Couture : un peu d’audace

Vendredi 23 juin, entre adoucissement des températures, barouf autour de la candidature de Paris aux Jeux olympiques de 2024 et embouteillages de toutes sortes, la fashion week masculine s’est étirée au rythme d’un joyeux bazar. Les défilés ont défendu des visions dynamiques et sensibles d’un vestiaire masculin qui n’est plus condamné à l’unique fonctionnalité. Et ce qui distingue Paris des autres capitales de la mode, c’est justement cette diversité des possibles. Quand Londres est en force sur le créneau jeune et excentrique et Milan sur celui d’un style plus normé et sérieux, à Paris, il y en a pour tous les goûts.  Ce champ d’expression libre est idéal pour la géniale Rei Kawakubo avec sa ligne Comme des Garçons Homme Plus. Les jeunes mannequins qui déboulent sur la scène inondée de lumières disco ont mis leurs vestes à l’envers, pour une collection dont le thème est « ce qui compte c’est l’intérieur ». Dans ce charmant désordre, tout fonctionne : shorts à paillettes, tee-shirts imprimés, longues chemises rayées, mosaïques de tartan, de peluches panthère, sculptures en « morceaux » de poupée de l’artiste Mona Luison incrustées dans des vestes (à l’endroit, celles-ci), gilets à broderies indiennes posées sur des vestes de banquiers… C’est farfelu et réjouissant, toutes les silhouettes font envie, de manière presque contre-intuitive tant chacune d’entre elles va puiser loin des codes de la mode masculine. Chaque pièce fait sens et porte en elle une poésie bizarre. La collection célèbre l’imagination, l’envie d’oser, de s’amuser, de s’exprimer autrement avec les vêtements sans passer pour un dingue. Et sinon, tant pis. Dans un monde qui se corsète toujours davantage, cette liberté est plus indispensable que jamais.  Mais à part l’énigmatique Japonaise, qui est capable, en l’absence de Martin Margiela, de concilier ainsi concept et vrais vêtements ? Le compatriote de Rei Kawakubo, Junya Watanabe, cultive une fausse banalité et donne une leçon de style sur le vêtement de travail. Pour l’exercice, il s’est assuré la collaboration de spécialistes du genre : Carhartt, le tailleur anglais Turnbull & Asser pour les chemises, ou encore Karrimor (marque britannique spécialisée dans les tentes et autres matériels de camping) dont deux sacs disséqués s’incrustent comme des carapaces sur des manteaux. Délavages, coupes strictes et millimétrées, multiplications de poches, combinaisons de toiles classiques et techniques donnent à ce vestiaire de « basiques » une élégance contemporaine et pratique à la fois. Au premier coup d’œil, on sent un supplément d’âme derrière l’apparente simplicité, une impression renforcée par un casting d’hommes de différents âges, origines et gabarits. L’ambiance est plus solaire chez Loewe. Les images qui accompagnent la collection ont été réalisées à Cadaqués, dans la maison de Salvador Dali et le vestiaire imaginé par Jonathan Anderson baigne dans une atmosphère « bord de mer » et « jeunesse libre ». La collection explore pourtant avec nuance plus d’une facette de la masculinité : shorts et mocassins brodés, porte-clés en cuir en forme de coquillages et crustacés pour les plus modes, sacs marins rayés et mailles à motif ancre, magnifiques chemises amples en lin rayé, en cuir couleur fauve ou en jersey bord côte pour des goûts plus classiques. Une veste-blouson en twill lilas ou un trench en gabardine peau de pêche décoré de patchs complètent cet ensemble plein de trouvailles et de textures, susceptible de provoquer, peut-être, des envies insoupçonnées.