TITRAILLE —-Guyane : le gouvernement dans l'impasse

C’est une fin de non-recevoir au plan du gouvernement pour trouver une issue au mouvement social qui paralyse la Guyane. « Nous exigeons 2,5 milliards d’euros tout de suite », a lancé Olivier Goudet, un porte-parole du collectif de Guyanais, depuis le perron de la préfecture à Cayenne, où la ministre des Outre-mer Ericka Bareigts recevait la délégation. Les centaines de personnes massées en contrebas, dont certaines y avaient passé la journée, ont immédiatement réagi par des cris de joie.

À moins de trois semaines du premier tour de l’élection présidentielle, la ministre, qui devait rentrer dans la soirée à Paris, les avait exhortés plus tôt à rapidement « graver dans le marbre le travail » engrangé « ensemble » après la présentation d’un document en cinq points. Mme Bareigts « fait comme si elle ne savait pas que nous avons 50 ans de retard, qu’on subit, que nous voyons de la misère dans notre pays. Nous allons lui montrer », s’est encore exclamé Olivier Goudet, par ailleurs porte-parole des « 500 frères contre la délinquance », un mouvement très populaire dont les membres marchent encagoulés. « Demain, tous les barrages seront fermés », a-t-il affirmé quelques instants plus tard devant la presse, menaçant ainsi d’un durcissement de la mobilisation.

Des « décisions fermes et sans appel » (Fekl)

Le gouvernement compte maintenir son plan d’urgence de 1,085 milliard d’euros annoncé samedi. Il « répond aux préoccupations prioritaires exprimées par les différentes parties prenantes regroupées en collectifs, notamment en ce qui concerne l’éducation, la sécurité, la santé ou la commande publique », selon un communiqué d’Ericka Bareigts. Des accords sectoriels ont également été conclus notamment sur « l’économie », « l’agriculture », « le BTP », « les activités minières » ou encore « les communautés amérindiennes et bushninengue », selon la ministre des Outre-mer.

Le ministre de l’Intérieur, Matthias Fekl, déjà reparti pour Paris où François Hollande le recevra lundi matin, avait estimé samedi que « le gouvernement a(vait) entendu les aspirations et les demandes des Guyanais ». Il avait listé une série de « décisions fermes et sans appel » et affirmé que les 428 revendications du collectif avaient été « passées en revue, expertisées ».

Le message du collectif de Guyanais en colère est « que c’est pas mal, mais que ce n’est pas encore assez », a commenté Mickaël Mansé, autre porte-parole des « 500 frères ». Et d’affirmer que « la fusée restera au sol tant que la Guyane ne décollera pas ». Une manifestation a été annoncée dans la foulée mardi à 9 heures (14 heures à Paris) à Kourou, près du site de lancement des fusées Ariane. « Nous avions obtenu l’essentiel de nos revendications, mais nous avons décidé de rester solidaires », a déclaré pour sa part dimanche le porte-parole du Medef de Guyane, Stéphane Lambert.

La fusée restera au sol tant que la Guyane ne décollera pas

Le collectif « Pou La Gwiyann dékolé », qui regroupe les mouvements protestataires, avait aussi demandé samedi « un statut particulier pour la Guyane », déclenchant des vivats des centaines de personnes massées en contrebas de la préfecture. Davy Rimane, un membre de la délégation, avait affiché la volonté de se débarrasser d’un lien « trop centralisé et vertical avec Paris », qui empêche la Guyane « d’avancer ». En 2010, un référendum sur l’autonomie de la Guyane avait débouché sur une large victoire du « non ».

Réunion à Matignon

Le mouvement social d’ampleur inédite que connaît ce vaste territoire d’Amérique du Sud (83 000 km2) situé à 7 000 kilomètres de Paris est basé sur des revendications sécuritaires, économiques et sociales, ainsi que sur la méfiance face à l’État, accusé de sous-investissement depuis des décennies. Il a ralenti la vie économique et maintient Ariane 5 au hangar. Le Premier ministre Bernard Cazeneuve présidera lundi après-midi une réunion ministérielle sur la situation. La réunion, programmée à 16 h 30 à Matignon, doit notamment rassembler les deux ministres de retour de mission en Guyane, Ericka Bareigts (Outre-mer) et Mathias Fekl (Intérieur), ainsi que sept autres membres du gouvernement : Najat Vallaud-Belkacem (Éducation), Marisol Touraine (Affaires sociales et Santé), Jean-Jacques Urvoas (Justice), Jean-Michel Baylet (Aménagement du territoire), Stéphane Le Foll (Agriculture), Patrick Kanner (Ville) et le secrétaire d’État au Budget Christian Eckert, a précisé Matignon dans un communiqué à l’AFP.

Air France a annulé son vol direct de lundi de Paris pour la Guyane en raison de problèmes d’avitaillement en carburant à Cayenne tandis qu’Air Caraïbes proposera un vol dans la matinée.