Le Sénat, à majorité de droite, a voté ce jeudi, contre l’avis du gouvernement, un amendement au projet de révision constitutionnelle post-attentats pour limiter la déchéance de nationalité aux seuls binationaux auteurs d’actes terroristes, soit une version différente de celle de l’Assemblée.
«La France ne saurait fabriquer d’apatrides, quelle que soit la gravité des crimes qui leur sont reprochés», a dit le rapporteur et président de la commission des Lois, Philippe Bas (LR). Son amendement a été adopté par 187 voix contre 149 et 7 abstentions, malgré les mises en garde de Manuel Valls évoquant un «chemin difficile et long» de rapprochement avec l’Assemblée en vue d’un éventuel Congrès.
Mais «le point de départ» a été le voeu de François Hollande le 16 novembre en faveur d’une révision, alors que «nous n’avions rien demandé !», s’est exclamé le chef de file des sénateurs LR, Bruno Retailleau, en assurant «tendre la main» à l’Assemblée.
Les députés avaient choisi le 10 février d’ouvrir la possibilité de déchéance à tous les Français, pour ne pas créer de discrimination. Or les deux chambres doivent adopter un texte conforme pour aller à Versailles et entériner toute révision constitutionnelle.
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«Ce qui nous différencie et nous sépare n’est pas énorme», a lancé le chef du gouvernement à la droite, tout en soulignant que «le chemin vers l’Assemblée nationale sera difficile, j’espère pas impossible» et que «le débat ne pourra se prolonger éternellement», sinon «le Parlement sera ridiculisé».
#Valls « part du principe que le débat continue » mais s’il y a « navette sur navette, c’est le Parlement qui serait ridiculisé » #conseildami
— laure bretton (@laurebretton) 17 mars 2016
Philippe Bas a lui reproché à Manuel Valls d’avoir «plié devant les difficultés rencontrées par (sa) majorité à l’Assemblée», et de ne plus «assumer aujourd’hui nettement le refus de créer des apatrides».
Plus d’intervention d’un juge judiciaire
L’amendement approuvé, avant un vote sur l’ensemble de l’article 2 du projet de loi constitutionnelle, stipule que la déchéance «ne peut concerner qu’une personne condamnée définitivement pour un crime constituant une atteinte grave à la vie de la Nation et disposant d’une autre nationalité que la nationalité française».
Ainsi il supprime les délits des motifs susceptibles de justifier la déchéance, alors que cette mention avait été ajoutée à l’Assemblée à la suite notamment d’une demande du président du parti LR Nicolas Sarkozy. En outre, cette décision de déchéance serait actée par un décret pris sur avis conforme du Conseil d’État, alors que les députés voulaient l’intervention d’un juge judiciaire. Les sénateurs n’ont pas retenu non plus la possibilité d’une déchéance des seuls droits attachés à la nationalité.
Le Premier ministre a défendu la version de l’Assemblée, et critiqué des positions «à géométrie variable» des sénateurs de droite. Sept amendements de suppression de cet article 2 du projet de révision, venant de tous les bancs, avaient été déposés contre une déchéance vue comme «inutile» ou «inefficace», mais ils n’ont pas été mis au vote en raison d’un artifice de procédure. L’un était signé par 33 sénateurs socialistes de plusieurs sensibilités, dont Bariza Khiari, David Assouline, Jean-Pierre Sueur et Marie-Noëlle Lienemann.
LIBERATION avec AFP