SNCF : Guillaume Pepy sort l’arme de gare

Ah bon, les agents de la SNCF circulent armés ? Et les caméras de surveillance dans les gares et dans les trains permettront de repérer les terroristes ? Et on aurait trouvé la martingale pour contrôler tous les passagers ? L’intervention du président de la SNCF, Guillaume Pepy, dimanche sur Europe 1, a soulevé plusieurs interrogations mais aussi permis de médiatiser la nouvelle loi Savary qui renforce la lutte contre la fraude et la délinquance dans les transports en commun. Elle a également entrainé une prise de conscience : en matière de sûreté, les trajets en train d’hier seront bien différents de ceux de demain. Retour sur trois propos de Guillaume Pepy.

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«Nos propres agents, les agents de la sûreté, vont désormais avoir le droit, grâce à la nouvelle loi Savary, de patrouiller armés et en civil dans les trains. En anglais, ce sont les train marshals. En français, ce sont les patrouilleurs en civil armés.»

Dans cette déclaration du président de la SNCF, le mot nouveau n’est pas «armés», mais «civil». La SNCF et la RATP disposent d’équipes dédiées à la sécurité. Ces agents ne sont pas policiers mais dépendent du ministère de l’Intérieur. Ils patrouillent dans les rames et sur les quais, en groupes, et accompagnent parfois les équipes de contrôleurs.

A la Surveillance générale (Suge) de la SNCF, ils sont près de 3 000, dont un millier en Ile-de-France. A la RATP, le Groupe de protection et de sécurisation des réseaux (GPSR) fait travailler environ 1 000 agents. Et ils sont déjà armés. Des armes de 6e catégorie, type tonfa ou bombe lacrymogène, et des armes de poing. «La sûreté ferroviaire a fêté ses 100 ans l’an dernier et ça fait cent ans que ses agents sont armés», rappelle-t-on à la SNCF. «Ils sont très entraînés, assure Gilles Savary, député (PS) de Gironde et rapporteur de la loi. Leur entraînement est supérieur à celui d’un gendarme classique en termes de coups tirés.» Seuls les agents de la RATP et de la SNCF disposent de cette assermentation.

Les autres opérateurs de transport en commun ne peuvent disposer d’agents armés. «On n’a pas voulu transformer tous les agents de sûreté d’entreprise privée en cow-boys», justifie Savary. En revanche, la police municipale pourra désormais patrouiller dans les trains, avec les mêmes prérogatives que les agents SNCF. Ils pourront même opérer sur l’ensemble d’une ligne, au-delà de leur frontière communale, dès lors qu’une convention sera signée entre les différentes communes traversées.

La loi Savary introduit un autre changement pour les deux principaux opérateurs : ces agents pourront tomber l’uniforme et patrouiller incognito sur le réseau. «Ce mode d’intervention, en civil, leur a été retiré il y a quelques années, poursuit l’élu. On était à une époque de dissuasion, à un maintien de l’ordre soft.» Cet article de la loi était certes réclamé par la SNCF et la RATP mais pas du tout dans l’optique de lutter contre le terrorisme. Ces patrouilles sont plutôt destinées à repérer et interpeller en flagrant délit les fraudeurs, les voleurs des cages à bagages sur les grandes lignes, les fumeurs ou les graffeurs. Bref, de la petite délinquance. La SNCF précise que l’essentiel des patrouilles continuera de circuler en uniforme, «pour la visibilité, la dissuasion». Les civils, pour des questions de discrétion, seront équipés plus «légèrement», détaille une porte-parole de la compagnie ferroviaire. Et en cas d’interpellation, «ils travailleront en coordination avec des agents en tenue» qui les attendront sur les quais. Savary conclut : «Ce qu’on risque de voir sur certaines lignes à problèmes, ce sont des opérations coups de poing, en civil, et pendant une semaine. Là, ça peut être très efficace.»

«Nous allons moderniser les caméras [de surveillance, ndlr]. Elles vont avoir des logiciels qui permettent de repérer des mouvements suspects […]. Cela s’appliquera au moment de l’Euro.»

Petite surprise. Qui ne concerne pas l’existence de ces caméras dites «intelligentes» mais la date de leur mise en place. En décembre, le secrétaire général de la SNCF, Stéphane Volant, avait décrit une expérimentation en cours pour intégrer aux caméras de l’entreprise un dispositif qui mesure «le changement de température corporelle, le haussement de la voix ou le caractère saccadé des gestes». L’objectif étant de détecter des comportements anormaux ou le niveau de stress des personnes dans la gare. Des sociétés spécialisées prétendent disposer d’outils capables de repérer, dans une foule, une silhouette qui stationnerait (trop ?) longtemps au même endroit, qui rôderait un peu trop souvent près de zones sensibles, ou qui déposerait un objet et s’en éloignerait. Mais d’autres spécialistes affirment que ces technologies sont au stade expérimental et encore peu fiables.

Thales, le géant de l’électronique de défense, déclarait en décembre à l’AFP que le système sur lequel il travaillait n’était pas encore opérationnel. Avec qui collabore la SNCF ? La société refuse de le dire. Tout juste admet-elle que sur les expérimentations menées, «certaines sont concluantes et d’autres pas». Il semble douteux, malgré la déclaration de Pepy, que cette technologie soit déployée dès l’ouverture du championnat d’Europe des nations, le 10 juin, sur l’ensemble des 40 000 caméras. Sachant qu’il faut, comme l’a précisé le président de la SNCF, des profilers pour analyser en temps réel les comportements anormaux détectés. «Une partie de ces technologies sera effective pour l’Euro, ce qui ne veut pas dire que tout sera déployé à ce moment-là», se borne à dire la SNCF. Quand le système le sera réellement, la SNCF aura malgré tout l’obligation d’en informer les usagers, rappelle la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil).

«Je maintiens les portiques Thalys, il n’est pas question de les retirer. […] Nous ajoutons d’autres portiques. A la gare Montparnasse, à la gare de Marseille, il y a des portiques qui servent à présenter son billet. Nous allons leur ajouter des dispositifs de détection des explosifs et des armes, de telle sorte que l’on puisse avoir à la fois le contrôle de billet et le contrôle de sécurité.»

Cette déclaration peut prêter à confusion. La SNCF déploie actuellement, et ponctuellement, deux types de portiques. Des portiques de sécurité qui scannent les usagers lors de leur passage, mis en place pour Eurostar et, depuis décembre, pour les Thalys. Et des portiques de contrôle de billet, tourniquets modernes testés actuellement à l’entrée des quais TGV à la gare Montparnasse, à Marseille et à Lille. Après les attentats de novembre, la ministre en charge des Transports, Ségolène Royal, a déclaré vouloir équiper les quais TGV de portiques de sécurité. Une idée dénoncée de toutes parts, en raison des embouteillages que cela créerait.

La SNCF, chargée de réfléchir à la question, tente de trouver des solutions plus légères que le portique-scanner. Les caméras «intelligentes» pourraient justement, à l’avenir, équiper les portiques antifraude. «Lorsqu’il y a des files d’attente, les gens circulent moins vite, ce qui permettrait à ces caméras de faire leur travail d’identification», explique la porte-parole de la SNCF. En attendant ces hypothétiques caméras, des brigades cynophiles actuellement en formation pourraient aussi être postées à ces portiques. «Les premières brigades devraient patrouiller au début de l’Euro 2016, précise encore la SNCF. In fine, nous misons sur la complémentarité des dispositifs de sûreté qui, mis bout à bout, permettent d’avoir un maillage efficace.» Les problèmes sont éliminés les uns après les autres, en tranches. Une technique dite «du salami» désormais mise en pratique par la SNCF.

Richard Poirot

Les sites de rencontres, un parcours d’obstacles pour les handicapés

«Tu me fais faire un tour… dans ton vagin ?»; «Donc je suppose que tu ne cherches pas un plan cul…» ou encore «Pourquoi es-tu là ? Tu ne devrais pas fréquenter quelqu’un en fauteuil ?» Toutes ces phrases si délicates sont autant de messages reçus par Kristen Parisi via Tinder. A 30 ans, cette Américaine paraplégique depuis l’âge de 5 ans a récemment raconté au site internet Refinery 29 son expérience sur l’appli de rencontres.

«Je me suis inscrite pour les mêmes raisons que beaucoup de femmes : je ne voulais pas m’engager dans une relation sérieuse, j’étais curieuse de savoir quel genre de mecs fréquentaient le site, écrit-elle. Au minimum, je pensais que ce serait drôle. Rien ne pouvait me préparer au déluge d’hommes agressifs, ignorants et blessants que j’ai pu croiser.» L’un lui demande sans détour si elle ressent quelque chose pendant le sexe anal, parce que si tel n’est pas le cas, ce serait «génial» à ses yeux. Un autre, médecin, répond quand elle précise avant une rencontre qu’elle est en fauteuil : «C’est dégoûtant !» avant de la bloquer… Avec tous, Kristen passait systématiquement de la «rousse sexy» avec qui ils avaient rencard, à la «fille en fauteuil». Ce témoignage met en lumière la question de la rencontre amoureuse des personnes en situation de handicap.

Lire les témoignages«Dès qu’on prononce le mot handicap, il n’y a plus de réponse»

«Pas de place sur les sites généralistes»

Pour Pierre Brasseur, doctorant en sociologie à l’université de Lille et auteur d’une thèse sur le handicap et la sexualité, «le débat sur les assistants sexuels a complètement squatté l’espace médiatique sur ces questions, laissant supposer que tous les handicapés auraient besoin d’assistance. Or, ceux qui vivent à domicile ont souvent une sexualité assez complète». Et l’envie, comme tout le monde, de faire des rencontres. «On ne privilégie pas forcément les sites de rencontres, il se trouve que la liste des endroits où on peut se rencontrer (speed datings, discothèques…) est de facto limitée par des problèmes d’accessibilité», précise Kareen Darnaud, vice-présidente de l’Association des paralysés de France, qui insiste : «Ce qu’il faudrait, c’est laisser le choix aux personnes en situation de handicap, en améliorant l’accessibilité de ces lieux « dans la vraie vie ».»

Même constat pour François Crochon, sexologue clinicien, chef de mission CeRHeS (Centre Ressources Handicaps et Sexualités), pour qui «longtemps, la sexualité des personnes en situation de handicap a été taboue, ou s’est résumée à deux aspects : la génitalité et la visée procréative». Alors même s’il y a du mieux, pour ce spécialiste, des nombreux blocages demeurent : «Les personnes en situation de handicap ne peuvent par exemple pas accéder à des lieux de sexualité comme les saunas ou clubs libertins, si tel est leur choix», observe-t-il. 

Au cours de ses travaux, le chercheur Pierre Brasseur a interrogé une cinquantaine de personnes en situation de handicap physique sur leur usage de la rencontre en ligne. Bilan ? «Ils avaient souvent l’impression qu’il n’y avait pas vraiment de place pour eux sur les sites généralistes», observe le sociologue. «D’abord parce qu’il arrivait que leur photo, si elle affichait le handicap, soit refusée par les modérateurs, mais aussi, souvent parce que leur situation, si elle était exposée, avait un impact négatif sur les contacts», assure Pierre Brasseur.

«Un frein à la rencontre»

Dès la fin des années 90, des sites spécialisés sont apparus, d’abord sous forme associative, comme Handiclub. C’était avant même le débarquement de l’un des géants du secteur, Meetic, en 2001. Une dizaine de sites ciblés existent aujourd’hui. Benjamin Cadranel, 32 ans, s’est lancé sur ce créneau avec son associé en 2010, en fondant Idylive, un site handis-valides, sur lequel environ 70% des inscrits sont en situation de handicap. «J’étais bénévole auprès de l’Association des paralysés de France, se souvient le jeune homme. Je me suis aperçu que l’accessibilité est un frein à la rencontre, qui vient s’ajouter au handicap. Une personne qui souffre d’un handicap moteur lourd est souvent cantonnée chez elle ou à une zone géographique restreinte, ce qui laisse assez peu d’opportunités», analyse-t-il.

Mais là encore, la solution proposée par le jeune homme n’est pas idéale: certains voient dans les sites spécialisés une certaine ghettoïsation des personnes en situation de handicap. Sur ces sites ou les autres, le même dilemme : quelle place accorder au handicap ? Faut-il le mentionner ? Comment ? A quel moment ? L’afficher sur ses photos de profil ? Libérationa recueilli les témoignages de plusieurs personnes qui ont fait l’expérience des sites de rencontre avec un handicap.

Lire les témoignages«On me questionnait plus sur mon handicap que sur ma personnalité»

Si ces témoignages vous parlent, que vous vous sentez concerné(e), que vous êtes en situation de handicap et inscrit sur un site de rencontres, contactez-nous à l’adresse temoignages(@)libe.fr ou réagissez sur Twitter avec le hashtag #handirencontre.

Virginie Ballet

Cette justice pénalisée par un manque de moyens

Dans un entretien au JDD ce dimanche, le ministre de la Justice Jean-Jacques Urvoas déplore l’état financier déplorable de la justice en France qu’il estime «à bout de souffle». En février dernier, Libération était allé visiter deux tribunaux à Bobigny et à Nancy qui illustraient les difficultés quotidiennes du système judicaire en France.

Pour une première, François Hollande aurait très certainement préféré un contexte plus apaisé. Mais c’est devant une profession judiciaire très remontée à la fois contre le projet de loi antiterroriste et par le manque de moyens d’une institution au bord de l’asphyxie, que le chef de l’Etat est venu assister, vendredi, à la prestation de serment de la promotion 2016 de l’Ecole nationale de la magistrature (ENM). Une première pour un président de la République depuis la création de l’école en 1958.

Accompagné par le nouveau garde des Sceaux, Jean-Jacques Urvoas, Hollande a assuré que le projet de loi sur la réforme pénale «n’enlève rien aux attributions de la justice». «Le juge d’instruction conserve pleinement sa place», a-t-il insisté. Hollande s’adressait aux 366 auditeurs de justice (élèves magistrats), qui ont débuté leur formation cette semaine. Il s’agissait pour lui de venir saluer la plus grosse promotion jamais accueillie par l’ENM. Le nombre d’auditeurs de justice est passé de 138 en 2011 à 275 en 2014 et 263 en 2015. En 2016, ce recrutement «exceptionnel» avait été décidé dans le cadre d’«un plan de lutte contre le terrorisme et la radicalisation». Lors de son dernier discours prononcé depuis la chancellerie, Christiane Taubira avait vanté, elle aussi, ce bilan sans précédent. Mais malgré un budget en hausse (celui du ministère de la Justice a grimpé de 7,14 milliards d’euros en 2011 à 7,94 milliards en 2015), les tribunaux français ne constatent toujours pas les effets de cet effort. Libération est allé visiter deux d’entre eux, où l’exercice au quotidien de la justice est de plus en plus difficile.

 

A Bobigny : «C’est pour la justice au quotidien qu’il y a besoin de monde»

Monsieur P. a entamé une procédure de divorce en septembre. Après de nombreux appels en vain, il est venu ce matin-là au tribunal de grande instance (TGI) de Bobigny pour savoir si une date d’audience était prévue, son avocat étant lui-même sans nouvelles. Monsieur P. s’adresse calmement à la secrétaire au greffe du juge des affaires familiales (JAF) : «Combien de temps je vais attendre ?» «Ça dépend de la chambre sur laquelle vous tombez, répond-elle. Dans celle-ci c’est douze mois, dans celle-là quatorze.» La veille, vingt et un couples sont passés devant deux magistrats en une matinée. Le dossier de Monsieur P. n’est pas encore arrivé. Pendant ce temps, une femme discute avec une jeune assistante sociale dans le hall d’accueil. C’est la deuxième fois qu’elle vient, et elle ne sait toujours pas comment son fils peut être naturalisé. Toutes deux voulaient consulter un conseiller juridique gratuit, mais on leur a répondu qu’il était 11 heures et qu’il y avait déjà trop de monde. Il faudra revenir lundi.

Enjeux. Des histoires comme celles-ci, le tribunal de la deuxième juridiction la plus importante de France en regorge. Cela fait de nombreuses années que les magistrats, les avocats et les greffiers de Bobigny tirent la sonnette d’alarme à propos du manque de postes face au nombre de dossiers à traiter. Conséquence des mutations en cours, des départs à la retraite et du temps de formation à l’Ecole nationale de la magistrature, les annonces faites par le ministère de la Justice pour 2016 ont décrété l’alerte générale : perte de 25 % des magistrats du siège et de 8 % des juges du parquet. Le 1er décembre, une motion votée par l’ensemble des magistrats et signée par les deux principaux syndicats (le Syndicat de la magistrature et l’Union syndicale des magistrats) dénonçait «un réel danger pour les justiciables de Seine-Saint-Denis», citant comme conséquences le non-traitement de 160 dossiers d’instruction et la suppression de seize audiences civiles par mois à compter du 1er janvier. «Après les attentats du 7 janvier et du 13 novembre 2015, force est de constater que les pouvoirs publics n’ont manifestement pas pris la mesure des enjeux spécifiques qui pèsent sur ce département», disait encore le communiqué. Les syndicats ont depuis été reçus au cabinet de la ministre de la Justice, avant la démission de Christiane Taubira du gouvernement, réunion pendant laquelle la création d’un groupe de travail sur les juridictions en difficulté a été envisagée. Celui-ci a annoncé la création d’un poste de magistrat au siège en 2016, le retardement d’un départ, l’arrivée en juin d’un juge en formation et l’affectation de juges «placés» [temporaires, ndlr] par la cour d’appel. Des renforts devraient être apportés par des magistrats honoraires et des contractuels en mars, dans le cadre du plan antiterroriste. «Il ne faut pas seulement des juges antiterroristes, estime Sophie Combes, du Syndicat de la magistrature. C’est pour la justice au quotidien qu’il y a besoin de monde.»

«Déni de justice». Avec les tribunaux voisins de Nanterre (Hauts-de-Seine) et de Créteil (Val-de-Marne), le TGI de Bobigny subit de plein fouet la pénurie de postes, notamment au JAF et au service pénal, plusieurs tribunaux d’instance dépendant de lui pour de nombreuses procédures plus ordinaires que le crime d’assises, de l’expulsion locative au surendettement. De quoi envenimer le quotidien d’habitants dont beaucoup passent par l’aide juridictionnelle pour défendre leurs droits. Chaque procédure fait traîner le reste, quand elle n’en ouvre pas une nouvelle. Exemple parmi d’autres : sans décision du JAF dans une procédure de divorce, impossible de demander un logement social ou de percevoir des allocations familiales. «Certains se domicilient ailleurs, dorment dans leur voiture ou continuent de vivre sous le même toit», poursuit Sophie Combes. Un «déni de justice» pour Perrine Crosnier, avocate à La Courneuve depuis trente-cinq ans. Elle doit régulièrement expliquer à ses clients pourquoi ils doivent attendre : «Comment avoir confiance en la justice, puisque quand ils ont l’idée d’y recourir il ne se passe pas grand-chose ? De tels délais entretiennent le sentiment d’abandon. Il faudrait des zones judiciaires prioritaires : que les gens aient au moins le sentiment d’être traités sans discrimination.»

Une autre procédure, aux prud’hommes celle-là, occupe la vie du même Monsieur P. depuis deux ans. Les juges ont désigné un juge professionnel au mois d’août. Aucune date d’audience n’a été fixée depuis.

 

A Nancy : «J’ai peur que cette situation  ne décourage de travailler pour la justice»

Couvert de vitres, le bâtiment marron, construit en 1982, fait figure d’ovni architectural dans le quartier résidentiel du parc Sainte-Marie de Nancy. On y accède par une passerelle en béton. Chaque jour, entre 700 et 800 visiteurs passent le portique de sécurité, pourtant «nous avons obtenu l’agrément d’ouverture au public il y a seulement quatre ans», s’amuse Maurice Schreyer, secrétaire régional adjoint de CFDT Interco Lorraine. Dans le hall, quatre ascenseurs. Seuls deux sont en état de marche. «Les deux autres ont cessé de fonctionner au début des années 2000», explique le juge pour enfants Eric Bocciarelli, représentant local du Syndicat de la magistrature (SM). Au deuxième étage, dans la salle d’attente du juge des affaires familiales (JAF), une latte du plafond, manifestement tombée, est posée sur le bord de la fenêtre. Les murs sont fissurés, les sièges abîmés, les stores défectueux. «Imaginez un couple en plein divorce qui se retrouve dans cet espace avant de passer devant le juge…» fait remarquer Romaric Pierre, greffier au service accueil du tribunal. Dans les couloirs, le ciment est apparent sous les dalles manquantes, la peinture des murs écaillée, de nombreuses fissures et autres infiltrations apparaissent le long des cloisons. «Le bâtiment a été construit sur des marécages, explique Maurice Schreyer, il est composé de trois tours qui jouent entre elles, et la Cité s’enfonce.» Du côté du juge pour enfants, les murs des toilettes sont maculés de tags injurieux, les plafonds ont été partiellement brûlés au briquet. Au troisième étage, une cafeteria a été improvisée pour le personnel. «C’est l’ordre des avocats qui a contribué financièrement à l’achat des pots de peinture», raconte Maurice Schreyer. «On est obligé d’avoir recours en permanence au système D mais il arrive un moment où la bonne volonté ne suffit plus», déplore Romaric Pierre.

Critique. La liste des indices qui révèlent la situation critique dans laquelle se trouve le tribunal de Nancy est longue : fils électriques qui pendent dans la petite bibliothèque aux maigres rayons, traces de suie autour de la porte d’une pièce incendiée il y a plus de dix ans, système informatique qui rame, affichettes faites à la main… En cause, la baisse continue du budget de fonctionnement. «Il est de 72 000 euros cette année. En trois, quatre ans, il a chuté de 40 %», explique Maurice Schreyer. «En juin, on n’aura plus d’argent, s’inquiète Eric Bocciarelli, nous sommes proches de la cessation de paiement.» Maurice Schreyer renchérit : «Nous serions une entreprise privée ou un ménage, au mois de juin, on nous couperait tout et la justice nous condamnerait.»

Médecins et traducteurs payés au lance-pierres, certains experts non rémunérés depuis un an et demi… «J’ai peur que cette situation ne décourage les gens de travailler pour la justice», appréhende le magistrat. L’impact sur le personnel est lourd, et les effectifs en souffrance. «En dix ans, nous avons perdu dix postes alors que les réformes de la justice nous demandent de plus en plus de compétences et nous imposent toujours plus d’obligations sans nous donner les moyens», constate Maurice Schreyer. A Nancy, quinze postes sur les effectifs théoriques ne sont pas pourvus. «Au final, c’est le justifiable qui trinque», s’indigne Romaric Pierre. «Pour obtenir une décision du JAF, les délais sont passés de deux à quatre mois», affirme-t-il.

Double peine. Même son de cloche du côté des avocats, solidaires du cri d’alarme des magistrats contraints, selon lui, de procéder à «du replâtrage permanent» pour faire face au manque d’effectifs et de moyens. «Pour un simple litige qui devrait être réglé en deux mois, les délais de report vont jusqu’à neuf mois, sans compter les délais de rédaction de jugement, explique Frédéric Ferry, bâtonnier des avocats de Nancy. Pour le justiciable, c’est la double peine.» «Je ne peux pas être assisté d’un greffier alors que la loi en prévoit la présence à chaque audience, indique Eric Bocciarelli. Au départ, c’est ponctuel, puis l’exception finit par devenir la norme.» Dans les étages ou dans les salles d’audience borgnes car situées au sous-sol du bâtiment, «la justice quotidienne est rendue dans des conditions de plus en plus dégradées», s’indigne le juge pour enfants s’inquiétant qu’«aucune amélioration ne soit en vue» et reconnaissant qu’à l’échelle nationale, le tribunal de Nancy «ne fait pas figure d’exception».

Grégoire Biseau , Pierre Benetti , Sandrine Issartel (Correspondance à Nancy)

Direction la Floride

Il était à craindre que je m’encroûtasse un jour ou l’autre. Et ce jour est venu. Dernièrement, mon épouse et moi avons en effet réalisé un voyage de groupe en Floride, à Miami. Ca peut sembler a priori quelconque, mais c’est en fait un véritable séisme, en ce qui nous concerne ! Parce que pour nous, les voyages de groupe ont toujours été une hérésie. Jusque-là, nous étions toujours partis de notre côté, à l’aventure, élaborant nous-mêmes nos circuits, réservant nos billets d’avion, planifiant nos logements… C’était certes contraignant (surtout avant l’existence d’internet !), maias toute cette logistique nous faisait rêver, dans le même temps. Nous avons par moments eu pas mal de mauvaises surprises, mais même dans nos plans les plus galères (comme cette fois où nous nous sommes retrouvés en panne en pleine brousse, sans guide et sans téléphone), il ne nous est jamais venu à l’idée de voyager sans procéder de la sorte. Jusqu’à ce voyage à Miami. Parce que cette fois, mon épouse a eu la flemme. Pour une fois, elle voulait que quelqu’un se charge de toute la partie organisation. Soucieux d’éviter des frictions dans mon couple, j’ai donc diligemment fait appel à une agence spécialisée dans le voyage de groupe. Du coup, j’ai eu envie de vous présenter les principaux mérites et inconvénients de cette façon de voyager. Côté plus, j’ai fortement apprécié de laisser un professionnel qualifié se démerder avec le programme, et de rattraper les éventuels aléas une fois sur place parce qu’il connaissait les locaux. Si je devais mettre un bémol à ce voyage, c’est qu’on est par voie de conséquence moins libre de ses mouvements. Mais on ne peut pas avoir le beurre et l’argent du beurre, n’est-ce pas ? Et puis, pour tout dire, je n’ai pas vraiment eu un sentiment de contrainte, durant notre séjour. Notre guide a compris que tout le monde n’a pas forcément envie de rester H24 en groupe. A plusieurs moments, ma chérie et moi avons ainsi pu partir en excursion à deux pour souffler. Ces haltes nous ont permis de ne pas être ennuyés le reste du temps par la promiscuité avec les autres participants. En un mot comme en cent, ce voyage de groupe à Miami m’a agréablement surpris. J’ignore si les voyages de groupe se déroulent toujours de cette manière, mais l’agence à qui nous avons fait appel a vraiment fait un excellent travail de bout en bout. D’ailleurs, je vous mets un lien vers son site, pour ceux qui, comme nous, sont un peu frileux à l’idée de se lancer une telle entreprise (mais sont un peu tentés quand même). Retrouvez tous les détails pratiques sur le site du voyage groupe en Floride.

Miami

Au PCF, «l’objectif n’est pas un tour de piste à la Mélenchon et puis s’en va»

«François Hollande et son gouvernement peuvent et doivent être battus». Tous les communistes sont au moins d’accord sur cette phrase de leur secrétaire national, Pierre Laurent, qu’ils ont pu lire dans une «adresse», envoyée par le patron du PCF mercredi. En revanche, ça se corse quand il s’agit de la stratégie à adopter pour atteindre cet objectif : participer à la «primaire des gauches et de l’écologie» lancée dans Libération ? En organiser une autre sans le PS ? Rejoindre directement Mélenchon ?

L’itinéraire vers 2017 doit être balisé lors d’un conseil national organisé au siège du parti le 15 avril. «Notre démarche politique n’est pas simple, mais rien n’est simple à gauche en ce moment», en convient Marie-Pierre Vieu, membre de la direction du PCF et conseillère régionale Midi-Pyrénées. D’après elle, il faudra faire preuve d’un «devoir collectif de lucidité». Car tout le monde veut rassembler à gauche, mais chacun de son côté. D’après Pierre Laurent, «le périmètre des forces à rassembler, c’est toutes celles qui s’opposent à la loi El Khomri» – autrement dit, cette foule de gauche grandissante qui bat le pavé et sur laquelle lorgnent les partis et les personnalités en dehors des formations politiques.

«Clarification» demandée aux socialistes

Le patron du PCF note qu’il faudra les unir ces «forces», dans une seule et même «alternative». Sinon, 2017, c’est foutu : un deuxième tour droite-FN. Et, visiblement, c’est parti pour : «A l’heure qu’il est, la dispersion maximum reste le scénario le plus probable», écrit Laurent dans son «adresse aux communistes», plaidant pour une primaire à gauche. «Tout dépendra du périmètre de la primaire», nuance Vieu. «Je comprends que les socialistes en rupture avec le gouvernement aient envie d’en être, je comprends qu’ils soient attachés au PS mais ils doivent aussi savoir que ce sera compliqué pour les communistes de s’inscrire dans une primaire qui pourrait accoucher d’une ligne social-libérale. Il y a une clarification à faire en interne au PS avant», poursuit l’élue communiste. La primaire devra, selon elle, faire «émerger une voix originale, une candidature commune et parlante». Et si c’était celle de Nicolas Hulot ? «Pierre Laurent a déjeuné avec lui, comme il le fait avec des intellectuels et d’autres personnalités. Beaucoup de choses se disent au sujet du PCF en ce moment», confie-t-elle.

Pour l’instant, au PCF, on veut monter des «initiatives majeures et innovantes» pour constituer «un nouveau front populaire et citoyen» avec l’écologie politique, les syndicats, les travailleurs, le monde de la culture… Il s’agit, sinon de ressusciter, au moins de revitaliser le Front de gauche. Cette structure fondée aux européennes de 2009 et présente à la présidentielle de 2012 mais que Jean-Luc Mélenchon ne cesse désormais de qualifier de «cartel de partis», «moribond» depuis qu’il a «proposé» sa candidature sur TF1, prenant de cours ses anciens amis et comptant sur le soutien sans faille de ses «insoumis». L’idée du PCF, c’est donc une sorte de «super Front de gauche», qui ratisse large, «sans sectarisme», insiste Olivier Dartigolles, porte-parole du PCF. Bienvenue à «tous ceux qui estiment que la gauche, ce n’est pas mort», dit-il. «L’objectif n’est pas un 2012 en mieux, un joli score, un tour de piste à la Mélenchon et puis s’en va. Pour nous, il s’agit de ne pas renoncer à l’idée d’une candidature de gauche au deuxième tour. L’atomisation de la gauche, c’est sa disparition assurée des écrans radars, la fin de l’idée même de gauche !», poursuit le communiste.

«Responsabilité» demandée à Mélenchon

Et même si Mélenchon «met ses pas dans ce que la Ve République produit de pire en termes de présidentialisme à outrance, entretenant l’idée que le peuple a besoin d’un homme providentiel tous les cinq ans», le PCF «continuera de lui tendre la main». C’est la réponse du berger à la bergère. Si Mélenchon veut rassembler, qu’il se rallie à eux. «C’est maintenant que se jouent les convergences», insiste Dartigolles qui prévient : «chacun va devoir prendre ses responsabilités». Un message envoyé à Mélenchon qui souhaite que les communistes le rejoignent sans passer par la case primaire. Son Parti de gauche avait ainsi lancé une première «adresse», aux autres forces de gauche, il y a dix jours, pour qu’elles soutiennent l’ex-candidat Front de gauche à la présidentielle (11,1% en 2012) déjà parti en campagne.

En attendant le dénouement, le PCF va se lancer dans une grande consultation citoyenne. L’objectif est ambitieux : discuter sur la base d’un questionnaire de plusieurs pages établi par le parti avec 500 000 personnes d’ici la fin de l’été. «Il s’agit de définir avec les citoyens les conditions essentielles d’une politique de gauche, de faire remonter ce que veut ce peuple de gauche pour élaborer un socle politique commun sur lequel le candidat qui émergera de la primaire devra s’engager», explique Dartigolles. Lui-même, conseiller municipal à Pau, emmènera une cinquantaine d’exemplaires pour son prochain séjour dans les Pyrénées-Atlantiques. Il a d’ores et déjà calé des rendez-vous avec des personnalités locales du monde associatif et syndical. Puis il installera «une table sur le marché», fera les «gares et les cages d’escalier». «Un travail passionnant», anticipe Dartigolles : «On va se prendre toute la colère et la désespérance. L’austérité brime l’imaginaire, là on repart sur le terrain avec des questions ouvertes du type : qu’est ce qui est important pour vous dans la vie ?»

Les législatives plus importantes que la présidentielle ?

Une démarche qui fait grincer des dents dans les rangs communistes, pourtant habitués, depuis que Laurent a pris la tête du parti en 2011, à être plutôt calmes. «Il consulte les citoyens mais ne consulte pas les communistes quant à la participation à la primaire !», déplore Francis Parny, qui a quitté la direction du parti après avoir été un proche de Laurent. L’homme a lancé une pétition sur Internet pour que les communistes soutiennent la candidature Mélenchon. Elle atteint presque 1 000 signatures, «des militants de base qui ont envie de retrouver l’effort collectif autour d’un candidat !», s’enthousiasme-t-il. Jeudi, des militants de Ensemble!, autre composante du Front de gauche emmenée par Clémentine Autain, appelaient aussi à se ranger derrière Mélenchon. Ces soutiens viennent après celui d’ex-socialistes appelant récemment dans Libération à rejoindre le député européen.

Parny est remonté, il a décortiqué l’adresse de Laurent : «La bonne nouvelle c’est qu’il nous annonce que François Hollande n’est pas le candidat des communistes mais il ne dit pas qui le sera !» D’après lui, la présidentielle «n’intéresse plus» le secrétaire national qui «mise tout» sur les législatives. «Chaque section doit mener des états généraux pour désigner des candidats. Mais quand ils feront du porte-à-porte, ils ne sauront pas dire qui ils soutiennent pour l’Elysée ? Ce n’est pas crédible ! Pierre Laurent dissocie les deux élections, à croire qu’il ne sait plus dans quelle République on est ! Il veut sauver le groupe parlementaire, sauver le Front de gauche, mais c’est le meilleur moyen de tout perdre.» Quant à la primaire à gauche, le communiste fâché avec la ligne du parti estime que «c’est un leurre» : «Les socialistes savent que Hollande sera candidat, comme tous les sortants, et qu’il perdra. Car s’il n’y allait pas, ce serait un aveu d’échec pour lui et son parti. Les socialistes jouent actuellement l’après 2017, le contrôle du PS.» Et les communistes, eux, une partie de leur avenir. Leur 37e congrès, organisé du 2 au 5 juin à Aubervilliers devrait décider de la route qu’ils empruntent. 

Noémie Rousseau

Cambadélis : «Nous présentons nos excuses aux Français»

François Hollande revient sur ses pas. Confirmant des informations de Libération, le président de la République a annoncé mercredi qu’il ne convoquera pas de Congrès pour réviser la Constitution et donc n’y inscrira ni l’état d’urgence ni la déchéance de nationalité pour les terroristes. Dans la foulée, Jean-Christophe Cambadélis s’est présenté devant la presse. Le premier secrétaire du PS a déclaré : «Nous présentons nos excuses aux Français.» Pour cause, le débat sur la déchéance de nationalité embrouille les esprits et fracture le PS depuis des mois.

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Selon Cambadélis, «les Français ne peuvent qu’être consternés par ce triste spectacle d’une représentation parlementaire incapable de faire la paix, même pour combattre efficacement le terrorisme.» Le patron socialiste accuse la droite qui a choisi «un autre cheminement rendant impossible l’accord des deux assemblées, alors qu’elle avait fait de la déchéance de nationalité pour les binationaux une condition de son engagement». Un échec qui irrite le député PS Christophe Caresche : «Quand tout le monde appelait à l’unité nationale, les manœuvres politiciennes de tous côtés l’ont emporté en pleine menace terroriste. Nullissime», explique-t-il sur Twitter.

L’abandon de la déchéance et du Congrès laisse des regrets à Jean-Christophe Cambadélis. Ce n’est pas le cas de tous les socialistes. Notamment les frondeurs. Benoît Hamon est «très heureux de la décision du Président d’abandonner la déchéance de nationalité». Christian Paul, lui, guette les cicatrices : «Quatre mois d’une infernale controverse : un fiasco politique qui a abîmé nos principes. Il était plus que temps de tourner la page.» De son côté, la sénatrice Marie-Noëlle Lienemann, qui publie un livre au titre moqueur, Merci pour ce changement, se pose une question : «La déchéance de nationalité dans la Constitution est une erreur évidente depuis le début. Pourquoi François Hollande est-il resté sourd si longtemps ?»

Rachid Laïreche

FBI vs Apple, pirates, Pakistan, Cuba : l’actualité de ce mardi matin

FBI vs Apple. Les enquêteurs travaillant sur l’attentat de San Bernardino (Californie) ont réussi à débloquer, sans l’aide d’Apple, l’iPhone d’un des auteurs de l’attaque, selon un document transmis à la justice par les autorités américaines. Elles y demandent l’annulation de l’injonction judiciaire du 16 février, avec laquelle elles avaient tenté d’obliger Apple à aider les enquêteurs à pirater le téléphone (photo AFP).

Pirates somaliens. Sept pirates somaliens accusés du meurtre de Christian Colombo sur son catamaran dans le golfe d’Aden en 2011 comparaissent à partir de ce mardi. Un procès inédit, un récit à lire ici.

Pakistan. Après l’attentat perpétré dimanche à Lahore, dans lequel sont mortes 72 personnes, un retour sur le calvaire de la communauté chrétienne dans ce pays.

Brésil. Le ministre brésilien du Tourisme a annoncé hier soir sa démission, après l’appel du vice-président Michel Temer, chef du parti centriste PMDB, à rompre avec la chef de l’Etat de gauche Dilma Rousseff, menacée de destitution.

Cuba. L’ex-président cubain Fidel Castro a pris la plume lundi pour répondre aux «paroles sirupeuses» du président américain Barack Obama, qui avait appelé à des changements dans le pays communiste lors de sa visite historique la semaine dernière à La Havane. Dans cette longue lettre, Castro ironise sur le discours prononcé par Barack Obama le 22 mars et vante l’autonomie cubaine : «Nous n’avons pas besoin que l’empire nous fasse cadeau de quoi que ce soit.»

Cyclisme. Le coureur cycliste belge Daan Myngheer, 22 ans, victime d’un infarctus samedi lors de la première étape du Critérium international autour d’Ajaccio, est décédé hier à l’hôpital d’Ajaccio, a annoncé son équipe, Roubaix Métropole Lille.

Décès de l’écrivain et académicien français Alain Decaux à 90 ans

L’écrivain, biographe et académicien Alain Decaux est décédé dimanche à l’Hôpital Georges-Pompidou à Paris, à l’âge de 90 ans, a annoncé à l’AFP son épouse, Micheline Pelletier-Decaux.

À partir des années 1950, ce formidable conteur, auteur d’une soixantaine d’ouvrages, a incarné l’histoire à la radio et à la télévision, où il a créé plusieurs émissions célèbres.

AFP

Fin des bouches cousues pour les Iraniens de Calais

Après vingt-quatre jours bouche cousue, neuf Iraniens de la «jungle» de Calais viennent de mettre fin à leur grève de la faim. Mokhtar, enseignant, Esmaïl, cadre dans la pétrochimie, Mohammad, mécanicien dans l’aéronautique, Hamed, vendeur de voitures, Davoud, agent immobilier et tatoueur, Sassan et Hossein, étudiants, Réza, prof de body-building, et Mohammad Réza, joaillier, installés dans l’ancienne cabane des No Border réclamaient, entre autres, «l’arrêt de la démolition de la jungle», mais aussi «la sécurité», «un représentant des Nations unies pour parler avec nous». Ce qu’ils ont obtenu? Selon leur communiqué, ils disent considérer comme une «victoire», le fait que le gouvernement «ait été obligé d’abandonner le projet de démantèlement de la zone nord de la jungle» et de «commencer à améliorer […] la sécurité, l’accès aux soins, l’accès au droit, l’assistance pour les personnes vulnérables, notamment les mineurs, l’accès à l’eau potable et la construction d’une route pavée afin de permettre aux services d’urgence d’entrer dans le camp». Ils poursuivent: «Nous exhortons l’Etat à respecter ces engagements et à rompre avec la pratique d’annonces politiciennes auxquelles il nous a tristement habitués.» Ils ajoutent: «Nous avons décidé de mettre fin à notre grève de la faim, non pas en réaction aux négociations avec l’Etat français, mais par respect pour ceux qui nous soutiennent, qui sont inquiets pour notre bien-être, ainsi que comme preuve de confiance dans les intentions de l’Etat de nous protéger et d’améliorer les conditions de vie des habitants de la zone nord du bidonville.»

 «On est content qu’ils arrêtent»

Les neuf grévistes de la faim ont rencontré à cinq reprises des représentants de la Direction départementale de la cohésion sociale qui leur a proposé des solutions d’hébergement, identiques à celles mises à disposition de tous les migrants de la jungle, mais aussi «la possibilité d’être représentés dans des réunions hebdomadaires», des rencontres avec l’Ofpra (Office français de protection des réfugiés et apatrides) et des responsables du Home Office -le ministère de l’Intérieur britannique-, ainsi que des explications sur le système d’empreintes palmaires à l’entrée du centre d’accueil provisoire -les conteneurs blancs-, système qui fait craindre aux migrants d’être identifiés à leur arrivée au Royaume-Uni.

Les exilés Iraniens disent avoir aussi rencontré des représentants de l’UNHCR (l’Agence des Nations unies pour les réfugiés) et du Défenseur des droits. «Ils nous ont assurés qu’ils publieraient des rapports sur les conditions de vie dans le bidonville.»

Pendant vingt-quatre jours, les neuf Iraniens n’ont consommé que de l’eau, des jus de fruit et des bouillons salés. «Ils sont très affaiblis, ont beaucoup maigri. Leur état n’est pas catastrophique, mais on est content qu’ils arrêtent», indique Olivier Marteau, responsable de Médecins sans frontières à Calais, l’ONG qui les a suivis. Les neuf hommes, dont un n’a que 17 ans, s’étaient cousu la bouche par leurs propres moyens. Leur communiqué débute par un hommage aux victimes des attentats de Bruxelles, et des condoléances aux habitants de la capitale Belge. Ils ont ajouté: «C’est cette même violence que les habitants de la jungle ont fui.»

Haydée Sabéran Lille, de notre correspondante