«François Hollande et son gouvernement peuvent et doivent être battus». Tous les communistes sont au moins d’accord sur cette phrase de leur secrétaire national, Pierre Laurent, qu’ils ont pu lire dans une «adresse», envoyée par le patron du PCF mercredi. En revanche, ça se corse quand il s’agit de la stratégie à adopter pour atteindre cet objectif : participer à la «primaire des gauches et de l’écologie» lancée dans Libération ? En organiser une autre sans le PS ? Rejoindre directement Mélenchon ?
L’itinéraire vers 2017 doit être balisé lors d’un conseil national organisé au siège du parti le 15 avril. «Notre démarche politique n’est pas simple, mais rien n’est simple à gauche en ce moment», en convient Marie-Pierre Vieu, membre de la direction du PCF et conseillère régionale Midi-Pyrénées. D’après elle, il faudra faire preuve d’un «devoir collectif de lucidité». Car tout le monde veut rassembler à gauche, mais chacun de son côté. D’après Pierre Laurent, «le périmètre des forces à rassembler, c’est toutes celles qui s’opposent à la loi El Khomri» – autrement dit, cette foule de gauche grandissante qui bat le pavé et sur laquelle lorgnent les partis et les personnalités en dehors des formations politiques.
«Clarification» demandée aux socialistes
Le patron du PCF note qu’il faudra les unir ces «forces», dans une seule et même «alternative». Sinon, 2017, c’est foutu : un deuxième tour droite-FN. Et, visiblement, c’est parti pour : «A l’heure qu’il est, la dispersion maximum reste le scénario le plus probable», écrit Laurent dans son «adresse aux communistes», plaidant pour une primaire à gauche. «Tout dépendra du périmètre de la primaire», nuance Vieu. «Je comprends que les socialistes en rupture avec le gouvernement aient envie d’en être, je comprends qu’ils soient attachés au PS mais ils doivent aussi savoir que ce sera compliqué pour les communistes de s’inscrire dans une primaire qui pourrait accoucher d’une ligne social-libérale. Il y a une clarification à faire en interne au PS avant», poursuit l’élue communiste. La primaire devra, selon elle, faire «émerger une voix originale, une candidature commune et parlante». Et si c’était celle de Nicolas Hulot ? «Pierre Laurent a déjeuné avec lui, comme il le fait avec des intellectuels et d’autres personnalités. Beaucoup de choses se disent au sujet du PCF en ce moment», confie-t-elle.
Pour l’instant, au PCF, on veut monter des «initiatives majeures et innovantes» pour constituer «un nouveau front populaire et citoyen» avec l’écologie politique, les syndicats, les travailleurs, le monde de la culture… Il s’agit, sinon de ressusciter, au moins de revitaliser le Front de gauche. Cette structure fondée aux européennes de 2009 et présente à la présidentielle de 2012 mais que Jean-Luc Mélenchon ne cesse désormais de qualifier de «cartel de partis», «moribond» depuis qu’il a «proposé» sa candidature sur TF1, prenant de cours ses anciens amis et comptant sur le soutien sans faille de ses «insoumis». L’idée du PCF, c’est donc une sorte de «super Front de gauche», qui ratisse large, «sans sectarisme», insiste Olivier Dartigolles, porte-parole du PCF. Bienvenue à «tous ceux qui estiment que la gauche, ce n’est pas mort», dit-il. «L’objectif n’est pas un 2012 en mieux, un joli score, un tour de piste à la Mélenchon et puis s’en va. Pour nous, il s’agit de ne pas renoncer à l’idée d’une candidature de gauche au deuxième tour. L’atomisation de la gauche, c’est sa disparition assurée des écrans radars, la fin de l’idée même de gauche !», poursuit le communiste.
«Responsabilité» demandée à Mélenchon
Et même si Mélenchon «met ses pas dans ce que la Ve République produit de pire en termes de présidentialisme à outrance, entretenant l’idée que le peuple a besoin d’un homme providentiel tous les cinq ans», le PCF «continuera de lui tendre la main». C’est la réponse du berger à la bergère. Si Mélenchon veut rassembler, qu’il se rallie à eux. «C’est maintenant que se jouent les convergences», insiste Dartigolles qui prévient : «chacun va devoir prendre ses responsabilités». Un message envoyé à Mélenchon qui souhaite que les communistes le rejoignent sans passer par la case primaire. Son Parti de gauche avait ainsi lancé une première «adresse», aux autres forces de gauche, il y a dix jours, pour qu’elles soutiennent l’ex-candidat Front de gauche à la présidentielle (11,1% en 2012) déjà parti en campagne.
En attendant le dénouement, le PCF va se lancer dans une grande consultation citoyenne. L’objectif est ambitieux : discuter sur la base d’un questionnaire de plusieurs pages établi par le parti avec 500 000 personnes d’ici la fin de l’été. «Il s’agit de définir avec les citoyens les conditions essentielles d’une politique de gauche, de faire remonter ce que veut ce peuple de gauche pour élaborer un socle politique commun sur lequel le candidat qui émergera de la primaire devra s’engager», explique Dartigolles. Lui-même, conseiller municipal à Pau, emmènera une cinquantaine d’exemplaires pour son prochain séjour dans les Pyrénées-Atlantiques. Il a d’ores et déjà calé des rendez-vous avec des personnalités locales du monde associatif et syndical. Puis il installera «une table sur le marché», fera les «gares et les cages d’escalier». «Un travail passionnant», anticipe Dartigolles : «On va se prendre toute la colère et la désespérance. L’austérité brime l’imaginaire, là on repart sur le terrain avec des questions ouvertes du type : qu’est ce qui est important pour vous dans la vie ?»
Les législatives plus importantes que la présidentielle ?
Une démarche qui fait grincer des dents dans les rangs communistes, pourtant habitués, depuis que Laurent a pris la tête du parti en 2011, à être plutôt calmes. «Il consulte les citoyens mais ne consulte pas les communistes quant à la participation à la primaire !», déplore Francis Parny, qui a quitté la direction du parti après avoir été un proche de Laurent. L’homme a lancé une pétition sur Internet pour que les communistes soutiennent la candidature Mélenchon. Elle atteint presque 1 000 signatures, «des militants de base qui ont envie de retrouver l’effort collectif autour d’un candidat !», s’enthousiasme-t-il. Jeudi, des militants de Ensemble!, autre composante du Front de gauche emmenée par Clémentine Autain, appelaient aussi à se ranger derrière Mélenchon. Ces soutiens viennent après celui d’ex-socialistes appelant récemment dans Libération à rejoindre le député européen.
Parny est remonté, il a décortiqué l’adresse de Laurent : «La bonne nouvelle c’est qu’il nous annonce que François Hollande n’est pas le candidat des communistes mais il ne dit pas qui le sera !» D’après lui, la présidentielle «n’intéresse plus» le secrétaire national qui «mise tout» sur les législatives. «Chaque section doit mener des états généraux pour désigner des candidats. Mais quand ils feront du porte-à-porte, ils ne sauront pas dire qui ils soutiennent pour l’Elysée ? Ce n’est pas crédible ! Pierre Laurent dissocie les deux élections, à croire qu’il ne sait plus dans quelle République on est ! Il veut sauver le groupe parlementaire, sauver le Front de gauche, mais c’est le meilleur moyen de tout perdre.» Quant à la primaire à gauche, le communiste fâché avec la ligne du parti estime que «c’est un leurre» : «Les socialistes savent que Hollande sera candidat, comme tous les sortants, et qu’il perdra. Car s’il n’y allait pas, ce serait un aveu d’échec pour lui et son parti. Les socialistes jouent actuellement l’après 2017, le contrôle du PS.» Et les communistes, eux, une partie de leur avenir. Leur 37e congrès, organisé du 2 au 5 juin à Aubervilliers devrait décider de la route qu’ils empruntent.
Noémie Rousseau