Le conducteur du camion, Mohamed Lahouaiej Bouhlel, a pu, malgré les importants dispositifs de sécurité déployés, circuler onze fois sur la promenade des Anglais pour calculer et peaufiner sa trajectoire.
Dernier passage la veille en soirée
L’arrêté municipal datant de septembre 2014 interdit la circulation des véhicules de plus de 3,5 t dans la ville. Soit des véhicules six fois moins gros que le camion de 19 tonnes qui a pourtant circulé sur la promenade à plusieurs reprises en toute impunité, Mediapart retrace ces passages. Le premier repérage a lieu trois jours avant le drame. Le 11 juillet 2016, peu avant 10 heures du matin, le camion s’engage sur la promenade des Anglais, feux de détresse allumés comme s’il s’apprêtait à livrer des marchandises. Il monte pourtant sur le trottoir, enfreignant une seconde fois un arrêté, fait mine de se garer, et repart. Il repassera à quatre reprises sur la promenade des Anglais, le même jour, sans être inquiété. Rebelote le 12 juillet, où le chauffeur du camion se paie à nouveau le luxe de rouler sur le trottoir, accompagnant des joggeurs matinaux. De la cabine, il prend en photo l’intérieur de la pergola, qu’il dévastera deux jours plus tard. Le 13 juillet, après avoir vérifié qu’il était possible de passer sous la structure en fer forgé près de la pergola, le camion fera un dernier passage, dans le courant de la soirée.
Pendant tout ce temps, le camion blanc sera filmé par les caméras de sécurité, qui font la fierté de l’ancien maire de Nice. Alors que Mohamed Lahouaiej Bouhlel enfreignait l’arrêté interdisant l’accès à la promenade aux véhicules de plus de 3,5 t, de même que celui interdisant à ces véhicules de monter sur le trottoir, et qu’il était filmé en train de le faire, il ne sera pas inquiété. Le 14 juillet, il se joint, en début de soirée, aux 30 000 personnes attendues sur la promenade et sous la pergola, il y prendra quelques selfies, avant de monter à bord du camion blanc et de s’engager sur la promenade à 22 h 32, toujours sous l’œil des caméras. Mediapart a pu avoir accès à un lot de photos datant de septembre 2015 sur la promenade des Anglais. Sur l’une d’entre elles, sous la pergola, on reconnaît bien l’ancien maire de Nice, tout sourire, posant aux côtés de celui qui ôtera la vie à 86 personnes un an plus tard.
Contactés par Le Point.fr, Christian Estrosi et son entourage affirment que l’article de Mediapart est « une synthèse d’approximations dans le seul but de polémiquer ». Ils rappellent que « les images de la Ville de Nice ont été très utiles pour l’avancée de l’enquête ». Christian Estrosi soutient, par ailleurs, qu’il ne « laissera pas remettre en cause la compétence de ses agents de police municipale qui sont d’un dévouement sans bornes et d’une grande compétence ». La Ville de Nice et Christian Estrosi ont décidé de porter plainte en diffamation contre le site.