Il ne reste presque plus rien du sud de la «jungle» de Calais. Au milieu d’un paysage de sable et de boue séchée jonché de chaussures, de brosses à dents, de poupées, de sachets de thé éparpillés, il n’y a plus que l’église orthodoxe, l’«Information Center» des No Border, le «Legal center» de l’Appel de Calais, la cabane de Médecins sans frontières. Un peu plus loin, côté chemin des dunes, on continue de démolir les dernières cabanes près de la tente de Médecins du monde sous l’œil d’une trentaine de fourgons de CRS qui sont là.
Tout est collé-serré, enchevêtré
Le côté sud du bidonville ressemble à nouveau à ce qu’il était il y a presque un an quand l’Etat a poussé les migrants à s’y installer : une ancienne décharge. Ici, il y a deux semaines, vivaient 1 000 exilés selon la préfecture, 3 500 selon l’Auberge des migrants. Où sont-ils passés ? En zone nord, pour la plupart. Selon l’association, environ 2 500 s’y sont installés, soit quelque 70% d’entre eux. Là, tout est collé-serré, enchevêtré, au risque de rendre encore plus difficile la lutte contre les incendies. Les trois bars érythréens sont à nouveau sur pied, des échoppes afghanes ont ressuscité. Le Women’s and Children’s Center créé par la Britannique Liz Clegg s’est installé dans un bus aménagé, près de caravanes où vivent les familles. Des bénévoles y enseignent des comptines anglaises ce mercredi après-midi. L’école du chemin des dunes est toujours debout, mais trop loin des cabanes : les parents n’osent plus y laisser leurs enfants. Où sont allés les 30% qui restent ? «Grande-Synthe, la Belgique, la Normandie, Paris, l’Allemagne, des femmes et des enfants dans le centre Jules-Ferry, des gens dans les conteneurs, et environ 300 dans les centres d’accueil et d’orientation (CAO)», selon l’Auberge.
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Dans la cabane des No Border, neuf Iraniens en grève de la faim, qui se sont cousu la bouche depuis seize jours. Ils ont les traits tirés. L’un d’entre eux n’a que 17 ans. Des militants de Help Refugees et de l’Auberge des migrants – qui ne veulent surtout pas qu’on les confonde avec les No Border – les assistent. Des agents de la préfecture sont passés les voir pour discuter.
«On n’attend rien de la France»
Reza, ancien garde du corps et prof de bodybuilding en Iran, articule avec difficulté avec sa bouche cousue : «Ils ne nous proposent rien d’autre que ce qu’ils nous proposaient avant de détruire nos cabanes. La possibilité de demander l’asile en France, et une place à l’abri, dans un centre loin de Calais. On n’attend rien de la France. Que les Anglais installent un centre juridique ici, et fassent le tri entre les gens pour nous accepter sur leur sol. Ça nous évitera de donner des milliers d’euros aux passeurs.» Après discussion, dans l’après-midi, un bénévole français qui les accompagne récapitule d’autres demandes : pas d’application du règlement de Dublin qui permet de transférer les demandeurs vers un autre pays d’Europe, la possibilité de demander l’asile depuis la jungle, car certains affirment que leur séjour en centre d’accueil et d’orientation (CAO), loin de Calais, s’est mal passé, pas d’expulsions vers l’Iran, et des engagements signés par un représentant de l’Etat. Nouvelle rencontre prévue jeudi à 15 heures.
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Selon une rumeur, infirmée par la préfecture, le nord de la jungle devra être rasé fin mars. «Irréaliste», selon François Guennoc, de l’Auberge des migrants. «En imaginant qu’on puisse envoyer 50 personnes par jour dans les CAO, ce qui est loin d’être le cas aujourd’hui, il faudrait entre deux et trois mois pour arriver à l’objectif du gouvernement.» C’est-à-dire pas plus de 2 000 personnes dans la jungle, 1 500 dans les conteneurs blancs – où il ne reste qu’une centaine de places – et 500 dans les tentes de la sécurité civile – où il reste une centaine de places, selon la préfecture.
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(Actualisé jeudi à 9h15 avec réaction de la préfecture)
Haydée Sabéran Envoyée spéciale à Calais