Très affecté, Hervé Mariton s’est effondré en sortant du studio de RTL, jeudi matin. L’homme, qui s’était engagé dans la course aux parrainages, n’a guère envie de recevoir les « condoléances » et évitera les réunions publiques ces jours-ci, hormis le conseil municipal dans sa ville de Crest. Il était le plus libéral des candidats pressentis pour disputer la primaire de la droite. Au lendemain de sa disqualification, il a pris sur lui pour déjeuner avec Le Point et évoquer la suite… Il prépare du reste la parution d’un livre numérique, car il ne renonce pas à instiller quelques-unes de ses idées dans le programme de celui qu’il ralliera.
« Je choisirai, en effet, de me rallier à un candidat, car je considère que c’est ma responsabilité politique. Je vais discuter avec tous les candidats sans préjugés », indique-t-il au Point. Il met en garde ses amis sur les chances du camp adverse : « Pour Hollande, ce sera sans doute très difficile, mais je n’enterre pas la gauche. Sarkozy n’aime pas que je le lui rappelle, mais la droite n’a pas gagné les régionales – elle a stagné – et la gauche a eu de beaux restes. Macron est un candidat à prendre au sérieux et la victoire de Marine Le Pen n’est plus improbable. »
Reste pour lui à se repositionner. Qui choisir ? « Techniquement, comme me disent mes équipes, je suis, sur le plan des idées, le plus proche de Fillon. Mais j’ai des divergences avec Fillon. Sa conception de sa liberté demeure étatique. Elle est concédée, la mienne vient du bas vers le haut. Sur le mariage pour tous, il n’est pas sur l’abrogation pure et simple, mais sur une réécriture. S’il a renoncé au souverainisme en France, il déplace cette approche souverainiste au niveau de l’Europe. C’est aussi une différence entre nous. Enfin, nous ne sommes absolument pas d’accord sur le dossier syrien et l’alignement qu’il souhaite sur la politique de Poutine. »
Les troupes de Mariton semblent partagées au moment de choisir leur nouvelle écurie. Le candidat le plus proche sur le plan sociétal était Jean-Frédéric Poisson, comme lui partisan d’une abrogation pure et simple de la loi Taubira. Mais Poisson n’est pas libéral…
« Mon élimination pose des problèmes à Bruno Le Maire, qui pensait ainsi que, grâce à ma candidature, il passerait devant Fillon », glisse-t-il. Les deux hommes entretiennent des « rapports tendus » depuis qu’ils ont ferraillé pour la présidence du parti en 2014. De même, on ne sent pas entre Mariton et les soutiens de Sarkozy une franche cordialité. Le député de la Drôme estime que ses parrains éventuels ont « subi des pressions » de l’entourage de Nicolas Sarkozy. « Chez Sarkozy, on ne voulait pas de ma candidature », lance-t-il. Avec Juppé, il a toutefois peu d’accointances programmatiques, mais Mariton se laisse des marges de négociation.
La politique du logement, un « mal français à l’état pur »
Dans son livre Le Printemps des libertés, paru au printemps aux éditions L’Archipel, Hervé Mariton était le seul à préciser où il réaliserait les 100 milliards d’euros d’économies sur la dépense publique (pages 95 et 96). « Nous avons un levier fort : revoir complètement la politique du logement. Ce sont 15 milliards d’euros par an en pure perte. Il faut passer de la logique actuelle de l’aide à la pierre à l’aide à la personne. Je n’invente rien, Raymond Barre le disait déjà il y a 40 ans. »
Selon lui, la logique actuelle illustre le « mal français à l’état pur » qui conjugue « étatisme et inefficacité ». « Les trois quarts des ménages défavorisés n’habitent pas en HLM, tandis que de nombreux ménages aisés parviennent à en bénéficier, » écrivait-il dans son livre. « Réformer ce système inepte d’aides publiques exigera de se heurter à deux lobbys puissants : celui des HLM et celui de l’immobilier, lequel en retire un revenu certes modeste, mais qui a l’avantage d’être régulier, » reprend-il aujourd’hui. Voilà l’une des idées qu’Hervé Mariton pourrait mettre en balance moyennant son ralliement.
« Une charte de la laïcité »
Sur les questions identitaires, Hervé Mariton ne tranche pas clairement entre l’assimilation (chère à Nicolas Sarkozy) et l’intégration (position juppéiste). « Je me sens un peu entre les deux. Ma mère était juive d’Algérie. Elle est le symbole de l’assimilation réussie au point de baisser la voix quand elle parlait de religion. Éric Zemmour a raison de poser la question des prénoms. Notre famille a opté pour des prénoms chrétiens. Mais je mesure aussi ce que cette amputation des origines a de douloureux. Il y a sans doute un juste milieu à trouver. »
Sur la question de la laïcité et du rapport de l’islam à la République, ses positions sont un peu plus proches de celles de Juppé qui propose, comme lui, une « charte de la laïcité ». Toutefois, contrairement à Juppé, il n’a aucune confiance en Tareq Oubrou et dénonce avec vigueur les élus qui, par électoralisme, ont favorisé le communautarisme. « Les évangéliques se débrouillent pour financer leurs lieux de culte. Les musulmans sont assez nombreux en France pour payer la construction de leurs mosquées sans besoin de financement extérieur », estime-t-il. Il tolère l’idée qu’une mairie puisse concéder un bail emphytéotique aux associations cultuelles « mais à condition que cela soit au prix du marché, et non à l’euro symbolique », précise-t-il.