Pressé d’en découdre, il frappe le sol avec sa canne. Assis entre son avocat Frédéric Joachim et son conseiller Lorrain de Saint-Affrique sur les bancs de la salle d’audience du tribunal de Nanterre, Jean-Marie Le Pen, 88 ans, est impatient de continuer la guerre qu’il mène depuis plusieurs mois contre sa fille. Ce mercredi après-midi, il réclame une nouvelle fois l’annulation de son exclusion du parti et son indemnisation à hauteur de 2 millions d’euros pour le préjudice subi à la suite de son exclusion.
Le « Menhir » avait été suspendu du FN en mai 2015, puis exclu en août de la même année, en raison notamment de ses propos réitérés sur les chambres à gaz, « détail » de l’histoire de la Seconde Guerre mondiale, qui lui ont valu en avril une condamnation à 30 000 euros d’amende, ou de sa défense du maréchal Pétain. Des provocations jugées nuisibles à la stratégie de « dédiabolisation » menée par sa fille à la tête du parti. Et comme toujours quand il s’agit d’un procès entre personnalités politiques, les argumentaires des deux parties étaient plus destinés aux journalistes qu’aux magistrats chargés de juger l’affaire.
« Et ça veut gouverner la France, ça ? »
Côté Jean-Marie Le Pen, on a cogné là où ça fait le plus mal. Joachim a notamment pointé les « couacs » de procédure du bureau exécutif « irresponsable et incompétent », ce « bureau exécuteur », auteur, selon lui, d’une « purge stalinienne ». « Et ça veut gouverner la France, ça ? », a-t-il répété à plusieurs reprises. Une attaque qui fait mouche puisque l’inexpérience et l’amateurisme des cadres du FN est un des arguments les plus récurrents contre son arrivée au pouvoir. Il s’en est également pris au nouveau FN, cette « coterie d’ambitieux » qui a remplacé l’esprit de franche camaraderie de naguère. Joachim n’a pas oublié d’accuser Marine Le Pen de « parricide », considérant que le livre Pourquoi j’ai mangé mon père était « prophétique ».
De son côté, Me Georges Sauveur, l’avocat du Front national, a déplacé le débat sur le fond, pour montrer à quel point le parti désapprouve les dérapages révisionnistes de son fondateur. Homophobie, révisionnisme, antisémitisme, il a égrainé les multiples sorties médiatiques qui ont nui au parti. « Oui, ces propos constituent des motifs graves qui justifient une exclusion. Il a été condamné ! » L’avocat a également cité de nombreuses déclarations critiques de Jean-Marie Le Pen envers la direction du FN et sa ligne politique. « Aujourd’hui, c’est M. Le Pen qui est devenu un détail de l’histoire du Front national », a-t-il conclu.
J’ai « cru entendre l’avocat du Mrap »
« Détail »? « Nous sommes tous destinés à ça, quand nous partirons dans une caisse en bois », a ironisé Jean-Marie Le Pen à la sortie de l’audience, en faisant remarquer qu’en écoutant la défense du FN, il avait « cru entendre l’avocat du Mrap », association antiraciste et l’un de ses principaux adversaires devant les tribunaux depuis des décennies.
C’était la quatrième fois que Jean-Marie Le Pen affrontait au tribunal le parti qu’il a longtemps incarné. À trois reprises l’an dernier, la justice lui a donné raison. D’abord en annulant sa suspension puis en suspendant, par deux fois, le congrès par correspondance censé supprimer son statut de président d’honneur. Le tribunal de grande instance de Nanterre rendra sa décision le 17 novembre. Quel que soit le verdict, Jean-Marie Le Pen sait qu’il ne sera politiquement jamais réintégré. Mais il continuera, tant qu’il le peut, à essayer de détruire la créature qui lui a échappé.