À trois jours du premier tour, le dernier débat télévisé de la primaire initiée par le PS s’est crispé jeudi autour des attaques vis-à-vis de l’homme qui monte, Benoît Hamon, avant que les candidats unissent leurs armes contre la menace Emmanuel Macron. L’imminence du verdict poussait les sept candidats à se démarquer en profitant de l’exposition de ce troisième débat décisif diffusé sur France 2, Europe 1, LCP et TV5 Monde. Benoît Hamon, qui paye sans doute sa bonne dynamique dans les sondages, a vu d’emblée sa proposition phare, le revenu universel d’existence, ciblée par plusieurs de ses concurrents, notamment pour son coût jugé démesuré.
Manuel Valls, recentrant sa campagne après un début très à gauche qui a brouillé son image, a ainsi dit ne pas vouloir d’une « gauche qui fait des promesses à crédit, pour ne pas qu’elle perde demain son crédit ». Arnaud Montebourg, donné au coude-à-coude avec Benoît Hamon pour une qualification pour le deuxième tour, a renchéri sur les 300 milliards pour financer le revenu universel : « On dit qu’on va prendre d’abord aux riches, et finalement, quand on s’aperçoit que ça ne suffit pas, c’est le coup de bambou fiscal pour les classes moyennes et les classes populaires », a-t-il poursuivi, s’attirant une récrimination outrée de Benoît Hamon : « Tu n’as pas le droit, ce n’est pas sérieux. » Les attaques dont il a été l’objet ne l’ont pas affaibli aux yeux des téléspectateurs si l’on en croit le sondage Elabe pour BFM TV : pour ceux qui ont vu le débat, Hamon est ainsi apparu le plus convaincant (29 %) devant Montebourg (28 %) et Valls (21 %).
Ennemis communs
Le thème du protectionnisme a aussi permis à certains d’afficher leurs divergences. Arnaud Montebourg a ainsi épinglé « le gouvernement qui a été dirigé par Manuel Valls », coupable selon lui d’avoir choisi une entreprise allemande pour remplacer le Famas, le fusil d’assaut français, « sans lui demander de travailler en France ». Après un premier débat très policé et une deuxième joute plus animée, le troisième round a été émaillé de petites escarmouches, sous les yeux de François Hollande, téléspectateur à Charleville-Mézières. Quand Manuel Valls demandait à Vincent Peillon de se livrer à « l’exercice intellectuel » de se souvenir qu’il avait contribué à la réduction des déficits, l’ex-ministre de l’Education a répliqué : « Je suis obligé de dire quand même que le plus dur a été fait avant ton arrivée. » « Il ne faut pas faire la guerre tout le temps et à tout le monde », a encore lancé Vincent Peillon un peu plus tard au même Valls, qui avait qualifié lundi de « déclaration de guerre » les propos de Trump sur l’Europe. « Vincent Peillon me rappelle parfois mon vieux professeur », s’est agacé l’ex-Premier ministre.
Mais certains sujets ont aussi fait consensus, comme la nécessaire amélioration de l’hébergement des SDF, ou le rejet de Bachar el-Assad. Et le nom des ennemis communs a été rappelé, Arnaud Montebourg estimant que cette fin de quinquennat était « la dernière station-service avant le lepénisme », et Manuel Valls rappelant qu’en matière de sécurité, le débat les opposait tous d’abord « à la droite ».
Sondages et suffrages
C’est surtout Emmanuel Macron qui a scellé l’union des candidats en fin d’émission. Un retrait du vainqueur de la primaire au profit d’Emmanuel Macron ? « Il nous opposera les sondages, moi je lui opposerai la légitimité d’un suffrage démocratique », a dit Benoît Hamon. « Il y a les sondages et il y a les suffrages », a répliqué Arnaud Montebourg, reprenant à propos de son successeur à Bercy le mot fameux de Martine Aubry : « Quand c’est flou, il y a un loup. » « Il faudrait se retirer, au nom des sondages ? » a asséné Manuel Valls, fustigeant « des forces politiques, des forces de presse, qui veulent empêcher que cette primaire se passe dans de bonnes conditions ». Emmanuel Macron avait pris soin de jeter une pierre dans le jardin socialiste en présentant son plan pour les législatives, en clamant haut et fort qu’il n’y aurait « aucun accord d’appareils ». Jean-Luc Mélenchon s’est lui rendu en meeting à Florange, dont les hauts-fourneaux sont devenus le symbole des promesses et des aléas du quinquennat Hollande.