François Hollande doit bientôt sortir du silence sur ses intentions pour 2017. Mais son Premier ministre n’a pas l’intention de se contenter de s’incliner devant la décision présidentielle. Dans un entretien accordé au Journal du dimanche, Manuel Valls a laissé entendre qu’il n’excluait pas complètement de faire partie des candidats à la primaire de la gauche, six ans après sa défaite au précédent scrutin, où il était arrivé en cinquième position avec 5,6 % des voix.
Entre-temps, il a été nommé Premier ministre et s’est fait connaître des Français. Son objectif aujourd’hui : rassembler la gauche et la fédérer. « La gauche doit se réconcilier avec elle-même pour pouvoir se réconcilier avec les Français », déclare le Premier ministre. Car il s’inquiète pour l’avenir de la gauche, face à la montée du discours populiste et conservateur à droite, qui semble séduire une partie croissante des Français. « Face au désarroi, au doute, à la déception, à l’idée que la gauche n’a aucune chance, je veux casser cette mécanique qui nous conduirait à la défaite », annonce Manuel Valls, alors que tous les pronostics voient déjà un second tour entre Les Républicains et le Front national en mai 2017. « Nous pouvons être pulvérisés au soir du premier tour », s’inquiète-t-il, allant jusqu’à affirmer que « la gauche peut mourir ».
Guerre froide avec Hollande
Sauf que l’équation de Valls n’est pas simple : comment « rassembler » son camp en commençant par une traîtrise ? Alors que tout le monde les dit en « guerre froide » depuis plusieurs semaines, Manuel Valls tente de minimiser ses griefs contre François Hollande. « J’ai des rapports de respect, d’amitié, et de loyauté avec le président », avance-t-il. « Mais la loyauté n’exclut pas la franchise. Force est de constater qu’au cours de ces dernières semaines, le contexte a changé. La parution du livre de confidences [Un président ne devrait pas dire ça, NDLR] a créé un profond désarroi à gauche. Comme chef de la majorité, ma responsabilité est donc de tenir compte de ce climat. »
Ça, c’est pour la version officielle. En off, le chef du gouvernement se montre beaucoup plus virulent à l’égard de son président : « Si le président pense que, de toute façon, s’il est candidat, je serai derrière lui, que j’irai coller des affiches, parler dans le train, faire des déambulations, là, c’est non ! » aurait ainsi glissé Manuel Valls à des proches, rapporte l’AFP. Alors que la cote de popularité de François Hollande est au plus bas, notamment en raison de son bilan et de ses « confessions » rapportées dans le livre des journalistes du Monde, Valls juge qu’il est la meilleure alternative. Le Premier ministre entend bien sortir de l’ombre du président et a des ambitions au-delà des murs de Matignon.
« Je suis prêt »
« Chacun doit mener ses réflexions en responsabilité. Je prendrai ma décision en conscience. Quoi qu’il arrive, le sens de l’État m’animera toujours », assure Valls, avant de se montrer beaucoup plus direct. La primaire « doit donner un élan, de l’espoir. Il faut se préparer au face-à-face. Je m’y prépare, je suis prêt », annonce-t-il au JDD avec assurance, comme une déclaration de candidature officieuse, au lendemain du coup d’éclat de Claude Bartolone qui a semé la panique dans son camp en plaidant pour que tous les prétendants à une victoire de la gauche participent à la primaire, Macron, Mélenchon, Hollande et… Manuel Valls.
Le suspense prendra bientôt fin, puisque les candidats à la primaire pilotée par le Parti socialiste ont jusqu’au 15 décembre pour se déclarer. Manuel Valls le précise d’ailleurs lui-même : « C’est une question de jours. »
Pour l’heure, sont officiellement déclarés candidats aux primaires citoyennes de la gauche Arnaud Montebourg, Benoît Hamon, Marie-Noëlle Lienemann, François de Rugy et Gérard Filoche. Et bientôt François Hollande ? Rien n’est moins sûr. Ces derniers jours, dans l’entourage du président, des voix ont précisé que le président n’avait jamais clairement dit qu’il participerait à la primaire s’il se lançait dans la course à 2017. L’élimination dès le premier tour de Nicolas Sarkozy à la primaire de la droite est passée par là.
Quand l’entourage de F.#Hollande nous rappelle que le Président n’a jamais dit lui même formellement qu’il participerait à la #Primaire…
— Maryse Burgot (@MaryseBurgot) 25 novembre 2016
Le silence de Hollande
Dans le duel sans merci qui se déroule entre le président et son Premier ministre, François Hollande a lui aussi appelé au rassemblement depuis Madagascar où il assiste au 16e sommet de la Francophonie. « Nous devons montrer ce qu’est la France partout, comment nous devons nous rassembler, quelles que soient les circonstances, quelles que soient les échéances, quelles que soient les épreuves, quels que soient les choix que nous aurons à faire. Nous rassembler, c’est l’essentiel », a déclaré le président de la République dans un discours devant la communauté française de Madagascar.
Le chef de l’État s’est ensuite refusé à tout autre commentaire politique. « Je lis toute la presse, j’entends, je vois », s’est-il borné à affirmer, écartant toute question, que ce soit sur la date de son annonce ou pas de candidature pour 2017, et via la primaire de la gauche ou pas.
Valls, un simple recours selon Najat Vallaud-Belkacem
Il a reçu le soutien appuyé de sa ministre de l’Éducation nationale, Najat Vallaud-Belkacem. Invitée au Grand Jury sur RTL/Le Figaro/LCI, elle a jugé que le président et son Premier ministre partageaient « le même bilan, les mêmes valeurs ». « Je crois que l’un ne se présentera pas contre l’autre. Ce n’est pas raisonnable, ce n’est pas envisageable ». Interrogée sur l’interview de Manuel Valls au JDD, elle a apporté un soutien sans faille au chef de l’État : selon elle, le président sortant a été « à la hauteur » pour gouverner « un pays fragilisé par un gouvernement de droite » et dans le contexte des attentats djihadistes. Avant de mettre les points sur les « i » : « Je considère que et François Hollande et Manuel Valls sont des hommes d’État. Je considère aujourd’hui que c’est François Hollande qui a légitimité de se présenter, qu’il a un bon bilan. Mais c’est à lui d’en décider ».
Quant à la tentation de Brutus qui travaille le Premier ministre, elle l’a purement et simplement balayée : « Je retiens de l’action et des propos de Manuel Valls depuis des mois et des mois une solidité et une loyauté et une fidélité qui ne s’est jamais démentie. Y compris dans l’interview que vous mentionnez. » « Dans l’absolu, a-t-elle ajouté, c’est une bonne chose d’avoir un Premier ministre qui porte suffisamment haut les valeurs de la social-démocratie pour se tenir prêt le cas échéant si le président de la République n’y allait pas. Je reste sur cette idée-là que le président de la République et le Premier ministre trouveront un terrain d’entente et que si le président de la République n’y va pas, alors le Premier ministre serait en situation pour y aller ».
Elle a enfin démenti que François Hollande pourrait se présenter sans passer par la case primaire. « À l’origine, je n’étais pas forcément favorable à la primaire à gauche. Pour une raison simple : avec un président sortant, il me paraissait naturel de continuer avec ce président sortant. Maintenant la primaire a été décidée, annoncée, en cours d’organisation, donc non on ne va pas y renoncer ». « On » peut-être, mais François Hollande ? « Il ne cherche pas à s’y soustraire », a assuré cette fidèle du chef de l’État.