Fillon : le supplice des juppéistes

Cela fait partie des perversions des primaires : défendre ce qu’on a démoli hier, si possible avec la même conviction, quand son propre candidat a été défait. François Fillon, qui a recomposé ses équipes de campagne en y intégrant les « battus », n’a pas rendu le meilleur service qui soit à Benoist Apparu en le nommant porte-parole. L’ancien supporteur d’Alain Juppé était interrogé sur BFM TV et RMC mercredi matin. Le député-maire de Châlons-en-Champagne a dû sortir les longues rames pour défendre les choix fillonesques qu’il avait âprement combattus jusqu’ici…

Exemple : la réduction de 500 000 fonctionnaires en 5 ans promise par François Fillon. On se souvient qu’Alain Juppé et son équipe expliquaient à qui voulait l’entendre que cette promesse était intenable… Apparu est obligé de se tortiller pour répondre : « Pendant la primaire, on a eu un débat. Certains étaient pour 250 000, c’était la position d’Alain Juppé. François Fillon disait : Il faut aller beaucoup plus loin si on veut massivement réduire les déficits. Et donc, il propose 8 % de fonctionnaires français. Je crois que c’est difficile à faire, mais je pense que c’est possible. »

Le boomerang des fonctionnaires

On a connu meilleur porte-parole ! Mais retrouvons ce que Benoist Apparu disait de cette mesure le 23 novembre 2016 à nos confrères de Paris Match : « François Fillon souhaite supprimer 500 000 fonctionnaires en cinq ans. Il explique qu’il pourra le faire en les faisant travailler 39 heures au lieu de 35 heures. Mathématiquement, c’est jouable. En revanche, comment financera-t-il les 20 milliards d’euros que lui coûteront ces heures de travail supplémentaires ? À moins qu’il ne dise qu’il n’entend pas payer plus les fonctionnaires. Un coup à jeter 5 millions de personnes dans la rue… »

Finalement, devenu porte-parole de Fillon, Benoist Apparu reprend les éléments de langage du camp Fillon sur BFM TV : il y aura une négociation fonction publique par fonction publique pour parvenir à un accord salarial et on ne touchera pas aux effectifs des fonctions régaliennes (police, gendarmerie, etc.). Dans le détail, ce qui a été raté dans la gestion de la fonction publique, c’est le passage des communes aux intercommunalités. Au lieu d’en profiter pour écrémer les effectifs, les collectivités locales ont souvent doublonné les postes. C’est donc, au sein des communes, qu’il faudra ne pas remplacer les fonctionnaires partant à la retraite du moment que l’intercommunalité est en mesure d’assurer le service. Il faut s’attendre néanmoins à un mouvement d’humeur des maires si Fillon devait remporter la présidentielle et mettre en œuvre son programme.

Benoist Apparu n’en a pas fini avec les virages sur l’aile comme porte-parole. En novembre, il déclarait plusieurs divergences à propos du candidat sorti vainqueur de la primaire : « Sa proximité avec Vladimir Poutine, son positionnement sur les valeurs sociétales et, notamment, sa volonté de remettre en cause l’adoption plénière pour les couples homosexuels. François Fillon défend des valeurs conservatrices. La France mérite un regard plus moderne, plus contemporain. Enfin, le député de Paris paraît léger sur les questions de sécurité. » Bon courage, Benoist Apparu ! Pour Noël, Alain Juppé serait bien inspiré de lui offrir un beau cadeau qu’on trouvera ici.