Pendant ce temps, la jungle de Calais est en cours d’évacuation

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Libération.fr vous propose de suivre, tout au long de la journée, le démantèlement de la jungle de Calais, entamé lundi.

Entamé lundi avec des heurts, des incendies et des jets de gaz lacrymogènes par la police, le démantèlement de la zone sud de la jungle de Calais, où vivent de 1 000 (selon la préfecture) à 3 500 migrants (selon les associations) se poursuit jour après jour. Il pourrait durer près d’un mois.

Libération.fr vous propose de suivre, tout au long de la journée, ce démantèlement, en explorant la jungle et ses alentours, et en allant à la rencontre de ceux qui sont venus ici – d’Iran, d’Irak, de Syrie, d’Afghanistan – avec un objectif : en repartir pour atteindre l’autre côté de la Manche.

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Photo Albert Facelly pour Libération

16:19

Containers (bis).

Principal problème de ces containers : le fait qu’il faille apposer sa paume sur cette machine pour y accéder, ce qui fait craindre aux migrants d’être fichés et que leurs infos soient transmises ailleurs, ce que conteste la préfecture. Pour des gens qui vivent dans la peur d’être arrêtés, hors de question d’en passer par là. Dans un groupe d’Afghans, un homme explique aussi qu’il a déjà donné ses empreintes en Bulgarie dans le cadre de la convention de Dublin, qui prévoit qu’un demandeur d’asile ne voit son dossier traité que par un seul pays. Or, cet homme n’a aucune envie d’être renvoyé en Bulgarie, où il raconte avoir été frappé. (Photo Frantz Durupt)

15:56

Containers.

125 containers censés accueillir 1500 personnes ont été installés au nord-est du camp pour compenser les délogements dus au démantèlement. Ils sont alignés, entourés de grillages, ressemblant finalement plus à une prison qu’autre chose. Impossible pour l’heure de connaître leur taux d’occupation, mais il semble que les migrants s’en servent surtout pour se reposer quelques heures avant de retourner dans le camp, où se trouve la vraie vie. Par ailleurs, il y aurait 200 mineurs selon le directeur de La Vie active, l’association qui gère le lieu. (Photo Frantz Durupt).

15:48 Qui sont les bénévoles de la jungle ?

Bénévolat.

«On dit toujours que c’est que des Anglais, mais du coup les Français ne sont pas contents», dit Thomas, membre du collectif l’appel de Calais. Ici, les assos ne veulent pas voir leur rôle minimisé. «Mais c’est vrai que c’est au moins 80% d’anglais», dit aussi Thomas, ce que confirme la grande présence d’anglophones dans les allées dans la jungle. «En même temps, c’est surtout leur problème», conclut-il, puisque l’objectif de la plupart des migrants ici est de traverser la Manche.

15:40

Pause déjeuner dans «la jungle».

Il y a des bons restaurants dans la jungle de Calais

04.03.16Frantz Durupt. @peultier Suivre

15:27

Ex-lieu de vie.

C’était un lieu de vie mais ça, c’était avant… comme en témoigne cette photo prise par notre journaliste Marie Piquemal, sur place depuis ce matin.

Le bout de bois a terre etait un mur de cabane. Il y avait ecrit dessus: « lieu de vie »

04.03.16Marie Piquemal. @mariepiquemal Suivre

14:50

Portrait.

Zimako vit en France depuis trois ans, il a rejoint la jungle il y a presque un an. Au départ, il a construit une petite cabane servant d’école, avec écrit en grosses lettres rouges: «French Lesson». C’était Chemin des dunes. Mais très vite, la place a manqué. Avec d’autres, il a construit une nouvelle école, plus grande. Ce matin, il ne souriait pas beaucoup: ces pelleteuses tout autour, et ces CRS qui restent devant l’entrée. Aucun enfant n’était là. «Je ne perds pas la foi, il y a toujours de l’espoir» (Photo Marie Magnin).

14:34

Ecole.

Quand elle a vu le message posté sur Facebook, indiquant que des CRS étaient devant l’école, Laurence, professeur bénévole, a sauté dans sa voiture, embarquant fils et mari. «Je ne travaillais pas ce matin. J’apporte des bras, au cas où…». Finalement, les CRS, toujours plantés devant l’école, ont revu leur discours (leurs consignes ne paraissent pas très claires): les élèves ont le droit de venir… à condition de faire un grand détour et contourner la zone en train d’être démantelée. Le fondateur de l’école, Zimako, suivi d’une troupe de bénévoles (famille de Laurence comprise), décolle illico à la recherche des enfants.

Beaucoup de familles irakiennes qui vivaient tout près ont fui plus loin dans la jungle, en contrebas des fameux containers mis en place par les autorités. Il faut marcher une bonne vingtaine de minutes avant d’y arriver. Dans cette zone, il n’y a que des caravanes apportées par des bénévoles anglais. L’une d’elle, tractée par un gros 4×4, se retrouve embourbée dans la boue.

Un peu plus loin, sur un terre plein moins boueux, des couvertures sont étendues sur le sol, avec des Lego. Zimako et sa troupe retrouvent des enfants qu’ils connaissent bien. Embrassades, escalades sur le dos….. Après de longues discussions, les mères refusent de laisser partir les enfants. «Les policiers… Elles ont peur.» Flo, l’un des bénévoles, souffle. Il s’en doutait. “C’est comme ça depuis lundi. Avant, vous auriez du voir! L’école était remplie. On avait même une petite routine. On a le sentiment que les autorités veulent détruire l’école, même si c’est pas physiquement…».

Sur un bout de terrain un peu moins boueux: des tapis, des legos et des coloriages. #JungleCalais

04.03.16Marie Piquemal. @mariepiquemal Suivre

14:17

Prière.

L’heure de la grande prière du vendredi. Les musulmans du camp (la grande majorité des réfugiés) se recueillent dans la rue principale. Les générateurs ont été coupés, le silence s’abat sur la jungle (Photo Albert Facelly).

14:01

Départs.

A 12h15 le bus emmenant 17 migrants vers des centres d’accueil et d’orientation (CAO) en Bretagne a quitté la jungle de Calais. A bord: quatre Syriens pour le CAO de Saint-Brieuc et onze personnes vers celui de La Guerche-de-Bretagne, près de Rennes. «Ce ne sont pas forcément des gens dont l’habitation a été détruite depuis le début du démantèlement», précise Serge Szarzynski, directeur départemental de la cohésion sociale, mais plutôt des migrants qui réfléchissaient depuis longtemps à quitter les conditions difficiles de la Jungle. Quarante-trois personnes étaient ainsi parties lundi, 28 mardi, 32 mercredi, 18 jeudi. Prochain départ lundi.

13:57

Vie quotidienne.

Un de nos journalistes envoyé sur place a testé des boulangeries !

Quatre boulangeries (excellentes) sont installées dans la jungle. Celle-ci sort 1000 pains par jour selon le patron.

04.03.16Célian Macé. @CelianMace Suivre

13:40

Bouches cousues.

A nouveau, une douzaine d’Iraniens en grève de la faim ont cousu leur bouche et brandi des messages pour protester contre leurs conditions de vie et un démantèlement qui ne leur offre pas de perspective. Ils ont parcouru une partie de la jungle, suivis par de nombreux photographes.

(Photo Albert Facelly pour Libération)

13:30

Ecole.

Le grillage est ouvert. Zimako, qui a construit cette école associative, est sur le pas de la classe des enfants, vide : «Je ne bougerai pas. Je serai là jusqu’au dernier piquet.» La préfecture lui a dit au téléphone encore ce matin que l’école serait préservée, mais les CRS bloquent la route permettant d’y accéder, «pour des raisons de sécurité». Les bulldozers s’activent tout autour. Des profs bénévoles sont là, sans élèves…

(Photo Jérôme Sessini. Magnum)

13:12

Caravanes.

Au fur et à mesure que le démantèlement progresse, les caravanes reculent. Ici, des Kurdes avertis par une maraude d’associations humanitaires déménagent leur logement, qui bougera de quelques dizaines de mètres.

(Photo Albert Facelly pour Libération)

12:55 «Je veux bien vivre partout en France, sauf ici»

Portrait.

Abdulkarim tient une petite épicerie dans la zone sud du bidonville. Ici, on y trouve des biscuits, du lait, des œufs, des boissons énergisantes, et même des cigarettes, soigneusement empaquetées par dix dans de l’aluminium. Originaire d’un petit village du Pakistan, à la frontière avec l’Afghanistan, il est ici depuis cinq mois. Abdulkarim a engagé des démarches pour demander l’asile. «Je n’aime pas la jungle. Je veux bien vivre partout en France, sauf ici».

(Photo Marie Magnin)

12:22

Au cœur de Calais.

Autant de «lieux de vie» en cours de destruction…

Sur beaucoup de cabanes, a été taggué ces mots: « lieu de vie ». Le démantèlement se poursuit, methodiquement.

04.03.16Marie Piquemal. @mariepiquemal Suivre

12:15

Lieu de culte.

Notre journaliste Frantz Durupt a pu s’entretenir avec un pasteur anglais. Celui-ci lui confie qu’«il n’y a pas de pasteurs à plein temps ici, mais (que) deux viennent régulièrement d’Angleterre».

Un lieu de répit où tintent quelques clochettes : une église, sur la route qui descend vers le sud

04.03.16Frantz Durupt. @peultier Suivre

12:03

Portrait.

Shvan vient de Kirkouk, en Irak. Il a fui son pays quand ses parents ont été tués dans un bombardement. Le jeune homme vit dans la jungle depuis quatre mois. La semaine dernière encore, il habitait dans une cabane, juste derrière lui sur la photo. Aujourd’hui, sa cabane n’existe plus, la police empêche l’accès à la zone rasée. Le seul objectif de Shvan aujourd’hui : traverser la Manche «I love UK. UK good». Ce soir encore, il essayera de monter dans un camion pour y parvenir (Photo Marie Magnin).

11:52

Ecole en suspens.

Le grillage est ouvert. Zimako, qui a construit l’école associative de la jungle, est sur le pas de la classe des enfants, vide. «Je ne bougerai pas. Je serai là jusqu’au dernier piquet.» La préfecture lui a dit au téléphone encore ce matin que l’école serait préservée mais les CRS bloquent la route permettant d’y accéder «pour des raisons de sécurité». Les bulldozers s’activent tout autour. Des profs bénévoles sont là, sans élèves…

Zimako, le fondateur de l ecole, est furieux.La pref lui a encore jure hier que l ecole ne serait pas detruite, ms les crs bloquent l accès!

04.03.16Marie Piquemal. @mariepiquemal Suivre

11:40

Evacuation imminente.

Les migrants (ici, des Kurdes) sont prévenus de l’imminence de la destruction de leur habitation par une maraude constituée d’associations humanitaires et d’un médiateur de la préfecture. Cette maraude tente de les convaincre de partir avant l’arrivée des pelleteuses (Photo Albert Facelly).

11:36

Carte de la jungle.

Nous avons cartographié la jungle avec l’aide des journalistes de «Libération» sur place. Depuis le début de l’année, la zone où vivent les migrants a été fortement réduite. Une première bande de 100 m le long de la rocade a été rasée en janvier. C’est la zone au sud-est qui est en train d’être démantelée (Carte par Big).

11:31

Avec un groupe de Kurdes

Notre journaliste Célian Macé suit un groupe de Kurdes qui tournent en rond depuis ce matin. Alan, 17 ans, Zawg, 25 ans, Soram, 30 ans, Karim, 25 ans, Shaqir, 18 ans et Ares, 22 ans sont originaires de Dohouk et Kirkouk, au Kurdistan irakien. La plupart ont de la famille en Angleterre. Il sont là depuis plusieurs mois, jusqu’à huit pour Shaqir. A 9 heures, leurs trois cabanes ont été découpées. Ils ont tenté d’obtenir une place dans le camp de containers, mais les nouvelles inscriptions n’auront lieu qu’à 13 heures. Ils errent depuis deux heures pour pouvoir s’allonger quelque part au sec et viennent de s’installer dans une maison de thé. Les six Kurdes ont besoin de quelques heures de sommeil, disent-ils. Ils ont tenté de passer en Angleterre la nuit précédente. Ils vont réessayer ce soir (Photo Albert Facelly).

11:18 Philippe, 48 ans, nettoie les toilettes de la jungle

Sanitaires.

Depuis quatre mois, il vient tous les jours – sauf le dimanche – nettoyer les toilettes. Philippe, 48 ans, a été embauché en CDD par une entreprise qui loue des toilettes démontables en plastique (celles des chantiers et des festivals). Il y en a 150 dans la jungle, grace à Médecins sans frontieres. Philippe assure l’entretien avec ses collègues William, Etienne et Bruno.

Il dit que le pire jour «c’est le lundi matin. On passe pas nettoyer le dimanche, alors je vous dis pas… On met beaucoup de produit, du parfum. La dose qu on on met pour les toilettes de chantier pour 8 jours, là c’est tout les 2 jours. Mais ça suffit pas du tout. Quand on arrive, elles sont dans un état…». Il a «mal au cœur de voir ces gens vivre comme ça, sans pouvoir se laver. Il y a quelques douches mais que de l’eau froide ! Ça picote en hiver.» Il reprend son service, plusieurs personnes attendent pour accéder aux toilettes «propres»

(Photo Albert Facelly pour Libération)

11:03 Détruire sa cabane soi-même, pour sauver ce qui peut l’être

Calais.

Avant même l’arrivée des pelleteuses, des réfugiés commencent parfois à détruire eux-mêmes les constructions situées en lisière de la zone de démantèlement. Ils anticipent l’arrivée des équipes de «nettoyeurs» et récupèrent tout les matériaux de construction. Du bois pour se chauffer, des bâches pour imperméabiliser les abris, des couvertures pour l’isolation…

Hier soir, plusieurs migrants démontaient par exemple le «hamam» de la zone sud (un complexe abritant huit douches chaudes bricolées et un petit salon de barbier) pour conserver les tuyaux et les bidons. Lors du démolissage par les autorités, rien n’est gardé : les ruines et les affaires oubliées partent dans des bennes. (photo Albert Facelly)

10:40

Calais.

Accès limité à la zone, au sud de la jungle, où s’activent les pelleteuses : trois CRS bloquent le chemin, y compris à la presse, car «ce sont les consignes» et «c’est un chantier». Ils ne diront rien non plus sur l’avancée du démantèlement (Photo Marie Magnin).

10:07

Calais.

Notre journaliste Frantz Durupt est également sur place.

À la jungle de Calais, un message pour le premier ministre britannique

04.03.16Frantz Durupt. @peultier Suivre

09:20 Démantèlement : la crainte de l’«effet entonnoir»

Calais.

Pour l’instant, seule la journée de lundi a été marquée par des heurts. Mais la tension augmente mécaniquement avec la progression des destructions : les premiers déplacés ont en effet, pour la grande majorité d’entre eux, déménagé dans les abris de leurs amis. Mais que va-t-il se passer quand ceux-ci vont à leur tout être détruits ? C’est le cas de ces jeunes Iraniens originaires de Tabriz croisés hier, qui risquent de devoir redéménager rapidement.

Ils vivent pourtant déjà à neuf dans le minuscule cabanon 8515, encombré de vaisselle, de vêtements et de sacs. Ils doivent se relayer pour dormir. Les ONG redoutent que cette pression démographique soudaine dans la jungle – «l’effet entonnoir» – dégénère rapidement en violences. (photo Albert Facelly)

09:01

Démantèlement.

Les CRS commencent à évacuer la zone kurde, au sud-ouest de la jungle, rapporte notre journaliste sur place. La première cabane a été démolie.

Première cabane démolie. Beaucoup d’abris sont déjà vides au moment où les médiateurs arrivent sur place.

04.03.16Célian Macé. @CelianMace Suivre

08:45

CRS.

L’arrivée des CRS dans la jungle de Calais, par notre journaliste Albert Facelly.

08:42

Calais.

Les premiers CRS viennent d’arriver dans la jungle de Calais, selon notre journaliste Célian Macé qui se trouve sur place (et inaugure son compte Twitter pour l’occasion). L’évacuation du camp devrait se poursuivre ce matin.

Les premiers CRS pénètrent dans le camp.

04.03.16Célian Macé. @CelianMace Suivre

08:14 Quelles nationalités vivent dans la jungle ?

Calais.

Dans le camp de Calais, les Afghans forment la communauté la plus puissante. Ils sont les plus nombreux, tiennent la plupart des commerces, mais contrôlent aussi les réseaux de passage vers l’Angleterre. Sont aussi présents plusieurs centaines de Soudanais, d’Ethiopiens, de Kurdes et d’Iraniens. Chaque nationalité est regroupée en petit village. Les destructions de la zone sud ont d’abord touché les Soudanais, avant de s’étendre aux Iraniens mardi, puis aux Kurdes mercredi.

08:08 Ali : «Ici au moins, je suis avec des Afghans avec qui je peux parler»

Calais.

On commence notre direct dédié au démantèlement de la jungle de Calais par un témoignage, reccueilli par nos journalistes du place :

Ali est arrivé dans la jungle il y a un mois. Il a quitté la province du Logar, en Afghanistan, en décembre dernier. Il a essayé plusieurs fois de passer en Angleterre. Mais la traversée est si difficile qu’il assure qu’il va finalement demander l’asile en France. Lui n’a pas de famille qui l’attend de l’autre côté de la Manche.

«Il n’y a pas de bon ou de mauvais pays, il y a des bons ou des mauvais endroits dans chaque pays, dit-il. Ici, c’est un mauvais endroit.» Mais il refuse de prendre le bus : «Les demandes d’asile, là-bas, prennent des mois et des mois, où nous sommes isolés, perdus. Ici au moins, je suis avec des Afghans avec qui je peux parler. Je préfère attendre la décision à Calais.»

Il a suivi anxieusement l’avancée des démolisseurs pendant toute la journée d’hier. Son abri, dans la zone sud, n’a pas encore été rasé par les bulldozers, mais un feu en a brûlé une grande partie dans la soirée. Il s’est résolu à demander un lit dans le camp de containers de l’Etat qui jouxte la jungle pour dormir au chaud, malgré sa peur de la prise des empreintes palmaires (nécessaire pour accéder au camp). Sans succès. Il a dû, avec les trois personnes qui partageaient sa bicoque numéro 6538, passer la nuit chez des amis. (photo Albert Facelly)