Hamon-Montebourg, le duel des programmes : le travail (1/4)

En annonçant à cinq jours d’intervalle leur candidature à la primaire de la Belle Alliance populaire, Benoît Hamon et Arnaud Montebourg ont suscité une certaine incompréhension : pourquoi diable les deux amis, ténors de l’aile gauche du PS, proches des frondeurs et évincés du gouvernement en même temps ont-ils décidé de jouer chacun leur propre partition ? Deux prétendants pour une même ligne politique, voilà un choix parfaitement incongru.

Après six mois de campagne, durant lesquels les deux candidats ont construit, exposé, affiné leur programme respectif, le constat est clair : Hamon et Montebourg ont beaucoup plus de divergences qu’il n’y paraissait. Plus encore, ils nous livrent, sur certaines thématiques, deux visions parfaitement opposées, notamment sur le travail. Cette question est, pour l’un comme pour l’autre, à la base de leur projet politique.

« Raréfaction du travail »…

Partout où il est invité, Benoît Hamon ne cesse de le répéter : dans les années à venir, en raison de la révolution numérique et technologique, la France connaîtra un phénomène important de « raréfaction du travail ». « Bientôt, quand vous ferez vos courses, vous passerez sous des portiques qui scanneront vos articles. Mais il n’y aura plus de caissières », prophétise-t-il sur le plateau de L’Émission politique sur France 2. Chez Hamon, ce constat vient irriguer la plupart de ses propositions en matière d’économie ou de protection sociale, comme l’illustre sa réforme majeure : la mise en place du revenu universel de base.

Convaincu que le travail « est trop souvent synonyme de souffrance et de perte de sens », l’ex-ministre de l’Éducation revendique la possibilité pour tous de choisir librement ses horaires pour se consacrer à d’autres activités. Il préconise, en ce sens, « un droit inconditionnel au temps partiel accompagné d’une compensation salariale », en incitant financièrement les entreprises à réduire le temps de travail des salariés qui le souhaitent, via notamment une réaffectation des crédits du CICE. Grâce à cette stratégie, celui qui est passé par le cabinet de Martine Aubry au moment de la réforme des 35 heures parie in fine sur une réduction du taux de chômage. En somme, comme il nous le confiait dernièrement, Benoît Hamon « essaye de mettre en œuvre un processus de désintoxication du travail pour la société ».

… Versus « Société du travail »

Tout le contraire, finalement, d’Arnaud Montebourg. Mercredi matin, l’ex-ministre du Redressement productif a convié la presse dans un bar du 10e arrondissement, sur les berges du canal Saint-Martin, pour présenter son programme économique chiffré. Son titre laissait peu de doutes sur l’orientation générale adoptée par le candidat : « Manifeste économique pour la société du travail ». Tout au long de son allocution, le chantre du « made in France » a donné le sentiment de vouloir se démarquer de son meilleur ennemi dans cette primaire de la gauche, sans jamais le nommer. « Des générations entières ont fait la France. Comment ? Par le travail », a-t-il clamé, avant de se comparer – humblement – à Victor Hugo : « Je suis finalement un petit peu comme Victor Hugo quand il exaltait le travail fier ! Moi je crois à la société du travail parce que c’est l’outil de la dignité du citoyen. » Et d’ajouter, quelques minutes plus tard : « Plutôt qu’annoncer la fin du travail, je préfère la fin de l’austérité ! »

Sur cette question, la fracture avec Hamon est claire, et confirmée par l’un des lieutenants d’Arnaud Montebourg : « Toutes les études le disent, il n’y aura pas de chômage technologique de masse. Et la gauche ne gagnera pas sur la question de la raréfaction du travail. » Ce n’est donc pas par la réduction du temps de travail que le natif de la Nièvre compte faire baisser le chômage, mais en créant ce qu’il appelle « la société des trois contrats » : renforcer le contrat de travail en normalisant le CDI, mettre en place un contrat d’activité à durée indéterminée afin d’embaucher des demandeurs d’emploi dans le secteur de l’économie sociale et solidaire, et enfin élaborer un contrat de formation pour que chaque chômeur puisse se former pendant un an (Voir vidéo ci-dessous, à partir de 11’45). Couplé à une baisse de la CSG pour les petits salaires afin d’augmenter le pouvoir d’achat, ce dispositif entre dans un processus global de relance économique par la demande.

Des points communs

S’ils mettent en avant leur opposition sur leur rapport au travail, Benoît Hamon et Arnaud Montebourg gardent en revanche un certain nombre de revendications communes, issues de la tradition idéologique à laquelle ils appartiennent. Tous deux promettent, une fois arrivés au pouvoir, d’abroger dans les plus brefs délais la loi El Khomri, que Hamon a par ailleurs combattue sur les bancs de l’Assemblée nationale l’été dernier. Pour l’un comme pour l’autre, la « loi travail » fait « travailler plus pour gagner moins » et encourage les licenciements. Hamon et Montebourg sont sur la même longueur d’onde sur la question des droits des travailleurs : ils proposent chacun de réguler « l’ubérisation de la société » en obligeant les sociétés à prendre en charge la protection sociale de leurs collaborateurs et d’élargir la représentation des salariés dans les conseils d’adminisration des entreprises.

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