Mois : avril 2016

Côte d’Or : un gendarme se tue dans un accident de moto lors d’une course-poursuite

Un gendarme de la brigade motorisée de Beaune (Côte-d’Or) est décédé dimanche matin dans un accident lors d’une course-poursuite avec une moto, a-t-on appris auprès du responsable de la gendarmerie de Bourgogne. «Toute la gendarmerie bourguignonne est endeuillée. Nous avons une pensée pour lui, sa compagne et sa famille, ainsi que pour l’automobiliste blessé dans l’accident», a déclaré le commandant de la région de gendarmerie de Bourgogne-Franche-Comté, le colonel Olivier Kim, confirmant une information du Bien Public.

Le drame s’est déroulé vers 10h30 sur la route départementale 973, entre Seurre et Beaune, lors d’un contrôle de vitesse. En prenant en chasse un motard roulant à vive allure, la victime, âgée de 41 ans, a percuté en sens inverse une voiture qui tournait à une intersection avant le pont d’autoroute de Beaune. «Le conducteur du véhicule n’a pas vu arriver notre collègue qui poursuivait ce motard dangereux. Les secours sont arrivés immédiatement et ils ont tout fait pour ramener notre collègue à la vie. Malheureusement, notre collègue est décédé sur place vers 12 heures», a ajouté le colonel Kim.

Blessé au visage, le conducteur de la voiture a été emmené à l’hôpital.

Quant au motard poursuivi, il n’a toujours pas été retrouvé, ni identifié. L’enquête a été confiée à la police. Dans un communiqué, le ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve a exprimé dimanche après-midi «sa vive émotion» après cet accident et adressé «ses sincères condoléances et son entier soutien» aux proches de la victime. La police nationale a quant à elle exprimé son soutien à la gendarmerie, sur Twitter.  

[HOMMAGE] Pensées à nos collègues de @Gendarmerie à la suite du décès en service d’un gendarme motocycliste à #Beaune ce matin.

— Police Nationale (@PNationale) April 10, 2016

AFP

Manifs contre la loi travail : «de l’argent, il y en a dans les caisses du Panama»

Live

• Pour la sixième fois en mois d’un mois, les opposants à la loi El Khomri sur le code du travail descendent dans la rue pour manifester. Plus de 200 rassemblements et manifestations ont lieu à travers la France.

• Plusieurs milliers de personnes ont déjà défilé à Toulouse, Rennes ou encore Strasbourg (lire notre reportage). A Paris, le défilé est parti à 14 heures de République pour rejoindre Nation.

• Le projet de loi a été modifié ces derniers jours lors de son examen en commission des Affaires sociales de l’Assemblée nationale.

Si le direct ne s’ouvre pas dans votre application, cliquez ici.

(Photo Marc Chaumeil pour Libération, prise à Paris ce samedi)

17:55Pour sortir de la place de la Nation, prière de retirer ses signes politiques

A paris.

Sur les réseaux sociaux, de nombreuses personnes dont notre journaliste Alexandre Hervaud rapportent que les CRS, qui barrent également les voies pour sortir de la place de la Nation, exigent que les manifestants qui quittent la place retirent d’abord tous leurs signes politiques.

Un groupe de CRS refuse de faire passer une manifestante si elle n’ote pas le sticker (quadrature du net !) collé à sa veste. Ok

09.04.16Alexandre Hervaud. @AlexHervaud Suivre

17:53

A Paris.

Notre journaliste Cyril Castelliti rapporte des arrestations tous azimuts place de la Nation, où la police continue de mener des assauts. Voici le témoignage que lui a livré une manifestante sur le point de départ des heurts : «Au niveau du kiosque [situé sur la place de la Nation], les policiers ont attrapé un gosse et l’ont traîné derrière le barrage [de CRS], ce qui a entraîné la réponse des manifestants qui ont commencé à canarder le kiosque» avec des projectiles.

17:34

A Paris.

Une photo prise par Marc Chaumeil pour Libération, dans le cortège parisien.

17:28

A Paris.

Les assauts policiers continuent à Paris, où la place de la Nation est régulièrement couverte d’un gaz dont beaucoup de personnes semblent ignorer l’origine.

17:13

A Paris.

Importants tirs de lacrymo. Le vent aide la dispersion du gaz. Il reste encore bcp de manifestants pas arrivés.

09.04.16Alexandre Hervaud. @AlexHervaud Suivre

17:12

A Paris.

Notre journaliste Alexandre Hervaud, qui est aussi place de la Nation à Paris, rapporte qu’une manifestante a été blessée à l’œil.

A Nation, une manifestante blessé à l’oeil évacuée pour être soignée. « La vache, elle a bien pris » lâche un CRS.

09.04.16Alexandre Hervaud. @AlexHervaud Suivre

16:51

A Paris.

Place de la Nation, notre journaliste Cyril Castelliti décrit la situation : les policiers lancent des assauts réguliers, à coups de lacrymos, au cours desquels ceux d’entre eux qui sont en civil tentent d’embarquer des manifestants, mais ces derniers sont si nombreux que la police recule à chaque fois. La situation crée des attroupements.

16:46

A Paris.

Place de la Nation, où arrivent les manifestants, notre journaliste Cyril Castelliti rapporte que des manifestants ont arrosé les CRS de projectiles divers et de fumigènes, faisant reculer ces derniers sous les applaudissements de la foule.

16:36Des blessés à Rennes

Manifs.

A Rennes, des heurts ont fait plusieurs blessés. La préfecture avance que deux CRS ont été blessés, dont un atteint de surdité. Un policier a aussi été touché par un projectile, une bille métallique, lancée contre lui. Les trois hommes ont été hospitalisés.

De son côté, le secrétaire départemental de FO Fabrice Lerestif a fait état auprès de l’AFP de 19 blessés. Il a assuré auprès qu’il se réservait «le droit de porter plainte pour violences policières».

16:24

A Paris.

De notre journaliste Cyril Castelliti : à mesure que l’on approche de la tête de cortège, la présence policière se fait plus impressionnante. Un militant avec un nez de clown distribue des tracts Nuit debout aux CRS. Il dit qu’un CRS a accepté d’en prendre un et que rien que pour cela, il continue.

16:14

Slogan.

Entendu à Paris : «De l’argent, il y en a, dans les caisses du Panama.»

16:08

Nuit debout.

Nuit debout toujours : on vous invite à lire ce reportage à Nice, une ville bien ancrée à droite, où même ses organisateurs se sont étonnés du succès de la Nuit debout organisée hier.

A Nice, le succès d'une «Nuit Debout» qui étonne même ses organisateurs

16:05

A Paris.

nos journalistes Amandine Cailhol et Cyril Castelliti, dans le cortège parisien, rapportent que des banderoles Nuit debout ont été déployées à certains endroits du parcours, et que des personnes distribuent des tracts Nuit debout. Signalons à ce sujet qu’une soixantaine de Nuits debout sont prévues ce soir en France.

#manif9avril feat #NuitDebout avenue Daumesnil

09.04.16Amandine Cailhol. @A_Cailhol Suivre

15:58A la manif de Strasbourg : «Tout le monde sait qu’on ne négocie pas avec les patrons»

«On ne lâche rien».

Quelque 2000 protestataires ont arpenté les rues de la capitale alsacienne, dans un défilé qui s’est terminé à la mi-journée. Notre journaliste Noémie Rousseau était sur place.

A la manif de Strasbourg : «Tout le monde sait qu’on ne négocie pas avec les patrons»

A lire sur Libération.fr

15:37

A Paris.

Oh, tiens du orange à la #manif9avril, avec la CFDT métallurgie

09.04.16Amandine Cailhol. @A_Cailhol Suivre

15:36

A Paris.

« Questions log. & travail liées. Si contrats précaires ce sera encore + dur de se loger », militant DAL #manif9avril

09.04.16Amandine Cailhol. @A_Cailhol Suivre

15:36

A Paris.

Gros moyen, côté ambiance dans les rangs de Sud #manif9avril

09.04.16Amandine Cailhol. @A_Cailhol Suivre

15:35

Loi travail.

A Paris, c’est notre journaliste Amandine Cailhol qui suit le cortège, lequel a démarré de la place de la République vers 14 heures, pour rejoindre celle de la Nation.

Départ du cortège. #manif9avril « Assez de cette société qui n’offre que le chômage et la précarité » #Paris

09.04.16Amandine Cailhol. @A_Cailhol Suivre

15:34

Loi travail.

Le projet de loi a été modifié ces derniers jours lors de son examen en commission des Affaires sociales de l’Assemblée nationale.

15:34

Loi travail.

Et hop, on ouvre ce direct pour suivre les manifestations d’aujourd’hui contre la loi El Khomri. Pour la sixième fois en mois d’un mois, les opposants à la loi descendent dans la rue pour manifester. Plus de 200 rassemblements et manifestations ont lieu à travers la France.

Cameron dans la tourmente, police et Macron : le point sur l’actu

«Panama Papers». Deux dirigeants de premier plan sont dans la tourmente après les révélations des «Panama Papers». La justice argentine a ouvert une enquête contre le président Mauricio Macri, dont le nom figure dans les registres de sociétés offshore alors qu’il prônait une lutte sans merci contre la corruption. Au Royaume-Uni, après avoir nié dans un premier temps, le Premier ministre David Cameron a finalement admis avoir détenu des parts dans un fonds offshore de son père. La Société générale qui fait partie des banques mentionnées dans le scandale mondial a de son côté annoncé jeudi qu’elle allait poursuivre en diffamation le dirigeant du Parti de gauche Jean-Luc Mélenchon, ainsi que son ex-trader Jérôme Kerviel et son avocat jugeant qu’ils avaient tenu des propos «calomnieux» à son encontre.

Police. Alors que des milliers de policiers ont manifesté jeudi pour demander une revalorisation, notamment financière, de leur travail et des risques quotidiens qu’ils affrontent, la police des polices a lancé un appel à témoin pour identifier le policier qui aurait blessé au visage un manifestant à Nantes le 24 mars. Furieux, les policiers locaux répliquent.

Loi travail. Alors qu’une nouvelle journée d’action est prévue ce samedi, plusieurs organisations représentant salariés, étudiants et lycéens ont appelé à une nouvelle mobilisation le 28 avril pour réclamer le retrait de la loi travail, tandis que le mouvement «Nuit Debout» se répand dans toute la France. Retrouvez tous nos articles sur ce mouvement ici.

«En marche». Après le lancement par Emmanuel Macron du mouvement «En marche», soi-disant «ni à droite ni à gauche» et mis en place dans l’opacité, Libé a cherché à savoir à quil e ministre ressemblait dans le paysage actuel.

Eurosceptiques. Le «non» des Néerlandais, exprimé mercredi par référendum, sur un accord entre l’UE-Ukraine est un coup dur pour les Ukrainiens en quête de soutiens occidentaux face à Moscou.

Attentats de Bruxelles. La justice belge a diffusé jeudi de nouvelles images et fait appel au public pour retrouver le troisième assaillant de l’aéroport de Zaventem, le mystérieux «homme au chapeau» des attentats de Bruxelles.

 
 

LIBERATION

Inégalités hommes-femmes au travail : rompre l’omerta sur l’identité des entreprises

Au bout du fil, Julien Bayou n’en revient toujours pas. «On m’a dit : la publication de ces listes pourrait causer préjudice aux entreprises concernées. Vous imaginez, vous, qu’on vous dise, « il y a eu une marée noire, nos côtes sont dévastées, mais ne dites pas que cela vient de Total, cela nuirait à leur image » ?»

Le porte-parole d’Europe Ecologie-les Verts laisse planer un silence. Une, deux, trois secondes. Puis reprend : «A croire qu’on ne veut pas embêter les multinationales avec la question des inégalités hommes-femmes.»

Loin de toute catastrophe pétrolière, ce sont donc les inégalités salariales qui amènent Julien Bayou au tribunal administratif, ce jeudi. L’élu francilien y a porté recours contre le ministère des Familles, de l’Enfance et des Droits des femmes, appuyé par des associations féministes et d’autres membres de son parti, en réclamant la publication des noms des entreprises qui ne jouent pas le jeu.

Mis en demeure

Ensemble, ils considèrent que les entreprises rétives à mettre en place des dispositifs égalitaires mériteraient bien un peu de (mauvaise) publicité. Dans le code du travail, l’article L2242-5 impose bien aux employeurs de plus de 50 salariés de lutter contre les différences de traitement entre les hommes et les femmes, à tous les niveaux : salaire, accès aux responsabilités, formation… Le tout, accords ou mesures à l’appui.

A lire aussi :Parité en entreprise, y a encore du taf

Les mauvais élèves sont mis en demeure puis, si rien n’a changé six mois plus tard, sanctionnés. Financièrement, d’abord, à hauteur d’1% de leur masse salariale, mais aussi à travers l’interdiction de se présenter sur les marchés publics.

«Très bien, sauf que ni ces mises en demeure, ni ces sanctions ne sont rendues publiques», relève Julien Bayou. Impossible pour les élus de savoir s’ils dealent avec des entreprises irréprochables ou, au contraire, hors-la-loi. Une situation incompréhensible, juge le conseiller régional, qui reproche au ministère de garder secrètes les listes des entreprises que lui transmet l’Inspection du travail.

Salaires de 10% à 27% inférieurs

«Ces informations devraient être révélées, affirme-t-il. On le fait même pour le stress au travail, mais quand il s’agit des femmes mal payées, ce n’est pas un problème.»

Joints par Libération, les services du ministère temporisent. A la Direction générale de la cohésion sociale, on estime devoir «attendre les conclusions du rapporteur public».«Tout ce que je peux vous dire, c’est qu’il n’y a pas d’obligation à ce jour de dévoiler le nom de ces entreprises.»

Julien Bayou, lui, tire quelques chiffres de son communiqué pour appuyer l’urgence de son action. Et notamment celui-ci : presque quarante-cinq ans après l’inscription dans la loi, en 1972, du principe «à travail égal, salaire égal», les femmes touchent encore des salaires de 10% à 27% inférieurs à ceux de leurs collègues masculins.

Robin Korda

Barricades de nuit boulevard Saint-Germain

Ambiance barricades cette nuit à Paris. Suite aux arrestations survenues pendant la manifestation lycéenne contre la loi Travail, plus de 150 personnes se sont mobilisées pour exiger la libération des interpellés. Alors qu’au même moment la sixième édition du mouvement Nuit debout bat son plein, plusieurs individus rejoignent le boulevard Saint-Germain. Au programme : formation de barricades, concerts improvisés et manifestation sauvage. 

De République à st Germain

Sur la place de la République mardi soir, les «Nuits Deboutistes« sont plus d’un millier. Depuis près d’une semaine, le mouvement s’est structuré à mesure que les sympathisants affluent. Vendredi soir, une sono défaillante était montée sur des palettes pour transmettre la parole des manifestants. Mardi soir, plusieurs enceintes sont disposées pour une assemblée générale en stéréo. De nouvelles tentes sont montées en l’absence de celles du Droit au logement (DAL). La nouveauté : on y accueille des sans papiers. Des stands de restauration poussent également aux quatre coins de la place, alors que les commissions continuent leur travail dans un esprit démocratique.

L’événement de la soirée, c’est la projection du film Comme des lions qui retrace la lutte des salariés de l’usine PSA d’Aulnay-sous-Bois. Alors que l’assemblée générale réunit une foule impressionnante, un message circule entre les manifestants : «Il paraît que ça bouge devant le commissariat». En effet, sur le boulevard Saint-Germain, plusieurs individus se massent pour bloquer la circulation et «demander la libération des camarades». L’assemblée générale terminée, les organisateurs projettent une vidéo du site Taranis sur les violences policières de la veille. Une femme prend le micro : «Vous pouvez soutenir les interpellés en vous réunissant devant le commissariat comme beaucoup sont en train de le faire, où rester ici pour regarder le film. Faites comme vous voulez !

Les «Nuit Deboutistes» se concertent. Ceux qui assistent au film restent en contact par téléphone avec les manifestants de Saint-Germain. Le rassemblement est aussi suivi sur Periscope par plus 1500 internautes. Des rumeurs circulent selon lesquelles certains interpellés auraient été libérés. L’excitation gagne les manifestants, renforcée par l’histoire du combat des «lions» de PSA. Le film est interrompu au bout de 40 minutes pour «motiver les gens à voir la suite dans les salles de cinéma». Pour beaucoup c’est le signal qu’il faut partir : «Allez on se motive !»

«Des barricades partout !»

Sur le boulevard Saint Germain, on accueille les nouveaux venus avec des cris de joie. «L’ambiance est superbe» décrit un témoin. Les manifestants chantent la libération de leurs camarades alors que la police les encercle. La foule les interpelle : «CRS avec nous !» Un concert de trompette est improvisé. Des barricades se forment à l’aide de barrières de chantier et de poubelles. Des manifestants entament un concert de percussions en chantant «On n’a pas peur !»

Le bd St Germain est complètement bloqué #NuitDeboutpic.twitter.com/jvMDru39AA

— Arnaud Contreras (@ArnaudContreras) 5 avril 2016

En réaction, les CRS interviennent «à coup de matraques et de lacrymo à bout portant», rapporte un témoin. Les négociations commencent finalement  avec les forces de l’ordre, qui décident de les laisser retourner vers République «à condition qu’ils soient escortés par la police». Une manifestation sauvage s’organise alors que la police accompagne les militants.  Même si beaucoup d’interpellés sont encore retenus, les «Nuit Deboutistes» se réjouissent «Il y a eu beaucoup de libérations c’est génial.» Alors que le mouvement Nuit debout gagne de plus en plus de villes en France, d’autres actions sont encore prévues dans la semaine. 


Cyril Castelliti

SNCF : Guillaume Pepy sort l’arme de gare

Ah bon, les agents de la SNCF circulent armés ? Et les caméras de surveillance dans les gares et dans les trains permettront de repérer les terroristes ? Et on aurait trouvé la martingale pour contrôler tous les passagers ? L’intervention du président de la SNCF, Guillaume Pepy, dimanche sur Europe 1, a soulevé plusieurs interrogations mais aussi permis de médiatiser la nouvelle loi Savary qui renforce la lutte contre la fraude et la délinquance dans les transports en commun. Elle a également entrainé une prise de conscience : en matière de sûreté, les trajets en train d’hier seront bien différents de ceux de demain. Retour sur trois propos de Guillaume Pepy.

Lire aussiTransports en commun : ce que dit la loi Savary

«Nos propres agents, les agents de la sûreté, vont désormais avoir le droit, grâce à la nouvelle loi Savary, de patrouiller armés et en civil dans les trains. En anglais, ce sont les train marshals. En français, ce sont les patrouilleurs en civil armés.»

Dans cette déclaration du président de la SNCF, le mot nouveau n’est pas «armés», mais «civil». La SNCF et la RATP disposent d’équipes dédiées à la sécurité. Ces agents ne sont pas policiers mais dépendent du ministère de l’Intérieur. Ils patrouillent dans les rames et sur les quais, en groupes, et accompagnent parfois les équipes de contrôleurs.

A la Surveillance générale (Suge) de la SNCF, ils sont près de 3 000, dont un millier en Ile-de-France. A la RATP, le Groupe de protection et de sécurisation des réseaux (GPSR) fait travailler environ 1 000 agents. Et ils sont déjà armés. Des armes de 6e catégorie, type tonfa ou bombe lacrymogène, et des armes de poing. «La sûreté ferroviaire a fêté ses 100 ans l’an dernier et ça fait cent ans que ses agents sont armés», rappelle-t-on à la SNCF. «Ils sont très entraînés, assure Gilles Savary, député (PS) de Gironde et rapporteur de la loi. Leur entraînement est supérieur à celui d’un gendarme classique en termes de coups tirés.» Seuls les agents de la RATP et de la SNCF disposent de cette assermentation.

Les autres opérateurs de transport en commun ne peuvent disposer d’agents armés. «On n’a pas voulu transformer tous les agents de sûreté d’entreprise privée en cow-boys», justifie Savary. En revanche, la police municipale pourra désormais patrouiller dans les trains, avec les mêmes prérogatives que les agents SNCF. Ils pourront même opérer sur l’ensemble d’une ligne, au-delà de leur frontière communale, dès lors qu’une convention sera signée entre les différentes communes traversées.

La loi Savary introduit un autre changement pour les deux principaux opérateurs : ces agents pourront tomber l’uniforme et patrouiller incognito sur le réseau. «Ce mode d’intervention, en civil, leur a été retiré il y a quelques années, poursuit l’élu. On était à une époque de dissuasion, à un maintien de l’ordre soft.» Cet article de la loi était certes réclamé par la SNCF et la RATP mais pas du tout dans l’optique de lutter contre le terrorisme. Ces patrouilles sont plutôt destinées à repérer et interpeller en flagrant délit les fraudeurs, les voleurs des cages à bagages sur les grandes lignes, les fumeurs ou les graffeurs. Bref, de la petite délinquance. La SNCF précise que l’essentiel des patrouilles continuera de circuler en uniforme, «pour la visibilité, la dissuasion». Les civils, pour des questions de discrétion, seront équipés plus «légèrement», détaille une porte-parole de la compagnie ferroviaire. Et en cas d’interpellation, «ils travailleront en coordination avec des agents en tenue» qui les attendront sur les quais. Savary conclut : «Ce qu’on risque de voir sur certaines lignes à problèmes, ce sont des opérations coups de poing, en civil, et pendant une semaine. Là, ça peut être très efficace.»

«Nous allons moderniser les caméras [de surveillance, ndlr]. Elles vont avoir des logiciels qui permettent de repérer des mouvements suspects […]. Cela s’appliquera au moment de l’Euro.»

Petite surprise. Qui ne concerne pas l’existence de ces caméras dites «intelligentes» mais la date de leur mise en place. En décembre, le secrétaire général de la SNCF, Stéphane Volant, avait décrit une expérimentation en cours pour intégrer aux caméras de l’entreprise un dispositif qui mesure «le changement de température corporelle, le haussement de la voix ou le caractère saccadé des gestes». L’objectif étant de détecter des comportements anormaux ou le niveau de stress des personnes dans la gare. Des sociétés spécialisées prétendent disposer d’outils capables de repérer, dans une foule, une silhouette qui stationnerait (trop ?) longtemps au même endroit, qui rôderait un peu trop souvent près de zones sensibles, ou qui déposerait un objet et s’en éloignerait. Mais d’autres spécialistes affirment que ces technologies sont au stade expérimental et encore peu fiables.

Thales, le géant de l’électronique de défense, déclarait en décembre à l’AFP que le système sur lequel il travaillait n’était pas encore opérationnel. Avec qui collabore la SNCF ? La société refuse de le dire. Tout juste admet-elle que sur les expérimentations menées, «certaines sont concluantes et d’autres pas». Il semble douteux, malgré la déclaration de Pepy, que cette technologie soit déployée dès l’ouverture du championnat d’Europe des nations, le 10 juin, sur l’ensemble des 40 000 caméras. Sachant qu’il faut, comme l’a précisé le président de la SNCF, des profilers pour analyser en temps réel les comportements anormaux détectés. «Une partie de ces technologies sera effective pour l’Euro, ce qui ne veut pas dire que tout sera déployé à ce moment-là», se borne à dire la SNCF. Quand le système le sera réellement, la SNCF aura malgré tout l’obligation d’en informer les usagers, rappelle la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil).

«Je maintiens les portiques Thalys, il n’est pas question de les retirer. […] Nous ajoutons d’autres portiques. A la gare Montparnasse, à la gare de Marseille, il y a des portiques qui servent à présenter son billet. Nous allons leur ajouter des dispositifs de détection des explosifs et des armes, de telle sorte que l’on puisse avoir à la fois le contrôle de billet et le contrôle de sécurité.»

Cette déclaration peut prêter à confusion. La SNCF déploie actuellement, et ponctuellement, deux types de portiques. Des portiques de sécurité qui scannent les usagers lors de leur passage, mis en place pour Eurostar et, depuis décembre, pour les Thalys. Et des portiques de contrôle de billet, tourniquets modernes testés actuellement à l’entrée des quais TGV à la gare Montparnasse, à Marseille et à Lille. Après les attentats de novembre, la ministre en charge des Transports, Ségolène Royal, a déclaré vouloir équiper les quais TGV de portiques de sécurité. Une idée dénoncée de toutes parts, en raison des embouteillages que cela créerait.

La SNCF, chargée de réfléchir à la question, tente de trouver des solutions plus légères que le portique-scanner. Les caméras «intelligentes» pourraient justement, à l’avenir, équiper les portiques antifraude. «Lorsqu’il y a des files d’attente, les gens circulent moins vite, ce qui permettrait à ces caméras de faire leur travail d’identification», explique la porte-parole de la SNCF. En attendant ces hypothétiques caméras, des brigades cynophiles actuellement en formation pourraient aussi être postées à ces portiques. «Les premières brigades devraient patrouiller au début de l’Euro 2016, précise encore la SNCF. In fine, nous misons sur la complémentarité des dispositifs de sûreté qui, mis bout à bout, permettent d’avoir un maillage efficace.» Les problèmes sont éliminés les uns après les autres, en tranches. Une technique dite «du salami» désormais mise en pratique par la SNCF.

Richard Poirot

Les sites de rencontres, un parcours d’obstacles pour les handicapés

«Tu me fais faire un tour… dans ton vagin ?»; «Donc je suppose que tu ne cherches pas un plan cul…» ou encore «Pourquoi es-tu là ? Tu ne devrais pas fréquenter quelqu’un en fauteuil ?» Toutes ces phrases si délicates sont autant de messages reçus par Kristen Parisi via Tinder. A 30 ans, cette Américaine paraplégique depuis l’âge de 5 ans a récemment raconté au site internet Refinery 29 son expérience sur l’appli de rencontres.

«Je me suis inscrite pour les mêmes raisons que beaucoup de femmes : je ne voulais pas m’engager dans une relation sérieuse, j’étais curieuse de savoir quel genre de mecs fréquentaient le site, écrit-elle. Au minimum, je pensais que ce serait drôle. Rien ne pouvait me préparer au déluge d’hommes agressifs, ignorants et blessants que j’ai pu croiser.» L’un lui demande sans détour si elle ressent quelque chose pendant le sexe anal, parce que si tel n’est pas le cas, ce serait «génial» à ses yeux. Un autre, médecin, répond quand elle précise avant une rencontre qu’elle est en fauteuil : «C’est dégoûtant !» avant de la bloquer… Avec tous, Kristen passait systématiquement de la «rousse sexy» avec qui ils avaient rencard, à la «fille en fauteuil». Ce témoignage met en lumière la question de la rencontre amoureuse des personnes en situation de handicap.

Lire les témoignages«Dès qu’on prononce le mot handicap, il n’y a plus de réponse»

«Pas de place sur les sites généralistes»

Pour Pierre Brasseur, doctorant en sociologie à l’université de Lille et auteur d’une thèse sur le handicap et la sexualité, «le débat sur les assistants sexuels a complètement squatté l’espace médiatique sur ces questions, laissant supposer que tous les handicapés auraient besoin d’assistance. Or, ceux qui vivent à domicile ont souvent une sexualité assez complète». Et l’envie, comme tout le monde, de faire des rencontres. «On ne privilégie pas forcément les sites de rencontres, il se trouve que la liste des endroits où on peut se rencontrer (speed datings, discothèques…) est de facto limitée par des problèmes d’accessibilité», précise Kareen Darnaud, vice-présidente de l’Association des paralysés de France, qui insiste : «Ce qu’il faudrait, c’est laisser le choix aux personnes en situation de handicap, en améliorant l’accessibilité de ces lieux « dans la vraie vie ».»

Même constat pour François Crochon, sexologue clinicien, chef de mission CeRHeS (Centre Ressources Handicaps et Sexualités), pour qui «longtemps, la sexualité des personnes en situation de handicap a été taboue, ou s’est résumée à deux aspects : la génitalité et la visée procréative». Alors même s’il y a du mieux, pour ce spécialiste, des nombreux blocages demeurent : «Les personnes en situation de handicap ne peuvent par exemple pas accéder à des lieux de sexualité comme les saunas ou clubs libertins, si tel est leur choix», observe-t-il. 

Au cours de ses travaux, le chercheur Pierre Brasseur a interrogé une cinquantaine de personnes en situation de handicap physique sur leur usage de la rencontre en ligne. Bilan ? «Ils avaient souvent l’impression qu’il n’y avait pas vraiment de place pour eux sur les sites généralistes», observe le sociologue. «D’abord parce qu’il arrivait que leur photo, si elle affichait le handicap, soit refusée par les modérateurs, mais aussi, souvent parce que leur situation, si elle était exposée, avait un impact négatif sur les contacts», assure Pierre Brasseur.

«Un frein à la rencontre»

Dès la fin des années 90, des sites spécialisés sont apparus, d’abord sous forme associative, comme Handiclub. C’était avant même le débarquement de l’un des géants du secteur, Meetic, en 2001. Une dizaine de sites ciblés existent aujourd’hui. Benjamin Cadranel, 32 ans, s’est lancé sur ce créneau avec son associé en 2010, en fondant Idylive, un site handis-valides, sur lequel environ 70% des inscrits sont en situation de handicap. «J’étais bénévole auprès de l’Association des paralysés de France, se souvient le jeune homme. Je me suis aperçu que l’accessibilité est un frein à la rencontre, qui vient s’ajouter au handicap. Une personne qui souffre d’un handicap moteur lourd est souvent cantonnée chez elle ou à une zone géographique restreinte, ce qui laisse assez peu d’opportunités», analyse-t-il.

Mais là encore, la solution proposée par le jeune homme n’est pas idéale: certains voient dans les sites spécialisés une certaine ghettoïsation des personnes en situation de handicap. Sur ces sites ou les autres, le même dilemme : quelle place accorder au handicap ? Faut-il le mentionner ? Comment ? A quel moment ? L’afficher sur ses photos de profil ? Libérationa recueilli les témoignages de plusieurs personnes qui ont fait l’expérience des sites de rencontre avec un handicap.

Lire les témoignages«On me questionnait plus sur mon handicap que sur ma personnalité»

Si ces témoignages vous parlent, que vous vous sentez concerné(e), que vous êtes en situation de handicap et inscrit sur un site de rencontres, contactez-nous à l’adresse temoignages(@)libe.fr ou réagissez sur Twitter avec le hashtag #handirencontre.

Virginie Ballet

Cette justice pénalisée par un manque de moyens

Dans un entretien au JDD ce dimanche, le ministre de la Justice Jean-Jacques Urvoas déplore l’état financier déplorable de la justice en France qu’il estime «à bout de souffle». En février dernier, Libération était allé visiter deux tribunaux à Bobigny et à Nancy qui illustraient les difficultés quotidiennes du système judicaire en France.

Pour une première, François Hollande aurait très certainement préféré un contexte plus apaisé. Mais c’est devant une profession judiciaire très remontée à la fois contre le projet de loi antiterroriste et par le manque de moyens d’une institution au bord de l’asphyxie, que le chef de l’Etat est venu assister, vendredi, à la prestation de serment de la promotion 2016 de l’Ecole nationale de la magistrature (ENM). Une première pour un président de la République depuis la création de l’école en 1958.

Accompagné par le nouveau garde des Sceaux, Jean-Jacques Urvoas, Hollande a assuré que le projet de loi sur la réforme pénale «n’enlève rien aux attributions de la justice». «Le juge d’instruction conserve pleinement sa place», a-t-il insisté. Hollande s’adressait aux 366 auditeurs de justice (élèves magistrats), qui ont débuté leur formation cette semaine. Il s’agissait pour lui de venir saluer la plus grosse promotion jamais accueillie par l’ENM. Le nombre d’auditeurs de justice est passé de 138 en 2011 à 275 en 2014 et 263 en 2015. En 2016, ce recrutement «exceptionnel» avait été décidé dans le cadre d’«un plan de lutte contre le terrorisme et la radicalisation». Lors de son dernier discours prononcé depuis la chancellerie, Christiane Taubira avait vanté, elle aussi, ce bilan sans précédent. Mais malgré un budget en hausse (celui du ministère de la Justice a grimpé de 7,14 milliards d’euros en 2011 à 7,94 milliards en 2015), les tribunaux français ne constatent toujours pas les effets de cet effort. Libération est allé visiter deux d’entre eux, où l’exercice au quotidien de la justice est de plus en plus difficile.

 

A Bobigny : «C’est pour la justice au quotidien qu’il y a besoin de monde»

Monsieur P. a entamé une procédure de divorce en septembre. Après de nombreux appels en vain, il est venu ce matin-là au tribunal de grande instance (TGI) de Bobigny pour savoir si une date d’audience était prévue, son avocat étant lui-même sans nouvelles. Monsieur P. s’adresse calmement à la secrétaire au greffe du juge des affaires familiales (JAF) : «Combien de temps je vais attendre ?» «Ça dépend de la chambre sur laquelle vous tombez, répond-elle. Dans celle-ci c’est douze mois, dans celle-là quatorze.» La veille, vingt et un couples sont passés devant deux magistrats en une matinée. Le dossier de Monsieur P. n’est pas encore arrivé. Pendant ce temps, une femme discute avec une jeune assistante sociale dans le hall d’accueil. C’est la deuxième fois qu’elle vient, et elle ne sait toujours pas comment son fils peut être naturalisé. Toutes deux voulaient consulter un conseiller juridique gratuit, mais on leur a répondu qu’il était 11 heures et qu’il y avait déjà trop de monde. Il faudra revenir lundi.

Enjeux. Des histoires comme celles-ci, le tribunal de la deuxième juridiction la plus importante de France en regorge. Cela fait de nombreuses années que les magistrats, les avocats et les greffiers de Bobigny tirent la sonnette d’alarme à propos du manque de postes face au nombre de dossiers à traiter. Conséquence des mutations en cours, des départs à la retraite et du temps de formation à l’Ecole nationale de la magistrature, les annonces faites par le ministère de la Justice pour 2016 ont décrété l’alerte générale : perte de 25 % des magistrats du siège et de 8 % des juges du parquet. Le 1er décembre, une motion votée par l’ensemble des magistrats et signée par les deux principaux syndicats (le Syndicat de la magistrature et l’Union syndicale des magistrats) dénonçait «un réel danger pour les justiciables de Seine-Saint-Denis», citant comme conséquences le non-traitement de 160 dossiers d’instruction et la suppression de seize audiences civiles par mois à compter du 1er janvier. «Après les attentats du 7 janvier et du 13 novembre 2015, force est de constater que les pouvoirs publics n’ont manifestement pas pris la mesure des enjeux spécifiques qui pèsent sur ce département», disait encore le communiqué. Les syndicats ont depuis été reçus au cabinet de la ministre de la Justice, avant la démission de Christiane Taubira du gouvernement, réunion pendant laquelle la création d’un groupe de travail sur les juridictions en difficulté a été envisagée. Celui-ci a annoncé la création d’un poste de magistrat au siège en 2016, le retardement d’un départ, l’arrivée en juin d’un juge en formation et l’affectation de juges «placés» [temporaires, ndlr] par la cour d’appel. Des renforts devraient être apportés par des magistrats honoraires et des contractuels en mars, dans le cadre du plan antiterroriste. «Il ne faut pas seulement des juges antiterroristes, estime Sophie Combes, du Syndicat de la magistrature. C’est pour la justice au quotidien qu’il y a besoin de monde.»

«Déni de justice». Avec les tribunaux voisins de Nanterre (Hauts-de-Seine) et de Créteil (Val-de-Marne), le TGI de Bobigny subit de plein fouet la pénurie de postes, notamment au JAF et au service pénal, plusieurs tribunaux d’instance dépendant de lui pour de nombreuses procédures plus ordinaires que le crime d’assises, de l’expulsion locative au surendettement. De quoi envenimer le quotidien d’habitants dont beaucoup passent par l’aide juridictionnelle pour défendre leurs droits. Chaque procédure fait traîner le reste, quand elle n’en ouvre pas une nouvelle. Exemple parmi d’autres : sans décision du JAF dans une procédure de divorce, impossible de demander un logement social ou de percevoir des allocations familiales. «Certains se domicilient ailleurs, dorment dans leur voiture ou continuent de vivre sous le même toit», poursuit Sophie Combes. Un «déni de justice» pour Perrine Crosnier, avocate à La Courneuve depuis trente-cinq ans. Elle doit régulièrement expliquer à ses clients pourquoi ils doivent attendre : «Comment avoir confiance en la justice, puisque quand ils ont l’idée d’y recourir il ne se passe pas grand-chose ? De tels délais entretiennent le sentiment d’abandon. Il faudrait des zones judiciaires prioritaires : que les gens aient au moins le sentiment d’être traités sans discrimination.»

Une autre procédure, aux prud’hommes celle-là, occupe la vie du même Monsieur P. depuis deux ans. Les juges ont désigné un juge professionnel au mois d’août. Aucune date d’audience n’a été fixée depuis.

 

A Nancy : «J’ai peur que cette situation  ne décourage de travailler pour la justice»

Couvert de vitres, le bâtiment marron, construit en 1982, fait figure d’ovni architectural dans le quartier résidentiel du parc Sainte-Marie de Nancy. On y accède par une passerelle en béton. Chaque jour, entre 700 et 800 visiteurs passent le portique de sécurité, pourtant «nous avons obtenu l’agrément d’ouverture au public il y a seulement quatre ans», s’amuse Maurice Schreyer, secrétaire régional adjoint de CFDT Interco Lorraine. Dans le hall, quatre ascenseurs. Seuls deux sont en état de marche. «Les deux autres ont cessé de fonctionner au début des années 2000», explique le juge pour enfants Eric Bocciarelli, représentant local du Syndicat de la magistrature (SM). Au deuxième étage, dans la salle d’attente du juge des affaires familiales (JAF), une latte du plafond, manifestement tombée, est posée sur le bord de la fenêtre. Les murs sont fissurés, les sièges abîmés, les stores défectueux. «Imaginez un couple en plein divorce qui se retrouve dans cet espace avant de passer devant le juge…» fait remarquer Romaric Pierre, greffier au service accueil du tribunal. Dans les couloirs, le ciment est apparent sous les dalles manquantes, la peinture des murs écaillée, de nombreuses fissures et autres infiltrations apparaissent le long des cloisons. «Le bâtiment a été construit sur des marécages, explique Maurice Schreyer, il est composé de trois tours qui jouent entre elles, et la Cité s’enfonce.» Du côté du juge pour enfants, les murs des toilettes sont maculés de tags injurieux, les plafonds ont été partiellement brûlés au briquet. Au troisième étage, une cafeteria a été improvisée pour le personnel. «C’est l’ordre des avocats qui a contribué financièrement à l’achat des pots de peinture», raconte Maurice Schreyer. «On est obligé d’avoir recours en permanence au système D mais il arrive un moment où la bonne volonté ne suffit plus», déplore Romaric Pierre.

Critique. La liste des indices qui révèlent la situation critique dans laquelle se trouve le tribunal de Nancy est longue : fils électriques qui pendent dans la petite bibliothèque aux maigres rayons, traces de suie autour de la porte d’une pièce incendiée il y a plus de dix ans, système informatique qui rame, affichettes faites à la main… En cause, la baisse continue du budget de fonctionnement. «Il est de 72 000 euros cette année. En trois, quatre ans, il a chuté de 40 %», explique Maurice Schreyer. «En juin, on n’aura plus d’argent, s’inquiète Eric Bocciarelli, nous sommes proches de la cessation de paiement.» Maurice Schreyer renchérit : «Nous serions une entreprise privée ou un ménage, au mois de juin, on nous couperait tout et la justice nous condamnerait.»

Médecins et traducteurs payés au lance-pierres, certains experts non rémunérés depuis un an et demi… «J’ai peur que cette situation ne décourage les gens de travailler pour la justice», appréhende le magistrat. L’impact sur le personnel est lourd, et les effectifs en souffrance. «En dix ans, nous avons perdu dix postes alors que les réformes de la justice nous demandent de plus en plus de compétences et nous imposent toujours plus d’obligations sans nous donner les moyens», constate Maurice Schreyer. A Nancy, quinze postes sur les effectifs théoriques ne sont pas pourvus. «Au final, c’est le justifiable qui trinque», s’indigne Romaric Pierre. «Pour obtenir une décision du JAF, les délais sont passés de deux à quatre mois», affirme-t-il.

Double peine. Même son de cloche du côté des avocats, solidaires du cri d’alarme des magistrats contraints, selon lui, de procéder à «du replâtrage permanent» pour faire face au manque d’effectifs et de moyens. «Pour un simple litige qui devrait être réglé en deux mois, les délais de report vont jusqu’à neuf mois, sans compter les délais de rédaction de jugement, explique Frédéric Ferry, bâtonnier des avocats de Nancy. Pour le justiciable, c’est la double peine.» «Je ne peux pas être assisté d’un greffier alors que la loi en prévoit la présence à chaque audience, indique Eric Bocciarelli. Au départ, c’est ponctuel, puis l’exception finit par devenir la norme.» Dans les étages ou dans les salles d’audience borgnes car situées au sous-sol du bâtiment, «la justice quotidienne est rendue dans des conditions de plus en plus dégradées», s’indigne le juge pour enfants s’inquiétant qu’«aucune amélioration ne soit en vue» et reconnaissant qu’à l’échelle nationale, le tribunal de Nancy «ne fait pas figure d’exception».

Grégoire Biseau , Pierre Benetti , Sandrine Issartel (Correspondance à Nancy)