L’ISF rapporte gros. 5,224 milliards d’euros en 2015, selon des chiffres de la Direction générale des finances publiques (DGFIP) révélés par Le Monde jeudi. Pourtant, continue de se poser la question de l’utilité de cet impôt. La veille en effet, Bercy portait plainte contre Le Canard enchaîné pour avoir publié une liste de contribuables assujettis à l’ISF ayant bénéficié d’une réduction fiscale conséquente grâce à un abattement.
Résultat, le montant récolté grâce à l’ISF patine. « En 2014, le nombre de redevables était de 331 010 pour un produit de 5,198 milliards d’euros. Ainsi, si le nombre de contribuables assujettis à l’ISF a crû de près de 12 000, les recettes au profit de l’État sont restées quasiment stables », explique Le Monde.
Un impôt en « faillite », selon Le Canard enchaîné
L’impôt de solidarité sur la fortune, instauré en 1989, est payé par les ménages dont le patrimoine dépasse 1,3 million d’euros. Ces derniers peuvent toutefois bénéficier d’un plafonnement, l’impôt sur le revenu ajouté à l’ISF ne devant pas dépasser 75 % des revenus perçus – un niveau jugé « confiscatoire » par le Conseil constitutionnel.
Les révélations du Canard enchaîné montrent à quel point les mécanismes de plafonnement sont efficaces pour détourner l’ISF de son objectif premier : imposer les plus fortunés. 11 des 50 contribuables les plus fortunés en France recensés par la DFGIP n’ont ainsi pas payé d’ISF en 2015, et les autres ont vu leur note sensiblement allégée. Au total, 21,2 millions d’euros d’ISF ont été payés par ces 50 contribuables, alors que le montant initial était de 219,6 millions, précise le Canard.
Au final, Bernard Arnault, Liliane Bettencourt ou encore Hélène Darty réussissent sans sourciller à amoindrir ou annuler ses effets. Une situation due, selon Le Canard enchaîné, à l’« ingéniosité » des conseillers financiers, qui minorent le revenu imposable de leurs clients, en laissant par exemple « dormir dans des sociétés financières les dividendes d’actions et les revenus d’assurances vie ».
Quasi-unanimité à droite
Alors quoi ? Réforme, aménagement, suppression ? À droite, bien plus qu’à gauche, l’ISF est dans le viseur. Quand en mai dernier, sur Europe 1, François Hollande expliquait qu’il n’y avait « pas de raison » de procéder à un allègement supplémentaire de cet impôt, François Fillon l’accusait de préférer « se rouler par terre devant le Qatar et les fonds de pension américains » que « d’encourager le capitalisme français ». L’ancien Premier ministre enfonçait le clou en affirmant qu’« il n’y avait plus d’investisseurs en France parce que la fiscalité du capital est deux fois plus élevée que dans les pays voisins ».
Une analyse largement partagée à droite. Alain Juppé expliquait pour sa part sur RMC en 2015 que c’était à cause de cet impôt que « les PME disparaissaient ». En fait, parmi les candidats à la primaire de la droite, seuls Frédéric Lefebvre (aménagement), Nadine Morano et Jean-Frédéric Poisson (positions inconnues) ne sont pas favorables à la suppression de l’ISF, selon Le Monde. Au PS, il n’y a bien qu’Emmanuel Macron, nouvellement assujetti, pour suggérer sa suppression. Pour le meilleur ou pour le pire, l’ISF s’annonce être de tous les débats électoraux.