Affaire Théo – Contrôles d'identité : le récépissé, une bonne solution ?

L’affaire Théo, ce jeune habitant d’Aulnay-sous-Bois arrêté dans des conditions d’une extrême violence, cristallise de nouveau les tensions entre forces de l’ordre et jeunes des banlieues. Et réveille le débat sur la traçabilité des contrôles policiers. Ce lundi, sur France Inter, le Défenseur des droits, Jacques Toubon, a remis sur la table une proposition de longue date : le récépissé. Il s’agit d’un coupon remis par le policier après chaque contrôle d’identité, qui comprendrait la date, le lieu et le motif du contrôle. Un moyen, selon Jacques Toubon, de tracer les contrôles d’identité plus facilement, et d’éviter les « délits de faciès ». Le Défenseur des droits rappelle une étude publiée récemment qui révèle que, sur 5 000 Français interrogés, seuls 16 % ont été contrôlés ces cinq dernières années, 40 % pour les jeunes de 18 à 25 ans. « Et, parmi eux, 80 % de jeunes hommes perçus comme Noirs, Arabes et Maghrébins rapportent avoir été contrôlés », a-t-il souligné.

Lire aussi Affaire Théo : Jacques Toubon souhaite une « traçabilité » des contrôles de police

En fait, l’idée de délivrer un récépissé après un contrôle d’identité n’est pas nouvelle, c’est même un serpent de mer qui faisait partie des promesses de campagne de François Hollande en 2012. Elle avait été enterrée cette même année par Manuel Valls, alors ministre de l’Intérieur. Ce dernier avait qualifié la mesure de « trop bureaucratique et trop lourde à gérer ». En juin 2016, l’expérimentation de remise de récépissés de contrôles d’identité contenue dans le projet de loi égalité et citoyenneté – dans un amendement déposé notamment par Benoît Hamon – avait été de nouveau rejetée, par l’Assemblée nationale cette fois.

« Aucun effet sur le profilage racial »

Pourtant, certains pays européens ont déjà adopté la mesure, dont l’efficacité semble éprouvée. C’est le cas de la Grande-Bretagne et d’une région d’Espagne. Le 9 février, au micro de la matinale d’Europe 1, Stéphane Troussel, président du conseil départemental de la Seine-Saint-Denis, a rappelé : « Depuis plus de trente ans, la police délivre une fiche à chaque personne qui est arrêtée et fouillée. La date, le motif de l’interaction et surtout l’origine ethnique de la personne contrôlée sont indiqués. D’autres expérimentations ont eu lieu dans quelques villes d’Europe, financées par la Fondation George Soros, mais une seule ville en Espagne l’a vraiment adoptée », explique-t-il. Là-bas, « la police a engagé le dialogue avec la population et a divisé par deux le nombre de ses contrôles, qui sont aussi devenus beaucoup plus efficaces. En Grande-Bretagne, le pourcentage de contrôles menant à une arrestation a augmenté. Il est de 16,5 % contre environ 4 % en France, selon une étude conduite dans deux départements. En clair, les policiers sont plus efficaces, ils affinent leur ciblage. »

En revanche, la remise de récépissés « n’a eu aucun effet sur le profilage racial », déplore Stéphane Troussel. D’après lui, les discriminations lors des contrôles d’identité stagnent et, à Londres, « un Noir a toujours 4,5 fois plus de chances de subir un contrôle d’identité qu’un Blanc. Et c’est la même chose aux États-Unis, où ces récépissés existent depuis des années », assure l’élu PS.

Barrière juridique

Par ailleurs, une barrière juridique se dresse devant la mise en place d’un tel système en France. « Partout où cette proposition existe, elle est associée à une classification de la population incompatible avec notre conception républicaine », rappelle Manuel Valls en septembre 2012 dans un discours devant des responsables policiers et gendarmes.

Le récépissé est également loin d’avoir les faveurs du nouveau locataire de la place Beauvau, qui l’assimile à une « chimère ». Selon Bruno Le Roux, le dispositif des caméras mobiles, ou caméras-piétons – accrochées sur le torse du policier ou du gendarme en patrouille –, lancé à titre expérimental en avril 2013 dans plusieurs départements et dans 47 zones de sécurité prioritaire (ZIP), est « bien plus opérationnel qu’un récépissé, qui entraînerait une forme de lourdeur ». « C’est une garantie pour les uns comme pour les autres. Lorsqu’il y a des contrôles qui ne se passent pas bien, c’est souvent parole contre parole. Là, avec les caméras-piétons, il y a des éléments de faits », avance-t-on au ministère de l’Intérieur. « À partir du moment où les images sont enregistrées, tout le monde se maîtrise mieux », fait valoir une source policière.

Actuellement, la caméra dont sont équipés les quelque 2 600 policiers et gendarmes ne va pas filmer en permanence ou se déclencher automatiquement, mais fonctionnaires et militaires participant à l’expérimentation seront tenus de la faire fonctionner lorsqu’ils procéderont à un contrôle. Selon son entourage, Bruno Le Roux devrait prochainement acter un déploiement supplémentaire de ces caméras-piétons.