Les engagements d’après tempête pour une gestion des forêts plus proche d’un fonctionnement naturel ont duré le temps de l’intérêt des médias. Même si, dans son bilan 10 ans après, l’ONF peut montrer des applications concrètes sur le terrain d’un changement de pratique de régénération, les certitudes anciennes ont vite repris le dessus et les bonnes intentions été oubliées. Dans les financements, on l’a vu, rien n’a changé en termes d’orientation et, de plus, ces derniers continuent de diminuer régulièrement, hors reconstitution après tempête (Terrasse, 2004). Le thème du déficit de la balance commerciale et de la sous-exploitation redevient rapidement prioritaire, dans la continuité des politiques menées depuis les années 1960. Avec une nouvelle approche cependant, qui consiste à considérer l’augmentation de l’exploitation comme justifiée pour des raisons environnementales. Ainsi, Juillot (2003), dans son rapport de mission parlementaire « La filière-bois française : la compétitivité, enjeu du développement durable » considère–t-il que la multifonctionalité est « le compromis […] entre des objectifs contradictoires » mais que « l’essentiel au présent siècle n’est plus là ». Il y a « une nouvelle priorité : l’effet de serre ». Selon Juillot, cette nouvelle priorité met de côté l’impératif de gestion durable, tel que discuté jusqu’à présent : « Il ne s’agit donc plus ici de chercher à concilier des objectifs contradictoires, mais de contribuer directement grâce à la production et à la transformation du bois à un objectif environnemental essentiel pour la société ». Il n’y aurait donc plus de contradiction potentielle entre l’exploitation du bois et la protection de l’environnement. L’effet de serre chasse la biodiversité. Les chapitres suivants de son rapport parlent de certification des forêts et de communication. Il est clair que, pour la mission parlementaire, la certification améliore ou améliorera « la gestion en liaison avec les réels enjeux environnementaux les plus sensibles ». L’enjeu n’est plus aujourd’hui d’essayer d’atteindre la gestion durable, mais d’exploiter davantage pour l’environnement. Toutes les autres recommandations du rapport sont sur le sujet de la mobilisation et de l’utilisation du bois, notamment pour l’énergie. Ainsi, seulement 3 ans après les tempêtes, la gestion durable n’est plus au centre des débats forestiers. Avec l’argument de l’importance du bois comme produit de substitution aux produits émettant des gaz à effet de serre, son exploitation redevient un enjeu national. La mise en oeuvre de la gestion durable est elle considéré comme acquise ? En 1986, Debazac signalait déjà que le « mot “aménagement” a tendance à être accepté comme synonyme de “bonne gestion” ». La loi d’orientation de 2001 exigeait un document de gestion pour les forêts de plus de 10 ha sous certaines conditions, et au passage remplaçait le terme traditionnel de « plan d’aménagement » en « garantie de gestion durable », sans en modifier de façon conséquente le contenu environnemental et social. Dès le rapport Bianco, en 1998, la certification des forêts, s’appuyant sur cette « garantie », était censée apporter l’assurance complète que l’équilibre entre les trois fonctions de la forêt est atteint. Ce glissement sémantique s’avèrera dangereux. Ainsi, le « Programme Forestier National » (Ministère de l’Agriculture et de la Pêche, 2006), pourtant issu des engagements de la France suite à la conférence de Rio en 1992, initie-t-il la délégation de la bonne gestion, voire même des plans de gestion eux-mêmes, à la seule certification : « Par souci de simplification, des synergies seront recherchées entre les documents de gestion durable existants et la certification ». Le Ministère de l’Agriculture, lors du Grenelle de l’Environnement en 2007, a ainsi proposé de déléguer le contrôle et la mise en oeuvre des plans de gestion aux systèmes de certification, mais ces derniers ont alors – fort heureusement – refusé d’inverser les rôles entre exigence légale et démarche volontaire. Le groupe de travail sur « l’insuffisante exploitation de la forêt française », coordonné par Ballu (2008), rend un rapport « pour mobiliser la ressource de la forêt française » qui exprime très clairement cette idée qui est désormais devenue la norme : « déstocker en s’appuyant plus sur la certification de la gestion durable ». Cette idée n’est pas sans rappeler les recommandations analysées plus haut du Rapport Bianco (Bianco, 1998) concernant l’aspect contractuel et volontaire de la prise en compte de l’environnement.
Une revue de presse politique