Ségolène Royal, sapeur-pompier. La ministre de l’Ecologie est venue le dire, jeudi, en conférence de presse : «Il n’y a pas de logiciels de fraude sur les véhicules de marque Renault qui ont été testés.» Une sortie destinée à vite calmer les places boursières qui ont fait dégringoler l’action du constructeur français. «Les actionnaires peuvent être rassurés, les salariés peuvent être rassurés», a-t-elle affirmé.
Recul de 10,2%
Le vent de panique s’est levé en fin de matinée jeudi, après la diffusion d’un tract de la CGT Renault à Lardy (Essonne), où le syndicat s’inquiétait de l’intervention des agents de la DGCCRF (Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes) sur différents sites du constructeur, le 7 janvier. Les secteurs ciblés («homologation et mise au point des contrôles moteur») «laissent fortement penser» que ces «perquisitions» sont «liées aux conséquences de l’affaire des moteurs truqués de Volkswagen», écrit le syndicat. «Ils ont récupéré les PC de plusieurs directeurs», précise le tract. L’information a ensuite été confirmée par la direction du groupe : «La DGCCRF s’est rendue au siège social, au centre technique Renault de Lardy et au Technocentre de Guyancourt.»
Résultat : l’action a salement dévissé, perdant jusqu’à 20% en séance, avant de se reprendre et de terminer en recul de 10,2%, à 77,70 euros. Le fait que Renault ne vende pas de véhicules aux Etats-Unis – où l’allemand VW risque des dizaines de milliards de dollars d’amende pour avoir trafiqué ses voitures et passé sans encombre les tests d’émissions polluantes – n’a pas été pris en compte par les opérateurs de marché qui ont vendu massivement les actions du constructeur. Depuis le 1er janvier, l’action de la marque au losange a entamé une descente de 16%. Et alors qu’aucune perquisition n’a été menée chez PSA Peugeot Citroën, l’autre constructeur français a aussi pâti de ce vent de panique, cédant pour sa part plus de 5%. Les grands constructeurs européens n’ont pas été épargnés non plus par le risque d’un «Renaultgate» : à l’image des allemands BMW, Daimler et bien sûr Volkswagen, qui ont lâché chacun près de 3,5% à Francfort.
«Dépassements de normes»
L’opération de sauvetage de Ségolène Royal suffira-t-elle à redorer la cote boursière des constructeurs ? Une commission technique indépendante, dite «commission Royal», a été mise en place par le ministère de l’Ecologie dans la foulée du scandale Volkswagen. Elle a commandité des contrôles en condition réelle de conduite afin de relever les émissions réelles de CO2 et de polluants, les tests d’homologation des véhicules étant connus pour être, en Europe, très en dessous de la réalité.
Vingt-deux voitures ont été testées sur les 100 prévues. Si ces tests «confirment l’existence de logiciels de fraude sur les deux véhicules Volkswagen testés» et pas sur les autres marques contrôlées, ils révèlent cependant «des dépassements de normes, pour le CO2 et les oxydes d’azote» sur plusieurs modèles étrangers et chez Renault, a confirmé la ministre. «Il s’agit d’écarts importants, inexplicables», insiste le Réseau action climat, membre de cette commission. «Nous allons demander aux constructeurs de venir expliquer ces écarts devant la commission», prévient Lorelei Limousin, de l’ONG environnementaliste.
Quel lien avec les perquisitions de la DGCCRF ? Aucun, assure le ministère de l’Economie, dont dépend le service de répression des fraudes. «Il s’agit d’une autre enquête, précise Bercy, pour savoir s’il y a eu tromperie des consommateurs», c’est-à-dire une fraude organisée. Pourquoi des perquisitions chez Renault et pas chez PSA ? «Elle avait besoin d’éléments complémentaires», se borne à dire le ministère. Difficile pourtant de ne pas lier les deux enquêtes : la DGCCRF fait également partie de la commission Royal.
Richard Poirot , Jean-Christophe Féraud