C’est un premier pas vers le contrôle des armes à feu aux États-Unis. Un projet de loi limitant l’accès de suspects terroristes à l’achat d’arme va pouvoir être examiné au Sénat américain, le camp démocrate ayant obtenu cette petite victoire d’endurance dans la nuit de mercredi à jeudi. Cet accord, qui pourrait mettre fin à une impasse parlementaire de plusieurs années sur la question des ventes d’armes aux particuliers, intervient dans le contexte de la tuerie d’Orlando (Floride), où un tireur isolé se réclamant du groupe djihadiste Daech a tué 49 personnes dans un bar gay.
Le tireur, qui avait été interrogé par le FBI à plusieurs reprises dans le cadre d’enquêtes sur « d’éventuels liens avec des terroristes » classées sans suite, avait acheté ses armes en toute légalité.
Un discours de 14 heures
Des élus démocrates, minoritaires au Sénat, ont lancé mercredi une obstruction parlementaire (« filibuster ») pour persuader leurs collègues d’accepter d’examiner un projet de loi interdisant aux personnes qui sont sur une liste de surveillance antiterroriste ou sur une liste d’interdiction de vol d’acheter des armes à feu.
« Je suis à bout », a déclaré le sénateur Chris Murphy, qui a mené cette obstruction. « Je vais garder la parole jusqu’à ce que nous obtenions un signe indiquant que nous pouvons nous rassembler » sur cette question, a ajouté l’élu du Connecticut (nord-est), où un déséquilibré avait tué 20 enfants dans une école en 2012. Soutenu par une quarantaine de ses collègues, le sénateur a défendu pendant quatorze heures la nécessité d’une plus grande réglementation de l’accès aux armes à feu.
À 1 h 53 du matin jeudi (5 h 53 GMT), il a crié victoire sur Twitter : « Je suis fier d’annoncer qu’au bout de plus de 14 heures, nous aurons un vote pour fermer la brèche terroriste » et sur la vérification des antécédents des acheteurs d’armes.
I am proud to announce that after 14+ hours on the floor, we will have a vote on closing the terror gap & universal background checks
— Chris Murphy (@ChrisMurphyCT) 16 juin 2016
Les dirigeants démocrates et républicains du Sénat se sont mis d’accord « pour avancer vers une mesure assurant que ceux qui figurent sur une liste de surveillance antiterroriste n’aient pas accès aux armes », a précisé Chris Murphy.
Des mesures plutôt que des prières
Le candidat républicain à la présidentielle Donald Trump a suggéré mercredi qu’il pourrait être favorable à ce texte, au risque de se brouiller avec le lobby des armes à feu et son parti. Clamant son soutien indéfectible au droit des Américains à porter des armes inscrit dans le fameux second amendement de la Constitution, il a annoncé qu’il allait « rencontrer des responsables du lobby des armes à feu (NRA), qui appuient (sa) candidature », à ce sujet.
Une mesure visant à empêcher l’achat d’armes et d’explosifs par des suspects terroristes avait échoué au Sénat en décembre, tous les républicains, à l’exception d’un seul, ayant voté contre. Mais les lignes bougent. « La prière et les pensées (affectueuses), ça ne suffit pas. Il est temps d’agir », a déclaré mardi le représentant républicain de l’Illinois (nord) Bob Dold.
Et le sénateur républicain Pat Toomey, à l’initiative d’un projet de loi élargissant les vérifications d’antécédents pour les acheteurs d’armes qui avait échoué en 2013 puis de nouveau l’an dernier, a oeuvré avec les démocrates pour parvenir au consensus dans la nuit de mercredi à jeudi.
90 % des terroristes passent à travers les mailles du filet
Outre les limitations visant les suspects terroristes, le Sénat s’est également mis d’accord pour examiner un amendement qui permettrait d’élargir les vérifications sur les antécédents des acheteurs d’armes sur Internet et dans les foires.
Selon un rapport gouvernemental, plus de 90 % des suspects terroristes ont réussi depuis 2004 à contourner ces vérifications, parvenant ainsi à se procurer des armes aux États-Unis. La majorité des républicains s’opposent à la limitation de ventes d’armes, même aux suspects terroristes, arguant que cela empiéterait sur les droits des Américains à porter une arme. Mais plusieurs sondages montrent qu’une majorité d’Américains est aujourd’hui favorable à ces limitations.