Le gaulliste François Fillon avait choisi un lieu symbolique pour donner ce soir une conférence à Berlin et rappeler aux Allemands son engagement européen et l’amitié qu’il porte à leur pays. Devant la fondation Adenauer, think tank des chrétiens-démocrates d’Angela Merkel, se trouve une sculpture en bronze : Konrad Adenauer et Charles de Gaulle se serrent la main. Il avait choisi aussi à un jour près une date hautement symbolique : on commémorait hier le 54e anniversaire de la signature des traités de l’Élysée qui, le 22 janvier 1963, marquait un pas décisif dans le rapprochement franco-allemand. Le candidat de la droite française à la présidentielle était venu dire qu’il faisait « le choix clair du couple franco-allemand. Car il est illusoire de vouloir transformer en profondeur le projet européen sans un lien étroit entre nos deux Nations ». Pour lui, « le salut de l’Europe est dans la lucidité, la solidarité et l’action. Et évidemment dans une solide amitié franco-allemande ». Une profession de foi qui ne pouvait que brosser dans le sens du poil les chrétiens-démocrates réunis dans l’hémicycle. Parmi eux, assis au premier rang, Hans-Gert Pöttering, 71 ans, membre de la CDU et ancien président du Parlement européen.
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Les migrants, point de désaccord
François Fillon, qui après avoir déjeuné avec la chancelière a rencontré le ministre des Finances Wolfgang Schäuble et la ministre de la Défense Ursula von der Leyen, a d’abord tenu à rassurer les Allemands qui, à longueur d’éditoriaux dans leurs journaux, déplorent la faiblesse de la France et son incapacité à réformer son économie en profondeur. François Fillon a plaidé pour un « sursaut européen », un nouveau départ avec en tête une France ayant retrouvé « sa voix et un leadership en Europe ». « Notre chômage de masse, notre incapacité à réduire notre dette, nos déficits commerciaux ne sont pas seulement des handicaps pour la France. Ils réduisent son poids politique sur la scène européenne et internationale », a-t-il déclaré, avant de promettre la mise en place de réformes.
Parmi les points de litige entre la France et l’Allemagne, François Fillon a cité le défi de la crise migratoire. Alors que l’Allemagne a accueilli plus d’un million de réfugiés et qu’Angela Merkel, fidèle à son engagement, refuse d’imposer un plafond clair à leur arrivée sur le territoire allemand, le candidat de la droite répète que « la France n’est pas un territoire sans limites : nous comptons 6 millions de chômeurs et près de 9 millions de personnes au-dessous du seuil de pauvreté. Ma position est claire : la France ne peut pas accepter plus de réfugiés. Le droit d’asile n’est pas le désordre migratoire. Les conditions économiques et sociales nous commandent la fermeté. » Des propos qui plairont à Horst Seehofer, chef de file de la CSU, l’aile catholique et bavaroise très conservatrice de la CDU d’Angela Merkel. Depuis des mois, Horst Seehofer tente d’imposer un plafond à l’arrivée massive de migrants en Allemagne. Malgré ces différences de vues, François Fillon plaide pour l’harmonisation des règles d’accueil et la création d’un droit d’asile européen.
Fillon ne croit pas aux sanctions imposées à la Russie
Autre sujet d’actualité : la sécurité. Avant de venir prononcer son discours à la fondation Adenauer, François Fillon était allé se recueillir sur la place où se tenait le marché de Noël, lieu de l’attentat terroriste avant Noël. Tandis que les Américains refusent de plus en plus de mettre leur puissance militaire au service des Européens, surtout depuis l’élection de Donald Trump, ceux-ci « doivent désormais assumer une part plus importante de leur sécurité » en augmentant, en particulier, les budgets de la défense.
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Quant à l’attitude à adopter vis-à-vis de Vladimir Poutine, François Fillon refuse que l’on isole la Russie et rappelle aux Allemands qui ont, Angela Merkel en tête, œuvré pour la mise en place des sanctions contre Moscou que « notre seule perspective ne peut pas être une confrontation larvée sous un régime de menaces et de sanctions ». La seule initiative franco-allemande concrète proposée par François Fillon à Berlin est d’ordre culturel : il souhaite la construction d’un musée de la civilisation européenne à Strasbourg, une « vitrine des chefs d’œuvre européens ».
À l’issue du discours, Peter Altmaier, directeur de la Chancellerie et très proche d’Angela Merkel (qui lui accorde toute sa confiance), a répété à plusieurs reprises qu’il parlait en tant que chrétien-démocrate et non en tant que ministre. Ce Sarrois jovial qui s’exprime parfaitement en français a salué le prochain président de la France. L’histoire ne dit pas si sa patronne est de son avis.